Finalement, Idriss Déby n’est pas si courageux que le laisse croire un certain portrait de lui. Sa réputation d’homme de poigne, prêt à aller au-devant des risques, n’est pas fidèle. En tout cas, ce n’est pas ce qu’il donne comme impression avec sa pathétique tentative de faire porter à ses compatriotes la responsabilité de la situation de banqueroute que vit aujourd’hui le pays. En effet, cette façon de se dérober et de se défausser sur les autres, n’est pas digne de l’image qu’on avait du président tchadien. Car pour tout le monde, il est évident que lui et lui seul est à la base de la crise dans laquelle baigne le pays. N’admettant aucune forme de débat, encore moins de contestation, il est celui qui, ces dernières années, a décidé de tout au Tchad. Y compris donc de l’orientation économique du pays et du manque d’anticipation dont les Tchadiens sont aujourd’hui victimes. Et le moins qu’on aurait pu attendre de lui, ce serait qu’il assume. Hélas

 

Deby, redevenu poli

 

Au Tchad, fini le temps des fanfaronnades. Privé de l’importante manne financière qu’il tirait de l’exploitation du pétrole, le pays descend du piédestal sur lequel il trônait depuis 2003. Et ses dirigeants, le président en tête, sont moins enclins à bomber la poitrine. La main de nouveau tendue en direction du FMI et des bailleurs du genre, ils se réapproprient un discours moins empreint d’arrogance. Tout au contraire, Idriss Déby Itno, jadis Tout-puissant, en est réduit à faire le poli pour obtenir les subsides venant du nord. Triste retournement de situation.

 

Manque d’anticipation

 

Cependant, rien de tout cela n’est surprenant. Certes, la chute des prix des matières premières, y compris le pétrole, relève d’un contexte international sur lequel un président tchadien, aussi puissant soit-il, n’a aucune prise. Mais que le Tchad en soit si profondément affecté, la gestion du pays durant ces 15 dernières années y est pour beaucoup. Et Idriss Deby ne gagne rien à trouver les raisons ailleurs qu’à son propre niveau. Il est de loin le premier responsable de ce qui arrive. Occupés à puiser dans les réserves alimentées par l’exploitation de l’or noir, lui et son entourage n’ont pas anticipé la chute qui est intervenue. De fait, ne se préoccupant de rien d’autre, ils ont copieusement bouffé. Ils n’étaient occupés qu’à ça. Et l’exemple venant d’en haut, tous les agents de l’Etat qui étaient en mesure de le faire, ont fait de même.

 

La rançon de l’aura diplomatique

 

Pour ce qui est du président Idriss Deby Itno, il n’a pas fait que manger. Il s’est aussi et surtout servi de la manne générée par le pétrole pour se racheter une aura diplomatique qu’il ne pouvait avoir ni par les prouesses économiques du pays, ni par la gestion politique du Tchad. Alternant mascarades électorales, kidnapping et meurtre d’opposants ainsi la traque des activistes de la société civile, le chef de l’Etat tchadien a trouvé dans la menace terroriste au Sahel, l’occasion à exploiter pour redorer son image. Ainsi, prenant en charge le volet financier, il avait envoyé des soldats au Mali. En contrepartie, la France, à l’époque plutôt esseulée dans cette espèce de bourbier, s’est tue sur beaucoup de choses. Et dans le sillage de François Hollande, ce sont beaucoup d’autres chancelleries occidentales, qui avaient aussi fermé les yeux sur l’autoritarisme que Deby réserve à son pays. Mais le voilà rattrapé plus tôt qu’il ne l’aurait imaginé. Et il devra rendre compte…et non plus se poser en donneur de leçon. Encore qu’il n’est pas légitime dans ce rôle.

 

Boubacar Sanso Barry

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