« Un jeune journaliste m’a interpellé en ces termes: » doyen, que pensez-vous de la mise en demeure faite par le HCC à Abba Garde ? ». je n’ai pas l’habitude de critiquer ce qui se passe après mon passage comme ministre de la Communication parce qu’un auteur célèbre a écrit  » que meurent ceux qui vivent les yeux tournés vers le passé, car tel est leur destin. » Et je refuse de vivre ou de ressasser le passé, même immédiat. Alors, dois-je me défiler et ne pas répondre à la question du jeune confrère effronté ? Non, ce n’est pas mon genre. Dieudonné Djonabaye, le pamphlétaire d’hier n’a pas le choix et c’est le minimum qu’il pouvait prendre comme décision. L’article incriminé relève de tout sauf du journalisme que j’ai étudié et pratiqué; relater l’origine des gens pour les indexer et affirmer qu’ils nous colonisent après leurs géniteurs n’a rien d’informatif et n’apporte absolument rien au débat national sur les questions de survie, de liberté, de démocratie et de développement. Que dirait-on à un journaliste raciste américain qui récuserait à Barack Obama toute capacité à gouverner les USA parce que dans son pays d’origine on fait couler le sang pour un mandat présidentiel ? que dirait-on d’un homme politique ghanéen qui invoquerait la paternité anglaise de Jerry Rawlings pour salir sa mémoire aujourd’hui ? l’article sur les métis tchadiens m’a personnellement mis mal à l’aise parce que même en politique politicienne, c’est malsain de faire des origines de quelqu’un ou de ses infirmités un argument politique. Tout comme j’avais été choqué par ce journaliste qui avait traité l’illustre docteur et homme politique Nagoum de ‘balafré Ngama’. Au nom de la liberté et de la démocratie, nous sommes en train de tomber dans la bassesse crasse, qui n’honore personne et encore les hommes de médias.

 

Alors faut-il laisser les choses basses mourir de leur basse mort comme l’a dit Valéry Giscard d’Estaing ou mettre un coup d’arrêt à cette descente aux abîmes de la médiocrité idéologique ? je ne me suis jamais considéré comme juge ou guide éclairé. Mais je conseillerais quand même aux décideurs de ne jamais donner raison à ceux qui cherchent le martyre, car un journal est  » une denrée essentiellement périssable » en considérant aussi simplement l’audience de nos feuilles de chou. Mille lecteurs tout au plus et quels lecteurs encore! Je terminerai en rappelant ce conseil de Houphouët Boigny à Kamougué au cours d’une audience en présence de Rakhis Manany et Abderamane Moussa en marge d’un sommet France-Afrique à Paris: » quand vous avez de l’ambition pour votre pays, il n’y a pas de place pour l’amour-propre. On me dit qu’untel au Tchad est d’origine mauritanienne; ce n’est pas un argument politique. J’ai construit la Côte d’Ivoire avec des compétences de la sous-région qui servent loyalement leur pays d’adoption. » Enfin Abba Garde n’a fait que reprendre la litanie de ceux qui à la conférence nationale souveraine avaient soutenu et fait adopter la disposition selon laquelle, pour être Président au Tchad, il faut être tchadien d’origine et de parents eux-mêmes d’origine tchadienne. je n’en fais pas mienne, car ceux qui ont encadré les Tchadiens dits authentiques pour l’indépendance et tous ceux qui étaient à la base de la rébellion du Frolinat étaient pour la plupart de souches non tchadiennes, entendu le Tchad créé par les Colons et rétrocédé aux autochtones des bords du Chari/Logone et des confins désertiques.

 

Ma conclusion, c’est que le niveau du débat politique dont la presse est le reflet obligé reste trop bas dans notre pays. Et je ne dispose d’aucune recette pour rendre les choses mieux. Au secours donc, les éminences grises nationales pour éviter le pire!

 

Tchadanthropus-tribune

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  • Une très belle analyse, riche en enseignement. Cependant, la décision concernant la mise en demeure de Abba Garde est vraiment à sa place, car l’indécision est pire qu’une mauvaise décision. A mon à humble avis, si quelqu’un à la gangrène à la jambe et que cette nécrose irréversible des tissus nécessite une amputation urgente, le patient ne peut pas ne pas faire l’opération pour peur d’être doigté, à la fin de l’opération, comme étant boiteux. C’est-à-dire, si une décision juste s’impose devant une telle situation, le décideur la prend sans se soucier de la gestion du résultant de cette décision si elle est bonne au départ. Si cette décision donne à Abba Garde le martyre tant pis ! C’est un cadeau mais empoisonné ! Mais le laisser polluer le débat national avec un mille- colliniste moyenâgeux n’est pas une réaction indiquée pour un Etat de droit.

    Commentaire par Al-Amine Mohammed Abba Seid le 23 août 2017 à 10 h 54 min
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