25ème ANNIVERSAIRE ET CONSEIL NATIONAL STATUTAIRE

 DISCOURS D’OUVERTURE DU PRESIDENT NATIONAL, Saleh Kebzabo 

Camarades militantes et militants,

Chers Amis Représentants de la Société Civile,

Chers Amis Chefs de Partis Politiques,

Le 12 avril 2017, l’UNDR a eu 25 ans et nous devons nous en réjouir, non pas en organisant des fêtes et des manifestations grandioses, mais en faisant de cette opportunité une occasion de réflexion et d’évaluation du chemin parcouru, des perspectives d’avenir et d’observation de la situation intérieure chaotique de notre cher pays.

Ce n’est certes pas ici le moment de nous livrer au bilan, puisque tout au long destrois prochains jours nous serons amenés à le faire, mais nous pouvons dire que, globalement, l’UNDR a largement rempli sa part du contrat. Intrinsèquement, nous occupons une place de choix sur l’échiquier national, le parti fonctionne parfaitement bien selon ses textes fondateurs, nous accueillons tous les jours de nouveaux militants dont certains se trouvent en ce moment dans cette salle ; nous participons aux échéances électorales pour autant qu’elles pourraient être acceptables, comme la présidentielle du 10 avril 2016 qui nous a été volée…

Au chapitre du bilan, il est important de citer à part, pour y insister, la place et le rôle de l’UNDR au sein de l’opposition démocratique. Depuis la création du parti, en effet, nous avons toujours milité, aux côtés d’autres partis politiques, dans l’opposition, à travers ses divers regroupements : FORUM, COPAC, CPDC et plus récemment et maintenant encore, le FONAC. Notre philosophie en la matière est claire : malheur à l’homme seul ! Nous avons toujours soutenu que c’est seulement dans l’unité que l’opposition peut, dans le contexte actuel, jouer un rôle prépondérant aux élections ou à l’occasion de grandes rencontres.

Nous en avons donné la preuve lors de la dernière élection présidentielle. Ce que d’aucuns ont appelé une course dans le désordre, était une stratégie qui a très bien fonctionné pour les principaux candidats puisqu’elle a permis d’éliminer Déby dès le premier tour. Mais, comme vous le savez, Déby ne pouvait pas prendre le risque d’une confrontation avec n’importe lequel d’entre nous, même dans une élection truquée. Voilà pourquoi il a, au préalable, organisé et exécuté ce coup d’état électoral qui fait de lui le président le plus mal élu d’Afrique, illégal et illégitime.

Camarades et amis, il est important que cela soit constamment répété, au besoin pendant quatre ans encore, que Déby est un président illégal et illégitime que nous combattrons de toutes nos forces. Oui, nous ne laisserons à Déby et au MPS aucun répit, car un voleur doit toujours être dénoncé, poursuivi et traqué pour être mis hors d’état de nuire.

Oui, ils ont arraché le pouvoir par la force, comme ils l’ont pris par la force en 1990 ! Pour quoi en faire ? La réponse est là, le Tchad est dans un état de délabrement général, un pays égal à un tas de ruines. Le Tchad de 2017 ne vit quegrâce aux subsides extérieurs de ses partenaires qui paient nos engagements militaires, parce que nous excellons en tant que « fournisseur régional de sécurité ». Le sort de nos enfants qui meurent sur les théâtres d’opérations extérieurs, l’incommensurable gabegie qui nous appauvrit, une dette intérieure et extérieure colossale, des fortunes abyssales érigées sur le dos des citoyens, les vols électoraux, les viols constants des libertés, les arrestations arbitraires, la gestion patrimoniale accentuée par la famille présidentielle, un Etat de plus en plus policier…tout cela ne ferait ni chaud ni froid à nos partenaires qui, face à Déby, n’ont plus de principes ? Les mêmes qui tirent à vue sur le Gabon, la RDC et le Burundi, pour ne citer que ceux-là, ferment les yeux et les oreilles sur les mêmes crimes commis au Tchad. Le moment est venu d’interpeller sans complexe la France, les Etats-Unis et l’Union Européenne et leur demander de choisir entre le peuple tchadien et celui qui est responsable de ses souffrances.

En disant cela, je ne voudrais pas que l’on se méprenne sur mes propos. Il appartient absolument au peuple tchadien de poursuivre sa lutte héroïque contre l’oppresseur. Il n’est donc pas question de demander à d’autres de nous libérer. Mais si les partenaires du Tchad pratiquent le système de deux poids deux mesures, nous devons le leur rappeler et leur dire que nous avons une mémoire.

Camarades et amis, nos souffrances se sont encore accrues cette année. Vous vous rappelez la séance de discussion générale du budget en décembre. Toutes les taxes que nous avons dénoncées et dont nous avons démontré qu’elles étaient improductives, ont été maintenues et d’autres ont été introduites dans le fascicule budgétaire, illégalement. Le gouvernement ne réalise toujours pas que trop d’impôt tue l’impôt, surtout dans un pays sous-industrialisé où les recettes perçues ne vont pas dans les caisses du Trésor. Nous suggérons un audit général pour arrêter l’hémorragie. Il faut ausculter profondément toutes les régies financières, la CNPS, les différents fonds et projets, les sociétés d’état comme la Cotontchad, la Sonacim et la raffinerie de Djermaya, les entreprises qui ont réalisé des marchés pour le compte de l’Etat, les grandes institutions, les ministères, la présidence de la République… Cet audit qui mettrait à nu le système actuel, génèrerait à l’Etat des sommes colossales. Mais nous savons à l’avance que c’est un vœu pieux. Tant pis pour le Tchad actuel. Demain, évidemment, les choses se passeront autrement !

En matière de gestion opaque et de mauvaise gouvernance, nous ne pouvons pas passer sous silence l’aliénation du domaine de l’Etat qui se pratique sous nos yeux depuis plus d’une décennie. Nous rappelons le principe général en droit de l’inaliénabilité et de l’incessibilité du domaine de l’Etat. Une maffia s’est organisée pour s’approprier des immeubles de l’Etat, tandis que celui-ci, pris par des besoins énormes de trésorerie, s’est mis à brader ses domaines. Nous sommes surpris que des Etats organisés se comportent ici comme en territoire conquis et acquièrent, dans l’illégalité totale, des terrains appartenant à l’Etat, souvent à des prix dérisoires et sans réciprocité. Il est évident qu’un Etat nouveau jetterait un regard sur tout cela.

Chers camarades et amis, dans leur désir absolu de misérabiliser l’ensemble des Tchadiens, nos gouvernants ont eu la main lourde sur les cotonculteurs. Le prix du coton a brutalement et illégalement été diminué de 20 francs, alors que la société cotonnière, victime de mauvaise gestion et de détournements massifs, doit au titre de la dernière campagne 9 milliards de francs aux paysans. Quant à la campagne en cours, Dieu seul sait ce qu’il en adviendra !

Plus de 60 000 tonnes ont été enlevées sans que Cotontchad n’ait obtenu le moindre rial des banques. Autant dire que c’est la poursuite de la galère pour les cultivateurs. De plus, le gouvernement a cautionné la création d’une société cotonnière avec des partenaires soudanais qui ont commencé par lui imposer un aval de plus de 200 milliards de prêt auprès des banques arabes. Cotontchad n’en demandait pas tant. Le gouvernement découvrira, tardivement, qu’il a été, une fois encore, floué par des étrangers soutenus par des Tchadiens véreux. Cet échec prévisible aura des conséquences désastreuses sur les nouveaux cotonculteurs.

Par ce même fait, le Gouvernement cautionne l’accaparement des terres agricoles de nos paysans au profit d’une mafia internationale d’un genre nouveau dont il est le seul à connaitre les avantages qu’il en tire. Si cela persiste, nous n’aurons d’autres choix que de saisir les juridictions internationales compétentes notamment la Cour Pénale Internationale qui vient d’inscrire l’accaparement des terres des pays pauvres au rang des crimes contre l’humanité.

S’il est encore temps de le faire, nous devons pleinement nous assumer et nous opposer à la poursuite de la culture du coton au Tchad, dans la forme et aux conditions actuelles. Pour beaucoup de paysans, le coton est synonyme d’extrême pauvreté et nous endossons une grande responsabilité morale en les laissant poursuivre une œuvre inutile et ruineuse. Faut-il le rappeler, le Tchad, dans les années 60 et 70, était le plus gros producteur africain de coton, en dehors de l’Egypte et du Soudan. Tous les autres pays nous ont dépassés avec une production constante de plus de 500 000 tonnes par an et une productivité conséquente, et des revenus aux producteurs évidemment supérieurs aux nôtres. La filière coton doit donc faire l’objet d’une réflexion approfondie pour une éventuelle relance géographiquement sélective.

Camarades et amis,

Peut-on ne pas évoquer les graves problèmes que nous vivons au quotidien et qu’il faut résumer par le terme générique d’insécurité qui se vit dans tous les domaines ? Se passe-t-il un jour sans un crime isolé ou des crimes collectifs ? Que dire des affrontements dits communautaires sous l’œil complice des gouvernants ? Combien y a-t-il de morts tous les jours dans nos hôpitaux et dispensaires ? Combien de morts sur nos routes du fait d’infrastructures mal réalisées ? Et si nous ajoutons à cela l’insécurité financière et économique et celle d’un Etat informel, nous pouvons nous demander si le Tchad est un pays réellement viable.

Et pourtant, le Tchad, notre cher et beau pays, est viable, mais il s’est écroulé parce que ceux qui nous gouvernent ne l’aiment pas et l’ont mis en pièces détachées pour mieux s’en servir et nous asservir. Ce Tchad que nous voulons, nous l’aurons, n’en déplaise à ceux qui n’ont qu’un seul programme, se maintenir au pouvoir par tous les moyens. Ils utilisent pour cela toutes les recettes pour arriver à leurs fins. Ne nous contentons plus de dire qu’ils nous opposent entrenordistes et sudistes et chrétiens et musulmans. Dénonçons-les ouvertement quand les forces dites de sécurité sont entre les mains d’un seul groupe ethnique. Dénonçons les encore plus fort lorsque tel ou tel décret de nomination dans un ministère est manifestement, volontairement et cyniquement déséquilibré entre les composantes du pays. Dénonçons Déby lorsqu’il assure à sa progéniture, à sa descendance et à ses proches une assurance-vie qui les met à l’abri du besoin sur plusieurs générations. Exigeons du gouvernement des nominations équilibrées géographiquement à niveau égal, car les Tchadiens sont nés égaux et ont les mêmes droits et obligations. N’acceptons plus qu’au nom d’une géopolitique fumeuse, l’on forme de faux administrateurs, de faux experts financiers ou des juges au rabais qui font la honte du Tchad à l’extérieur et constituent un boulet à l’intérieur. Trop c’est trop !

Me tournant vers mes collègues Chefs de partis, je les invite à plus de constance et de consistance dans la lutte. Oui, chers amis, cessons de faire des va et vient comme des leaders qui ignorent pourquoi ils se battent. C’est pour cela que je vous invite à sortir de l’amalgame actuel. La loi qui nous régit est un fourre-tout en ce sens que n’importe qui peut se déclarer de l’opposition et camper dans nos rangs pour nous miner. L’on nous dit que l’opposition est plurielle, soit. C’est au nom de cette pluralité que je suggère que dorénavant, il y ait des courants dans l’opposition. Pour être précis, il peut y avoir, et il y en a, des partis de gauche qui se réclament du socialisme ou de la social-démocratie. L’UNDR est de ceux-là et souhaite que ce courant soit rapidement identifié au sein de l’opposition pour que celle-ci ne soit plus une nébuleuse qui permet au pouvoir de nous tourner en bourriques comme il le veut. Et je suis sûr qu’un courant de gauche au sein de l’opposition en sera le moteur et la locomotive. Il n’est pas inutile de rappeler que c’est cela qui nous a amenés à demander et obtenir notre récente adhésion à l’Internationale Socialiste.

Il est donc impérieux de se compter pour être l’épine dorsale de notre opposition qui en a besoin. Ce faisant, nous pourrons relancer la lutte pour affronter les défis qui nous attendent, au nombre desquels :

Se battre pour exiger et obtenir la fin du mandat de l’Assemblée qui a perdu toute légitimité depuis la prorogation inopportune et sine die de son mandat en 2015 ; de nouvelles élections devraient être organisées au plus tard en 2018 dans l’exigence de la transparence la plus totale, et sous observation internationale ;

 

Demander au gouvernement de cesser d’harceler  les militants de l’opposition et ceux de la Société civile victimes d’arrestations arbitraires et de tortures ; l’ANS doit impérativement rentrer dans les rangs et cesser définitivement de se comporter comme la DDS : en 1993 à la Conférence Nationale Souveraine (CNS), les Tchadiens, unanimement, avaient dit « plus jamais ça » ;
Mener les luttes démocratiques en comptant sur ses propres forces, et s’ouvrir aux autres organisations le moment venu ; pour cela, nous appelons de tous nos vœux le réveil du MECI qui doit reprendre ses activités ;

 

Rejeter catégoriquement la tentative actuelle du gouvernement d’occulter les vrais problèmes en les diluant dans cette nébuleuse d’un haut comité chargé de la réforme des institutions unanimement rejeté dès sa création. Le forum en préparation, c’est pour nous diviser et nous isoler. En toute responsabilité, nous exigeons un véritable dialogue inclusif. Nous devons dire clairement au gouvernement, et de façon unanime, que « l’opposition ne mangera pas de ce pain » ;

 

Repenser une opposition nouvelle pour évoluer vers des instruments de lutte efficientes en diminuant le nombre de regroupements, voire de partis politiques ;

 

Enfin au niveau du parti, intensifier le débat interne sur la nécessaire alternance à la tête de ’UNDR, comme nous nous y sommes engagés au congrès de Moundou en 2014. Nous avions dit que Moundou serait le dernier congrès dans l’opposition et que le congrès de 2019 verrait aussi l’émergence d’une nouvelle direction du Parti. Ce sont des engagements forts que nous ne devons pas oublier.

Camarades et amis, tels sont les enjeux immédiats qui nous attendent. Attelons-nous-y dans l’unité et la solidarité et sortons de notre mutisme et de ce sommeil qui nous minent. Mettons-nous systématiquement du côté des forces laborieuses opprimées : les jeunes et les femmes qui sont les parias de ce système inique qui doit être chassé afin que notre pays sorte à jamais de cet obscurantisme où l’ont plongé Déby et ses partisans.

Vive la Démocratie pour que vive le Tchad éternel.

 

 

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