Les positions militaires françaises dans le monde vont être revues. Cette question est au cœur de la réflexion engagée sur le nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, document qui redéfinira, fin 2012, les orientations stratégiques du pays et le contrat passé avec ses armées.

Le travail, lancé en juillet par le président de la République, est entré dans sa phase active. Son pilote, le diplomate Jean-Marie Guéhenno, en a précisé le cadre lors de l’université d’été de la défense, à Brest, les 10 et 11 septembre : le document, "le plus concis possible", sera "un acte politique qui doit conduire à un consensus national".

Le contour des futures opérations extérieures françaises est en débat. Les sondages indiquent que les Français attendent une intervention française en Syrie mais, à Brest, c’est l’Afrique qui a tenu une place notable dans les discussions. Enracinement d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), partition du Mali, présence des otages : les inquiétudes sur la situation sécuritaire au Sahel, priorité du ministère de la défense, dominent. La planification d’une opération de soutien à une force africaine mandatée par l’ONU est prête.

"La situation sécuritaire autour de la France et de l’Europe ne s’est pas améliorée, le citoyen français ne peut plus se déplacer en sécurité dans l’axe de crise arabo-musulman. Je ne comprendrais pas qu’on laisse le Sahel en déshérence", a souligné le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Bertrand Ract-Madoux.

"Le grand retour de l’Afrique doit être mieux pris en compte", que dans le Livre blanc de 2008, a déclaré le chef d’état-major des armées, l’amiral Edouard Guillaud. "La France est le seul pays visé dans cette zone par AQMI. A quoi ont servi des décennies de coopération ?", interroge Michel Foucher, diplomate proche de la gauche, directeur de la formation de l’Institut des hautes études de défense nationale.

"ARC DE CRISE"

Le précédent document voulu par Nicolas Sarkozy avait défini un "arc de crise" allant de la Mauritanie à l’Afghanistan. Il voulait aussi réorganiser la présence française en Afrique sur deux bases majeures, à l’ouest (Dakar) et à l’est du continent (Djibouti). Dans les faits, les points d’appui se sont disséminés au gré des opérations, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, dans le Golfe de Guinée, au Tchad, au Burkina Faso (forces spéciales), en Mauritanie et au Niger (instructeurs), à Djibouti.

"Le prépositionnement [des forces] est une garantie d’extrême rapidité" en cas de besoin, plaide l’amiral Guillaud. "En 2008, certains avaient dit que N’Djamena n’aurait plus d’intérêt grâce à l’A400M", le nouvel avion de transport stratégique qui va être livré à l’armée française. Or, analyse le chef d’état-major, le Tchad est le verrou de la région face à AQMI.

Et si l’on imagine mal de nouvelles opérations de type Afghanistan, "la menace d’AQMI peut se terminer par des projections, même s’il ne faut pas forcément des armées entières pour cela".

Jean-Marie Guéhenno note une "demande d’engagement" de la part des pays africains et précise : "La question de l’arc de crise est sensible. Il a un mérite opérationnel évident pour réfléchir aux moyens nécessaires au soutien d’une force, selon qu’on l’envoie à 5 000 km ou à 10 000 km. En même temps, si on le théorise trop, on lui donne une unité stratégique qu’il n’a pas et on se crée des problèmes."

Le Livre blanc définira plutôt des "zones d’intérêt" dans lesquelles la France serait amenée à intervenir. "Le type d’opérations va évoluer vers un meilleur équilibre entre le militaire et le civil, un équilibre entre des forces de présence et des forces plus pugnaces capables de faire basculer une situation", indique M. Guéhenno. "Ce serait une grave erreur de penser qu’on va maintenant se laver les mains de ce qui se passe dans le reste du monde." La méthode sera celle des scénarios, pour définir les contrats opérationnels des armées et désigner les alliances nécessaires.

TOUT EST ÉVOQUÉ POUR TROUVER DE L’ARGENT

Mais quels moyens donnera-t-on à ces ambitions ? "Pour la seule mise en œuvre de nos accords de défense avec les pays d’Afrique et du Golfe, l’armée de terre a du mal à remplir son contrat", a prévenu le chef de l’armée de terre, menacée de nouvelles coupes claires. Le Livre blanc aura un autre but : rationaliser une discussion budgétaire très dure – la Cour des comptes a évoqué un "choc" de moins 15 à moins 30 milliards d’euros d’ici à 2020 (pour un budget annuel de la défense de 31 milliards).

Près de 5 milliards d’euros de programmes ont déjà été différés. "Bercy a des demandes que nous estimons littéralement inacceptables", a lâché l’amiral Guillaud. Gel de 10 % des 20 000 recrutements annuels, annulation d’un tiers des mesures d’avancement, nouvelles fermetures de régiment, tout est évoqué pour trouver de l’argent.

M. Guéhenno évoque, lui, une "gestion intelligente du réalisme". Début octobre, le chef de l’Etat précisera ses intentions. Et le cadre financier de la révision stratégique sera fixé. Le général Jean-Paul Paloméros vient de quitter son poste de patron d’une armée de l’air qui a été félicitée pour avoir mené la guerre de Libye tandis qu’elle fermait huit bases dans l’année, dans l’optique de perdre un quart de ses effectifs d’ici à 2014.

"Le niveau de dépenses, explique-t-il, va dépendre largement de notre aptitude à montrer au décideur ce que peut lui apporter un outil de défense."

Source : www.lemonde.fr 

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