En lien avec l’administration Trump, les services du général Abdourahamane Tchiani se sont mis sur la piste du missionnaire chrétien enlevé à Niamey en octobre. S’ils sont parvenus à recueillir des éléments sur le début de son itinéraire de captivité, ils se heurtent à d’importantes difficultés pour localiser Kevin Rideout.

Début novembre, une équipe de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) s’est rendue en toute discrétion dans la ville de Tillabéri, le chef-lieu de la région éponyme située dans le sud-ouest du pays. Sur place, les officiers de la principale agence de renseignement nigérienne, dirigée par le lieutenant-colonel Souleymane Balla-Arabé, se sont entretenus avec un notable du village d’Ayorou. Ce dernier venait alors d’être libéré des griffes de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), après avoir été enlevé en octobre.

Durant leur débriefing, les limiers de la DGDSE ont sondé l’ex-otage sur un dossier éminemment sensible. Celui-ci concerne le sort de Kevin Rideout, un ressortissant américain enlevé à Niamey dans la nuit du 21 au 22 octobre 2025. Les sécurocrates nigériens soupçonnent ses ravisseurs d’avoir transité par les environs d’Ayorou avec leur prisonnier, dans le même périmètre où l’édile récemment libéré par l’EIGS fut vraisemblablement détenu. Ils auraient ensuite franchi la frontière malienne, trouvant un temps refuge dans la localité de Ti-n-Agarof, à proximité de la réserve naturelle d’Ansongo-Ménaka.

Cette mobilisation des autorités nigériennes a lieu en étroite coordination avec l’administration de Donald Trump, qui a érigé la libération de Kevin Rideout en priorité. Si les autorités américaines s’abstiennent pour l’heure de préciser l’identité des ravisseurs, la piste d’intermédiaires proches de l’EIGS, qui demeure très actif dans la zone transfrontalière entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, est privilégiée.

Amenuisement des capteurs

Alors que l’otage serait fréquemment déplacé au sein de cet espace échappant largement au contrôle des États concernés, les enquêteurs américains et leurs homologues nigériens peinent cependant à le localiser. Des difficultés exacerbées par l’amenuisement des capteurs de renseignement américains et de ceux de leurs principaux partenaires dans la région au cours des dernières années.

Avec la fermeture de ses deux bases nigériennes de Niamey et d’Agadez en 2024, l’armée américaine a été amputée de précieux moyens de reconnaissance aérienne dans la région. Au premier rang de ceux-ci, ses drones Reaper, qui avaient déjà été employés dans le cadre de missions de sauvetage d’otages au cours des dernières années. Washington ne peut également plus s’appuyer sur l’aide de Paris, dont les capacités dans la région ont fondu comme neige au soleil depuis les coups d’État successifs dans les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES, AI du 30/09/25). Or, la coopération avec l’allié français avait joué un rôle non négligeable dans la libération de Jeffery Woodke, autre humanitaire américain enlevé au Niger en 2016 et libéré en même temps que le journaliste français Olivier Dubois en 2023.

Également bien implanté dans la zone sous l’ex-président nigérien Mohamed Bazoum (2021-2023), le Bundesnachrichtendienst (BND), les services de renseignement allemands, qui s’était distingué à travers des opérations d’exfiltration, s’est aussi retrouvé affaibli à partir de 2024 en raison de la décision de Berlin d’abandonner l’enclave logistique que dirigeait l’armée allemande dans la capitale. En 2022, ce service avait notamment œuvré à la libération de Jörg Lange, un humanitaire allemand kidnappé dans l’Ouest nigérien quatre ans plus tôt.

En quête de nouveaux canaux

À défaut de pouvoir recourir à ces options, l’administration Trump n’a d’autres choix pour l’heure que de miser sur la junte du général Abdourahamane Tchiani, auprès de qui elle a tenté un timide rapprochement il y a quelques mois. Dans le courant de l’été, elle a accordé à cette dernière une dérogation spéciale afin qu’elle puisse obtenir des pièces détachées nécessaires à la remise en état d’une poignée de gros-porteurs de type C-130 Hercules (AI du 21/10/25). Mettre la main sur ces équipements était une demande de longue date des autorités nigériennes, qui n’étaient pas en mesure de se les procurer au regard de la législation américaine limitant la coopération avec les gouvernements issus de coups d’État.

Mais l’actuel gouvernement nigérien doit lui aussi composer avec son lot de faiblesses en matière de renseignement, en partie aggravées par la destitution de Mohamed Bazoum. Ministre de l’intérieur entre 2016 et 2020 avant d’accéder à la magistrature suprême en 2021, ce dernier avait su tisser un solide réseau au sein d’une poignée de commerçants arabes bien introduits auprès de l’EIGS. Il avait en outre noué des relations de confiance avec certaines franges de la communauté touarègue, qui, bien que minoritaire, demeure bien implantée dans la région des trois frontières.

À Niamey, d’autres canaux diplomatiques sont désormais envisagés pour pallier ces lacunes. Ceux-ci incluent notamment le Qatar, qui dispose d’une certaine assise auprès des populations sahéliennes grâce à plusieurs ONG, parmi lesquelles la Qatar Charity. De leur côté, les autorités américaines pourraient se tourner vers leurs homologues russes ou encore turcs. Si le FBI a officiellement la charge du dossier, le sort de Kevin Rideout est aussi suivi par le National Security Council (NSC) de la Maison blanche. Dans la capitale américaine, sa recherche a déjà fait l’objet de plusieurs réunions interservices mobilisant près de 200 personnes, comme l’a révélé le quotidien Washington Post.

Tchadanthropus-tribune avec Africa Intelligence

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