À force de sacrifices, le Nigeria est en train de redresser son économie. Voici les raisons de ce rebond que personne n’attendait.

Inflation galopante, investissements gelés par des pénuries de devises étrangères, licenciements de masse, le Nigeria a traversé l’une des pires crises économiques de son histoire. Mais pour la première fois depuis de mois, les prévisions de croissance sont revues à la hausse.

Relancer les grands projets d’infrastructures

Jeudi, le Parlement a finalement approuvé, au bout de cinq mois, le budget ambitieux du chef de l’État, Muhammadu Buhari, de plus de 7 000 milliards de nairas (23 milliards de dollars), établi pour « sortir le Nigeria de la récession aussi vite que possible ». Le plan par une augmentation fragile de la production pétrolière et par un prêt de 1,5 milliard de dollars de la Banque mondiale veut relancer la croissance, notamment grâce à de grands projets d’infrastructures.

Frappé de plein fouet par la récession, le budget 2016 n’a pas été honoré et seule la moitié des sommes prévues pour les différents ministères avait été distribuée. Mais cette année, les prévisions de croissance ont réussi à convaincre les législateurs.

Un rebond à nuancer

Le Fonds monétaire international table sur un taux d’expansion de 0,8 % pour 2017 et de 2,8 % pour 2018. Moody’s va plus loin : « Une croissance à 2 % (pour 2017) est tout à fait possible », a assuré Aurélien Mali, analyste pour l’agence de notation financière, à l’AFP, en marge du sommet annuel pour l’Afrique de l’Ouest tenu à Lagos cette semaine.

C’est également ce qu’envisage BMI Research, cabinet de conseil économique, dans son dernier rapport daté de jeudi, portant ses prévisions de croissance à 2 %. On reste loin de l’âge d’or du géant ouest-africain (5,4 % en 2013, 6,3 % en 2014), qui se targuait d’être la première puissance économique du continent. Certes, « l’optimisme est de retour », mais « l’économie est faible et le restera pendant les 18 prochains mois », nuance Douglas Rowlings, autre analyste pour Moody’s.

« Le problème du Nigeria, comparé aux grandes puissances pétrolières du Golfe, c’est qu’il ne s’est pas préparé aux jours de vaches maigres », note-t-il.

Pour M. Mali, « il est difficile d’imputer la crise économique au président Buhari ». « À son arrivée au pouvoir (en mai 2015, après des décennies de corruption endémique dans tous les rouages des administrations), le compte d’excédent de pétrole brut – mis en place pour protéger le pays de la volatilité des prix – était d’à peine 3 milliards de dollars » contre 20 milliards en novembre 2008.

Quelques mois plus tard, le prix du baril s’effondrait sous les 30 dollars et des groupes armés, qui se disaient décidés à « mettre l’économie du Nigeria à genoux », faisaient exploser les infrastructures pétrolières pour demander une meilleure redistribution des richesses dans la région du Delta.

La « rhétorique belliqueuse » du président Buhari n’a pas non plus favorisé un apaisement des tensions, selon BMI Research. La production est tombée à 1,4 million de barils par jour (contre 2,5 millions, il y a dix ans) et le PIB a reculé de 1,5 % en 2016.

Privilégier le dialogue

La solution est pourtant venue du dialogue. D’une part au sein de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole), où le ministre nigérian Emmanuel Ibe Kachikwu a réussi à exempter le Nigeria d’un accord sur la réduction de la production mondiale qui vise à maintenir le baril au-dessus des 50 dollars.

D’autre part, selon BMI Research, « les absences fréquentes de Muhammadu Buhari pour des examens médicaux à Londres ont laissé le vice-président Yemi Osinbajo en charge d’établir des relations positives » entre le gouvernement et les rebelles du Delta, gelant, du moins pour l’instant, de nouvelles attaques.

Une reprise de la production au-dessus des 2 millions de barils a permis au Nigeria de récupérer des devises étrangères et de réapprovisionner les banques et entreprises.

Seul bémol, les réformes structurelles

Des réformes structurelles restent nécessaires pour améliorer le climat et faire remonter le pays au classement de l’environnement des affaires de la Banque mondiale qui le situait à la 169e place mondiale (sur 190 pays) et 37e en Afrique (sur 48) en juin 2016.

L’administration Buhari a rempli sa promesse électorale en assainissant tant bien que mal un secteur pétrolier miné par la corruption et les dysfonctionnements et en dynamisant l’agriculture pour une meilleure diversification de l’économie.

Toutefois, c’est bien les hydrocarbures et les cours mondiaux qui tireront le pays du marasme. Avec des réserves estimées à 70 milliards de barils en pétrole et gaz (parmi les 10 plus grandes réserves mondiales), « même si le Nigeria n’est plus aussi attractif qu’avant, il reste incontournable sur le long terme », tranche M. Rowlings.

 

PAR (AVEC AFP)

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