
17 mars 2025 #Soudan : La Constitution signée, les RSF et leurs alliés mettent en place leur État parallèle.
Nouvellement rassemblée au sein de la Sudan Founding Alliance, la coalition doit lancer les bases d’un futur gouvernement alternatif à celui de Port-Soudan. Les membres de l’organisation ont également travaillé sur un calendrier de transition aux contours encore flous.
La signature, le 4 mars à Nairobi, d’une nouvelle Constitution par les Rapid Support Forces (RSF) soudanaises et 23 groupes qui leur sont alliés marquait la clôture d’une séquence de près de trois semaines dans la capitale kényane. Les délégués, plusieurs centaines, sont ensuite rentrés dans leurs pays de résidence et devraient désormais s’atteler à la structuration de leur nouvelle coalition, la Sudan Founding Alliance (SFA). Lancée au cours des dernières semaines, l’organisation doit se doter d’un comité de direction et de porte-parole officiels.
Cette coalition doit servir de base pour la formation d’un gouvernement alternatif à celui de Port-Soudan et la mise en place de nouvelles institutions. Les membres de la SFA espèrent annoncer depuis le territoire soudanais la nomination des gouverneurs des huit États fédérés prévus par leurs textes.
Le découpage territorial a fait l’objet de longues négociations, notamment au sujet du nombre et de la dénomination des deux États du Kordofan. L’homme fort du Sud, Abdelaziz al-Hilu (AI du 05/03/25), a insisté pour nommer sa région Sud-Kordofan-Monts Nouba.
Nouvelles institutions, nouvelle capitale
Ces gouverneurs vont de facto rejoindre le conseil présidentiel, qui sera complété de sept membres civils, parmi lesquels sont pressentis plusieurs signataires de la Constitution. L’alliance sélectionnera ensuite un premier ministre qui devra être approuvé par le conseil présidentiel, avant de pouvoir nommer un gouvernement de 16 ministres dans les trente jours.
En parallèle, la coalition devrait désigner les 177 membres de la Chambre des représentants et les 24 de la chambre des régions − la Constitution prévoyant finalement un pouvoir législatif bicaméral et une représentation des femmes à hauteur d’au moins 40 % dans les institutions d’État. Parmi les experts qui ont travaillé sur le texte, le juriste et ancien ministre de la justice Nasredeen Abdulbari s’est inspiré de la Constitution kényane entrée en vigueur en 2013 et de sa Charte des droits.
Si le texte de la Constitution n’a pas encore été rendu public, une version préliminaire consultée par Africa Intelligence apporte également des précisions sur le calendrier de la transition qu’affirme vouloir conduire la SFA. Celle-ci distingue deux différentes périodes : une « phase de transition préliminaire », sans durée spécifique, qui doit prendre fin à la « déclaration officielle de la fin des conflits armés », puis une « transition institutionnelle » de dix ans − et non quatre comme l’évoquaient des membres de la coalition avant la signature.
Détail important, la Constitution ne définit pas Khartoum comme la capitale du pays, mais laisse plutôt l’option de définir une capitale par la loi. Cette mesure répond à la situation militaire mouvante, qui a vu les RSF et ses alliés perdre du terrain depuis plusieurs mois face aux Sudan Armed Forces (SAF). Selon des sources relayées par le média soudanais Sudan Tribune, la ville de Kauda, au Sud-Kordofan, ferait consensus.
À la recherche de légitimité internationale
Alors que des membres de la coalition ont commencé à s’activer pour obtenir une reconnaissance à l’international, certains de leurs homologues se montrent sceptiques en privé sur cette possibilité, et veulent donner la priorité à l’acceptation du gouvernement par les Soudanais.
Depuis les événements à Nairobi, plusieurs pays et organisations ont publiquement condamné la formation du « gouvernement parallèle » soudanais, notamment l’Union Européenne et les États-Unis. Le président ougandais, Yoweri Museveni, a annoncé qu’il ne « reconnaîtrait pas de gouvernement parallèle ».
Par ailleurs, le flou demeure sur le financement de ce futur gouvernement, comme sur celui des rassemblements de Nairobi qui ont mobilisé des centaines de délégués venus du monde entier. Certains participants évoquent l’existence d’un comité au sein de la coalition, chargé des levées de fonds auprès du secteur privé soudanais et d’États sympathisants de leur cause. La SFA compte en outre développer la finance non islamique dans le pays pour attirer de nouveaux investisseurs.