Hors caméras, les chefs d’État présents lors de la réunion de Kinshasa, le 25 octobre, ont eu des divergences d’appréciation portant, entre autres, sur l’absence de Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine.

Cette réunion avait été initialement prévue par visioconférence le 22 octobre, avant d’être reportée au 25 à Kinshasa, à la demande du président congolais Denis Sassou Nguesso (DSN) qui souhaitait qu’elle se tienne en présentiel. La session extraordinaire de la conférence des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) « consacrée au processus de transition en République du Tchad » s’est conclue par un communiqué final qui satisfait globalement le président tchadien Mahamat Idriss Déby itno, présent à ce sommet.

Réunis sous la houlette de Félix Tshisekedi, président en exercice de la CEEAC, les chefs d’État du Congo et de la Centrafrique, ainsi que le vice-président du Burundi et la Première ministre du Gabon, ont en effet « félicité le peuple tchadien dans son ensemble » pour la tenue du Dialogue national inclusif. Ils se sont contentés de condamner « le recours à la violence à des fins politiques », sans plus de précision, dans une allusion claire aux tragiques évènements du 20 octobre.

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Le président tchadien a obtenu que ni le président de la Commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki Mahamat – pourtant annoncé – ni aucun représentant de l’organisation panafricaine, ne soit invité à cette session extraordinaire. Officiellement en vertu du principe de subsidiarité, selon lequel la CEEAC est maîtresse chez elle. En réalité parce que, déjà glaciales, les relations entre le fils du maréchal défunt et Moussa Faki Mahamat sont exécrables depuis le tweet de ce dernier condamnant « la répression des manifestations qui ont fait des morts au Tchad ».

Voix dissonante

Après une première réunion à huis clos sans Mahamat Idriss Déby Itno (arrivé en retard à Kinshasa), les participants ont écouté ce dernier livrer un récit détaillé de la journée du 20 octobre, qu’il a qualifiée de « tentative de coup d’État » » avant de rappeler au passage – histoire peut-être de les culpabiliser – que si ses pairs avaient tous exprimé leurs condoléances lors du décès de son père, aucun n’avait explicitement condamné le groupe de rebelles tchadiens responsable de sa mort au front.

Puis chacun est intervenu : la seule voix quelque peu dissonante fut celle de Denis Sassou Nguesso qui, après avoir préconisé la nécessité de poursuivre le dialogue avec toutes les parties, y compris celles qui ont boycotté le Dialogue national, a tenu à signifier que l’UA, « notre institution commune », ne saurait être tenue à l’écart du processus de transition. Un rappel auquel le jeune président tchadien a répondu en une phrase : « Moussa Faki Mahamat est un acteur politique tchadien ».

Si un bref aparté, debout, entre Tshisekedi, Sassou Nguesso et Déby Itno a permis de résoudre cette divergence d’appréciation et de déboucher sur un communiqué consensuel aux termes duquel le président de la RDC a été désigné comme facilitateur de la transition tchadienne, assisté de deux envoyés spéciaux issus de la CEEAC, toute incompréhension n’est pas pour autant levée entre N’Djamena et Brazzaville.

Outre le soutien qu’aurait apporté l’ambassadeur du Congo à Addis-Abeba au communiqué du conseil Paix et Sécurité de l’UA le 19 septembre, soulignant « qu’aucun membre du Conseil militaire de transition ne saurait être candidat aux élections », l’absence, à la dernière minute, de Denis Sassou Nguesso à l’investiture de Mahamat Idriss Déby Itno, le 10 octobre, a été mal perçue par l’intéressé. D’autant que DSN ne s’est pas fait représenter à la cérémonie, et que son compatriote (et ex-ministre des Affaires Étrangères) Basile Ikouebe, représentant de l’UA au Tchad et proche de Moussa Faki Mahamat, était lui aussi absent, tant à l’investiture qu’à la clôture du Dialogue national.

« Croire que le président Sassou soutient tel ou tel candidat au Tchad est une erreur », rassure pourtant un proche de ce dernier. « Il tient simplement au respect de certains principes fondamentaux, dont ceux qu’incarne l’UA, quelle que soit la personnalité du président de la Commission en exercice. »

Jeune Afrique

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