Dès ses premiers pas à N’Djaména, la capitale tchadienne, impossible pour le visiteur lambda de ne pas remarquer la fracture sociale qui a pignon sur rue. Alors que plus de 60% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, au milieu des taudis construits de bric et de broc -de la tôle froissée en passant par des planches de bois poussiéreuses ou des morceaux de panneaux publicitaires découpés-, d’imposantes villas à plusieurs niveaux poussent comme des champignons. Et si l’essentiel des habitants empruntent les motos taxis qui pullulent dans les rues, il n’est pas rare de voir des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires circuler dans des rutilantes berlines encore neuves.

femmes creusant foumilière pour se nourir

Pourtant, avec près de 120 000 barils de pétrole produits quotidiennement, le Tchad se hisse aujourd’hui au 48ème rang mondial des producteurs de pétrole. Une manne que les Tchadiens avaient espérée salutaire pour les sortir du sous-développement, lorsque les premiers puits avaient jailli dans le sud du pays en 2003, après plus de 30 ans de recherches infructueuses. Près de 2 milliards de dollars de recettes annuelles étaient attendues, et devaient servir à assurer l’avenir des générations futures, selon le leitmotiv de l’époque.

 

 

Mais en réalité, le gouvernement d’Idriss Déby a vite repris la main sur ces revenus pour armer ses soldats et repousser les incursions chroniques de rebelles sur son territoire. Au détriment des avancées sociales promises.


Pillage des ressources


Excédés, de nombreux Tchadiens sont de plus en plus critiques. Tels les fonctionnaires qui, réunis au sein de l’Union des Syndicats Tchadiens (UST), sont en grève depuis le mois de juillet pour réclamer une augmentation de leurs salaires. « Nous avons parmi nous des cadres du ministère des Finances qui savent très bien qu’il y a assez d’argent pour la hausse que nous demandons, assure François Djiondang, secrétaire général de l’UST, la plus grande union syndicale du pays. Une vision que ne partage pas le président Déby, qui refuse d’utiliser « la totalité des ressources du pétrole pour payer les fonctionnaires », arguant que des infrastructures doivent être construites pour préparer l’après-pétrole.

« Il y a un pillage de la manne pétrolière, sous couvert des dépenses d’avenir, donnant naissance à une classe de milliardaires menant un train de vie insolent alors que la masse voit ses conditions de vie et de travail se détériorer de jour en jour », s’indignaient en octobre dernier plusieurs associations de la diaspora tchadienne réunies en forum à Paris. « On ne peut pas dire que rien n’est fait, tente de relativiser Abdul, un militant du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir. Plusieurs routes ont été bitumées, il y a eu des gros travaux de construction, N’Djaména a beaucoup changé ». Et de citer les grands travaux présidentiels mis en œuvre : ponts, routes, pylônes électriques, hôpitaux, écoles…

Pourtant, la plupart des ONG sont sévères sur la gestion de la manne pétrolière. Dans un rapport publié l’an dernier, le Comité Catholique contre la faim et pour le Développement (CCFD) relevait qu’une bonne partie de l’argent de l’or noir a servi à l’achat des armes : « les dépenses militaires du Tchad sont passées de 35,3 milliards de francs CFA (53 millions d’euros) en 2004 à 275,7 milliards de francs CFA (420 millions d’euros) en 2008 », soit 8 fois plus d’achats d’armes, de véhicules blindés, de munitions… En octobre dernier, dans une homélie, le prélat italien Michel Russo, évêque de Doba, dénonçait les pénuries d’eau et les délestages récurrents dans cette localité du sud du pays, à partir de laquelle est pourtant exportée une grande partie du pétrole tchadien. Il a été expulsé.


Vie chère

Autre revers de la médaille : à cause du pétrole, les prix ont explosé. « Le déversement d’une forte quantité d’argent en termes de salaires, et en achats, biens et services, nécessaires au projet pétrolier explique en partie la hausse des prix au Tchad » selon Antoine Doudjidingao, économiste tchadien. En effet, la vie est devenue très chère dans le pays, surtout à N’Djaména. D’ailleurs, la capitale a été classée 8ème ville la plus chère au monde pour les expatriés en 2012, selon le cabinet britannique Mercer. Un coup dur pour les populations.


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