Son Excellence Antonio Guterres

Objet : Disparitions forcées des citoyens Tchadiens.

Monsieur le Secrétaire Général,

Le Conseil National de la Résistance pour la Démocratie (CNRD-TCHAD) voudrait attirer votre attention sur une multiplication à un rythme sans précédent des cas d’enlèvements, de tortures et de détentions illégales dans des lieux tenus secrets des activistes de la société civile tchadienne.

Le CNRD-TCHAD appelle la communauté internationale, et notamment la France et le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme à agir urgemment pour enrayer la vague croissante de disparitions forcées au Tchad.

Les faits:

  • Le dimanche 26 février 2017, Monsieur Daniel Ngadjadoum, journaliste et opposant, a été enlevé à la sortie de l’Église Évangélique Foyer Fraternel N°2 dans le 3ème arrondissement municipal de N’Djaména par deux hommes armés dans un véhicule sans immatriculation et aux vitres teintées. Jusqu’à sa libération, quatre jours après, personne ne savait où il se « J’ai été enlevé dimanche matin en sortant de l’église avec ma bible à la main. J’ai été enchaîné et menotté pendant 24 heures dans les locaux de l’Agence Nationale de Sécurité (ANS). Je vais porter plainte contre le directeur de l’ANS pour enlèvement, torture et séquestration », a-t-il déclaré à sa sort ie. L’Union des Journalistes Tchadiens, l’Association des éditeurs de la presse privée au Tchad, l’Union des radios privées du Tchad et la Convention des entrepreneurs de presse privée du Tchad ont condamné cet enlèvement et dénoncé les menaces qui pèsent sur les journalistes. L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a accusé I’ ANS, un service de contre-espionnage dépendant « directement » de la présidence d’ldriss Déby ltno, d’être derrière les enlèvements des opposants.
  • Messieurs Nadjo Kaïna et Bertrand Solo Gandere, leaders du mouvement citoyen «lyina» («On est fatigué», en arabe local) et également coordinateurs du mouvement international «Tournons La Page», ont été arrêtés et détenus au secret, respectivement depuis le jeudi 6 avril et le 15 avril Ils n’ont ni accès à leurs familles, ni à leur avocate. Et il n’existe aucune information sur les charges retenues à leur encontre.
  • Le mardi 11 avril 2017, Monsieur Dingamnayal Nely Versinis, coordinateur du Collectif Tchadien contre la Vie Chère (CTVC), a été arrêté en répondant à une convocation de l’Agence Nationale de Sécurité.
  • Le lundi 24 avril 2017, Messieurs Nadjo Kaïna, Bertrand Solo Gandere et Dingamnayal Nely Versinis, sont arrivés dans les locaux de la police judiciaire. D’où venaient-ils? Eux-mêmes ne le savent pas puisqu’ils ont quitté leur lieu de détention les yeux bandés.

La qualification des faits de «disparition forcée», requiert en effet une rigueur à la hauteur de la gravité de ce crime. L’article 2 de la Convention Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions Forcées, adoptée le 20 décembre 2006 par l’Assemblée générale de l’ONU, définit la disparition forcée comme «l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve la soustrayant à la protection de la loi». Et «Nul ne sera détenu en secret», dit l’article 17.1 de la dite Convention.

Les faits cités ci-dessus, survenus ces derniers jours, peuvent donc être identifiés comme étant des cas avérés de disparition forcée. Ils montrent que les disparitions forcées sont devenues un instrument clé de la répression au Tchad. L’Agence Nationale de Sécurité (ANS), un service de contre-espionnage, est détourné de sa mission pour faire taire de façon généralisée et systématique toute contestation venant des acteurs de la société civile qui réclament une meilleure gouvernance et une meilleure gestion des ressources financières du pays.

Il faut aussi rappeler que le porte-parole de l’opposition politique, le professeur lbni Oumar Mahamat Saleh est toujours porté disparu depuis son arrestation le 3 février 2008 par des membres de la garde présidentielle tchadienne.

Par sa signature du 6 février 2007, l’État tchadien s’est engagé à ne pas commettre d’actes contraires aux objectifs ou à la raison d’être de la Convention Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions Forcées. Les plus hautes autorités du Tchad doivent par conséquent se contraindre à respecter les engagements de l’Etat. Ni la guerre, ni le risque de guerre, ni l’instabilité politique, ni aucune autre situation d’urgence ne permet de justifier la disparition de personne quelle qu’elle soit.

Le conseil National de la Resistance pour la Démocratie (CNRD-TCHAD), souscrivant aux droits et libertés tels que définis dans la déclaration universelle des droits de l’homme et dans la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, et soucieux des libertés individuelles, condamne fermément les agissements ignobles du gouvernement à travers ses services de sécurité.

Le CNRD-TCHAD compte sur vous, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, pour la mise en œuvre d’une action rapide et résolue afin de mettre un terme aux disparitions forcées au Tchad.

Nous avons l’honneur, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, de présenter à Votre Excellence l’expression de notre très haute considération.

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