Le COP fait la déclaration liminaire de la conférence de presse.
 
La Convergence des Organisations Politiques a en effet fait une évaluation de l’exécution des prescriptions de l’Union africaine pour encadrer la transition dans notre pays.
 
Conférence de presse du 1er février 2022 : Présentation de l’Évaluation de 9 mois de transition
 
Par le Coordonnateur, Porte-parole Salibou GARBA
 
Mesdames et Messieurs les Chefs de partis politiques,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations de la société civile,
Mesdames et Messieurs les représentants des médias nationaux et internationaux,
Mesdames et Messieurs,
 
Bonjour !
 
Merci d’avoir répondu promptement à notre invitation.
 
Dans un processus de transition aussi confondante comme celle en cours au Tchad, qui a vu l’implication agissante de la communauté internationale, il est de la responsabilité des acteurs politiques parties prenantes au premier chef, de suivre, analyser, alerter et agir. La présente évaluation que nous vous soumettons résulte de cette logique. Elle est ainsi motivée par le souci de faire une appréciation à mi-parcours de la transition actuelle à partir des « repères acceptés », notamment le communiqué sanctionnant la 996ème session du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine du 14 mai 2021.
 
Chacun se souvient en effet qu’au lendemain de la prise de pouvoir par la junte militaire consécutive au décès du Président de la République Idriss DEBY ITNO, beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer et condamner ce qui n’avait d’autre nom que celui de coup d’État, c’est-à-dire une accession au pouvoir par un moyen anticonstitutionnel illégal. La réaction immédiate de l’organisation continentale n’a pas dérogé au respect des principes qu’elle a adoptés. Des institutions financières internationales, et non des moindres, à savoir la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Mondiale, ont condamné cet acte et annoncé la suspension de leur coopération avec l’État tchadien. Le Parlement de l’Union européenne a également de son côté condamné ce putsch et appela à l’arrêt de l’assistance notamment financière. Il a fallu que le Conseil de Paix et de Sécurité rende public le 14 mai 2021 le communiqué de sa 996ème pour que l’ensemble de la communauté internationale amorça un rétropédalage justifié selon elle par « la situation géostratégique particulière du Tchad et son rôle de rempart contre le jihadisme ».
Dès lors, il nous paraît plus pertinent d’apprécier le bilan du Conseil Militaire de la Transition (CMT) à l’aune des exigences de cette 996ème session du Conseil de Paix et de Sécurité, que de nous baser sur des considérations qui pourraient être subjectives. De fait, il s’est agi, pour la communauté internationale, d’une mise de l’État tchadien sous la tutelle de l’Union Africaine. Le Président de la République française, M. Emmanuel Macron qui a été le premier à adouber la junte, d’une façon à la limite de l’indécence, ne dit pas autre chose quand il affirme de façon répétitive que la transition tchadienne est conduite sous la supervision de l’Union Africaine. Telle est donc la réalité, nonobstant les déclarations tonitruantes et autres bravades des autorités de cette transition.
 
À mi-mandat, c’est-à-dire à neuf mois des dix-huit validés par l’Union Africaine, sans possibilité de renouvellement, les inquiétudes et incertitudes nées de la disparition tragique et inattendue du Président Idriss DEBY ITNO demeurent. Les orages s’amoncellent sur le ciel tchadien, au-delà des discours et mesures relevant de la recherche de « l’effet d’annonce ». C’est donc un devoir pour tous ceux qui ont à cœur la paix et le développement harmonieux du Tchad de faire cet exercice.
 
Il faut sortir notre pays des atermoiements, des tâtonnements, d’un enlisement et d’autres dérives dommageables non seulement pour notre pays, mais aussi pour toute la sous-région, le Tchad étant une véritable poudrière.
 
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine a énoncé plus de dix exigences adressées aux actuelles autorités de la transition, dont :
 
– La cessation des hostilités et de l’état de belligérance entre les protagonistes armés ;
– La promotion des libertés fondamentales dont celles de manifester ;
– La séparation des pouvoirs entre le gouvernement et le Conseil Militaire de la Transition ;
– La mise en place d’un gouvernement et d’un parlement de transition inclusif, c’est-à-dire reflétant tous les courants politiques ;
– La modification de la Charte de transition promulguée par les seuls militaires ;
– L’organisation, dans un délai de trois mois, d’un dialogue national inclusif.
 
Après le passage en revue du niveau d’exécution des décisions et prescriptions du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, force est de constater que les neuf mois de transition dirigée par le CMT n’ont pas permis de faire des progrès décisifs :
 
1- Si, sur le front des affrontements armés avec les mouvements politico-militaires on observe certes une accalmie, mais celle-ci demeure précaire au regard des informations faisant état d’un réarmement et d’une réorganisation de ces mouvements, plus particulièrement du FACT qui aurait reçu quantité de matériels et de renforts en hommes provenant notamment des désertions au sein de l’armée « régulière », ainsi que des jeunes qui ne croient plus en un changement par voie démocratique. De plus, il est notoirement affiché que les autorités de la transition eux aussi ne prennent pas le chemin de la paix, mais bel et bien celui de la reprise des hostilités militaires, comme l’attestent les tranchées creusées qui ceinturent la ville de N’Djamena, ainsi que les achats massifs d’armes.
 
Les résultats « tangibles » des missions effectuées par les membres du
Comité Technique Spécial chargé de préparer la participation des mouvements politico-militaires au Dialogue National Inclusif sont illusoires. Au regard des communiqués et des déclarations des uns et des autres, avec notamment les communiqués de Rome sous l’égide de Sant’Egidio, il y a lieu d’être circonspects, jusqu’à ce que le pré-dialogue annoncé se tienne effectivement et donne des résultats à même de construire la paix tant attendue et permette la tenue du dialogue global et inclusif dans la sérénité sans susceptibilité.
 
Parallèlement aux menaces de reprise des hostilités entre belligérants armés, les règlements de comptes au sein des clans au pouvoir et la circulation incontrôlée des armes de guerre font régner un climat d’insécurité généralisé dans le pays.
 
2- Sur le plan de la promotion des libertés et de la protection des droits fondamentaux de l’homme, les restrictions au droit à l’expression perdurent :
 
– Les forces de défense et de sécurité continuent à semer la terreur au sein des populations, les délestant sans ménagement de leurs biens. Ces unités armées se comportent souvent en hordes de vandales, n’ayant aucune considération pour les lieux sacrés de culte comme ce qui s’est produit le vendredi 3 novembre dernier à la paroisse Saint ISIDORE BAKANDJA de Walia, ainsi que les franchises scolaires allégrement violées et les élèves pris pour cible et gazés sans ménagement.
 
– Les organisations politiques et de la société civile sont quasiment interdites de manifestation ; à chaque tentative de sortie, outre les tracasseries administratives, c’est l’usage de la répression (tirs de gaz lacrymogène et à balles réelles, bastonnades et arrestations, …) qui leur est opposé. La récente situation insurrectionnelle de Faya résulte des méthodes brutales de l’administration territoriale, civile et militaire.
 
– Comment ne pas être consternés, stupéfaits, abasourdis par la cruauté dont l’armée a fait montre contre les populations manifestant pacifiquement à Abéché ? Nous exprimons aux populations du Ouaddaï toute notre compassion et notre solidarité. Nos profondes condoléances pour la mort de ces dizaines de personnes arrachées à leurs parents, arrachées à la vie.
3- Le Gouvernement de transition ne comporte que des personnalités ayant fait allégeance au Conseil Militaire de Transition ; on est loin de la gestion inclusive du pouvoir prônée.
 
La répartition des tâches et rôles exigée par le Conseil de Paix et de Sécurité est inexistante. Tous les pouvoirs sont concentrés aux mains du seul Président du CMT, à telles enseignes qu’il est courant d’entendre un ministre, voire le Premier Ministre, dire qu’il ne peut pas se prononcer sur un sujet faisant officiellement partie de ses attributions. On en vient à se demander si le CMT en tant qu’organe est fonctionnel.
 
 
4- On attend toujours la modification de la Charte de Transition pour y inclure les inéligibilités des membres des organes de la transition (CMT, gouvernement, CNT) et la durée non extensible de cette transition notamment.
 
5- Après neuf mois de « transition », il n’est toujours pas sûr que le Dialogue National Inclusif, tel que réclamé par la quasi-totalité des acteurs politiques majeurs et sociaux, aura lieu. La remise des conclusions des travaux du Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) est sans cesse reportée. Les séances de restitution des travaux des sous-comités techniques ont suscité des réactions de réprobation générale, faisant dire aux médias locaux (y compris ceux qu’on ne saurait suspecter de sentiments anti-pouvoir) que ces rencontres ont tourné au fiasco.
 
Le délai de trois mois indiqué par le Conseil de Paix et de Sécurité pour l’organisation de ce dialogue national inclusif est largement dépassé, on nous le promet pour le 10 mai prochain, soit plus de treize (13) mois après le putsch.
 
Les organes mis en place pour préparer ces assises importantes, parce que fondatrices du vivre-ensemble, sont contrôlées à plus de 90% par les partisans du CMT. Les bureaux des sous-Comités du CODNI sont tenus par ses soutiens, les cellules ne comprennent que ceux-ci. Les débats qui s’y déroulent ne sont que diversion : les décisions sont arrachées soit par la ruse, soit par des passages en force.
 
Les structures mises en place, les thèmes retenus et l’agenda établi, rendent lourd et pénible le travail, un travail extrêmement long et très onéreux. Quand on sait la propension des tenants du pouvoir à la gabegie, à la surfacturation et aux détournements des deniers publics, il y a lieu de s’interroger sur la volonté et la capacité du CMT à organiser un véritable Dialogue National Inclusif avec un budget raisonnable. Le parfum de l’échec se fait déjà sentir.
 
 
6- La désignation des membres du Conseil National de Transition (CNT) est une catastrophe :
 
Les orientations du décret 031/PCMT/2021 du 28 mai 2021 n’ont pas été observées ; nombre de partis politiques représentatifs, présents à l’Assemblée Nationale et dans les municipalités ont été exclus, tandis que certains de partis politiques ayant fait allégeance se sont vu octroyer plusieurs sièges.
 
Les cooptations ont été faites sur la base des liens parentaux et du clientélisme politique, au détriment de l’inclusion, de la compétence et de l’expérience. Ainsi, la chambre constituée est monocolore, composée à près de 100% des laudateurs du CMT. Sur les 93 membres, un seul est susceptible d’apporter une voix discordante. De plus, les hauts responsables ont conféré à cet organe dit de transition, les prérogatives d’un parlement élu, s’octroyant des vacances parlementaires et renvoyant les Conseillers à leurs circonscriptions électorales qui n’existent pas.
 
La constitution de ce parlement de transition à budget effarant est tout, sauf un acte sérieux et responsable.
 
Ce passage en revue de l’exécution des exigences du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, permet d’affirmer de façon claire et nette que la transition tchadienne, conduite par le Conseil Militaire de Transition, bat de l’aile. Et c’est un euphémisme, pour ne pas dire un échec au regard des prescriptions de l’Union Africaine. Le CMT et son gouvernement qui ont pour seule préoccupation la conservation du pouvoir avec la même gouvernance responsable de l’effritement de l’État et la dislocation de la nation, nous conduisent vers une implosive impasse. Une prorogation du délai de la transition, quelle qu’en soit la durée, ne nous conduira pas à la cessation de l’usage des armes comme moyen de conquête du pouvoir. À la volonté de conserver le pouvoir par les armes, les populations vont répondre par des manifestations de plus en plus violentes, et les politico-militaires par des alliances de plus en plus incontrôlées, voire diaboliques en vue de la conquête armée du pouvoir. Ce sont ces périls qu’il faut conjurer. Cela est à notre portée.
 
Je terminerai en vous disant que cette « Évaluation » a déjà été transmise aux partenaires de la communauté internationale impliqués ou intéressés à ce processus de transition, ainsi qu’au Premier Ministre de Transition.
 
Je vous remercie

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Tchadanthropus-tribune

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