20 juillet 2021 #TCHAD #Dialogue inclusif #Opinion Libre : Qui a peur de l’inclusion ?
Chers Tous,
Le fameux dialogue inclusif serait-il en train d’être tué dans l’œuf avant même de voir le jour ? Certains signes inquiétants semblent l’indiquer ces jours-ci.
Un des signaux en date, un message sous forme de copie d’écran, nous apprend que des émissaires tchadiens ont été envoyés, au Qatar et en France, pour signifier aux dirigeants de ces États, les exigences du CMT, concernant les conditions du retour aux pays de quelques chefs rebelles.
Sous une double réserve, tout d’abord, qu’il n’y ait pas d’erreur de traduction ou de transcription du contenu, et qu’ensuite l’existence de ce message soit avérée, il y a de quoi interpeller.
En substance, il y est indiqué, une première fois, que le Qatar « doit aider financièrement à la réinsertion des combattants de l’UFR », et une autre fois, que « le Qatar doit aider au financement du dialogue inclusif. » Un ton presque comminatoire qui ne trouverait sa raison d’être que dans une adresse à un subordonné, ou à un débiteur.
Le même type de message aurait été envoyé aux autorités françaises, ce qui laisserait penser que les liens de vassalité auraient changé de polarité, alors que jusque-là, c’est Paris qui dicte toujours ses conditions.
Ainsi, dans la forme comme dans le fond, les impairs sont si grossiers, qu’on est en droit de se demander s’ils ne sont pas commis à dessein.
D’abord dans la forme, on imagine mal comment un État tiers peut donner suite à une demande exprimée avec autant de condescendance.
Pour le fond ensuite, puisque dans la configuration actuelle, c’est le Tchad, et non le Qatar qui est dans le besoin, on ne voit pas ce qui obligerait un dirigeant qatari à lever le petit doigt pour satisfaire aux désidératas de notre apprenti dictateur.
Sur un autre plan, le fait de fixer des conditions encadrant le retour au pays de certains compatriotes, ou leur participation à la définition de notre futur commun, c’est précisément pratiquer leur exclusion. C’est donc une façon de distendre encore les liens entre les enfants du Tchad, au moment précis où nous avons besoin de nous retrouver tous, sans exclusive, au chevet de notre pays. C’est cela, littéralement, tout le sens des termes « dialogue » et « inclusif ».
Comme nous l’avions déjà vu voilà peu, d’autres signaux inquiétants étaient déjà perceptibles dans le décret, présidentiel du 2 juillet 2021, où il est implicitement indiqué que la population toute entière sera tenue à l’écart des assises de ce qu’ils nomment abusivement « dialogue national inclusif. »
Les participants, les thèmes et le format seront choisis par une commission composée de soixante-dix personnes cooptées. Soixante dix personnes qui choisiront, parmi les seize millions de tchadiens, ceux qui pourront, ou pas, participer aux échanges lors de ces assises.
Concrètement, avec cette représentativité biaisée, cela signifie que le tchadien lambda n’aura pas forcément la possibilité de s’exprimer pendant cet ersatz de forum, que le régime est en train de préparer. Pourtant, chaque tchadien le sait très bien en son for-intérieur, ce n’est pas faute d’avoir des sujets de préoccupations.
De même, seront privés de prise de parole, les autres catégories de citoyens de ce pays, notamment les agriculteurs et les éleveurs qui, en tant que voisins, auraient tellement de choses à se dire directement, sans intermédiaires, pour mettre fin aux sanglants affrontements récurrents qui les opposent, afin de reprendre sur des bases saines, une cohabitation, voire une collaboration indispensable au développement du pays.
Le CMT parle de … « Préparer dans un esprit de consensus tous les documents à soumettre à l’appréciation des participants au Dialogue National Inclusif » et de « … prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la participation effective de toutes les personnes conviées… »
L’esprit de consensus, c’est bien ce qu’il faut, pour admettre que notre pays est à la croisée des chemins, tant les dégâts occasionnées par les décennies de mal gouvernance, celle du MPS, mais aussi celles qui l’ont précédées, ont mis le pays à genoux.
Il serait éminemment souhaitable que l’esprit de consensus prévale, pour constater cette vérité triviale : pour remettre ce pays sur le bon chemin, il est indispensable que sa future gouvernance soit effectivement centrée sur les besoins réels de la population, et non pas sur l’enrichissement d’une caste, couplé à la préservation des intérêts de la Françafrique.
Le problème, c’est que, dans une société tchadienne devenue incongruente, à force d’être travaillée par des visions divergentes, elles-mêmes portées par des préoccupations différentes, trouver un esprit de consensus relève du défi.
Un défi à la hauteur de l’enjeu majeur qui est de remettre le pays sur le bon chemin. De fait, un énorme chantier, à donner le vertige, qui nécessitera certainement un temps assez long, dont le démarrage devrait idéalement être initié par les résolutions d’un vrai dialogue inclusif qui, espérons-le, contraindra les dirigeants à être, pour une fois, hétéronomes vis-à-vis de la population.
Encore faut-il que dialogue il y ait, et qu’inclusif, il soit…
Devant la dégradation continuelle des conditions de vie, dues à une gouvernance défaillante, le pays ne peut pas fonctionner sur la lancée actuelle sans risquer l’explosion, voire la dislocation.
Il est donc impératif que les tchadiens trouvent, ensemble, la recette pour obtenir un fonctionnement de l’état satisfaisant pour tous et qui rende justice à chacun.
A cet effet, chaque citoyen tchadien doit questionner ses propres pratiques, dans ses interactions avec les trois composantes de son écosystème que sont : l’environnement social, l’environnement physique et l’environnement institutionnel. Dans le but de rechercher les causes du mal. (Que nous est-il arrivé ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Et bien d’autres questions encore.
Les réponses devraient nous amener, d’une part, à trouver des solutions durables pour l’avenir, et d’autre part, à repenser les modalités de nouvelles coactions entre citoyens, respectueuses de la dignité de chacun et en même temps, préservatrices du cadre républicain commun, qui garantit à chacun la recherche de son épanouissement personnel, quelles que soient sa religion ou son statut social.
Dans le même temps, au niveau des administrations et des institutions, des garde-fous, et des modalités de contrôle doivent être impérativement prévus, pour éviter de retomber dans les pièges du passé, notamment pour garantir la tenue d’élections véritablement libres, transparentes et crédibles.
Voilà ce qui semble effrayer une certaine frange de la classe politique tchadienne. Alors, posons la question de savoir qui a peur du dialogue inclusif.
Je vous souhaite le bonjour.
YB
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