Le successeur de Fatou Bensouda a pris officiellement ses fonctions le 16 juin dernier. Pour mener ses réformes et convaincre, il pourra compter sur des personnalités de premier plan.

À 51 ans et après bientôt trente ans à œuvrer au sein de la justice pénale internationale, Karim Khan a endossé, selon l’un de ses proches, « le rôle le plus important de sa carrière ». Le 16 juin dernier, l’avocat britannique a prêté serment à La Haye, en tant que troisième procureur de la Cour pénale internationale. Il a succédé à la Gambienne Fatou Bensouda.

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Karim Khan a donc quitté en mai dernier l’Irak où il dirigeait pour les Nations unies l’équipe chargée d’enquêter sur les crimes de l’État islamique dans le pays. Puis il est parti aux Pays-Bas, où il restera à son poste pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Neuf ans pour convaincre, mais aussi pour tenter de restaurer la légitimité de la Cour et lui garantir quelques succès, c’est-à-dire des condamnations, et si possible de personnalités « high profile ». L’avocat dit « aimer le challenge » et s’entourer de personnes qui le poussent à se dépasser : le voilà servi.

Le premier défi auquel il sera confronté sera interne avant tout : le nouveau procureur a promis de réformer la Cour, rongée par des dysfonctionnements multiples. Harcèlement moral et sexuel, faible rotation du personnel, luttes d’influence au sein du bureau du procureur… Karim Khan aura fort à faire pour bouleverser la bureaucratie de la CPI et sa politique interne, véritable « fosse aux serpents », selon l’expression d’un avocat qui a travaillé à ses côtés. D’autant plus qu’il devra composer avec des équipiers déjà présents et souvent depuis longtemps.

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Élu par les États parties en février dernier, il est le premier procureur de la CPI à ne pas avoir été choisi par consensus. Le Britannique d’origine pakistanaise doit notamment sa victoire au soutien des pays africains où il compte d’ailleurs plusieurs de ses appuis. Rencontrées tout au long de sa carrière – dont une bonne partie s’est faite sur le continent –, voici les personnalités de la justice pénale internationale sur lesquelles le nouveau procureur de la CPI, bien que réputé indépendant, pourra s’appuyer.

Essa Faal

L’avocat gambien est le procureur de la Commission vérité, réparation et réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes commis dans son pays de 1994 à 2016, alors que l’ancien président Yahya Jammeh était au pouvoir. Il exerce également en tant qu’avocat de la défense pour la CPI. Proche de Karim Khan, il a travaillé avec lui à plusieurs reprises, dans son équipe… et dans le camp adverse.

Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 2000. Karim Khan défend alors un accusé devant l’unité des Nations unies sur les crimes graves commis au Timor oriental, où Essa Faal exerce en tant que procureur adjoint. Ils se retrouvent à la CPI, où ils seront à la fois adversaires sur l’affaire Bahar Idriss Abu Garda (Soudan) ; et partenaires pour défendre l’ex-vice-président kenyan William Ruto. Les deux hommes sont restés proches et échangent fréquemment.

• Shamala Gendra

L’avocate malaisienne a elle aussi croisé la trajectoire de Karim Khan à plusieurs reprises, au Timor oriental, au sein du tribunal spécial pour la Sierra Leone et à la CPI. L’épouse de Karim Khan a notamment travaillé à ses côtés à La Haye pour défendre l’ambassadeur Francis Muthaura, William Ruto et le libyen Saif Al-Islam Khadhafi.

Elle est également engagée dans plusieurs actions humanitaires, et spécialisée sur les violences sexuelles. Elle exerce notamment en tant que conseillère « genre et droits de l’enfance » auprès des Nations unies.

• Adama Dieng

Le conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide est celui qui a convaincu Karim Khan de se présenter comme candidat à la tête de la CPI. Convaincu que le Britannique avait les compétences requises pour occuper le poste de procureur, il a rédigé en octobre 2019 la lettre de recommandation accompagnant son dossier.

Il a également porté la campagne de son protégé auprès des États parties, réunissant les pays africains autour de sa candidature, et tâchant de convaincre les autres régions, notamment l’Occident, qui soutenait les candidats espagnols et irlandais.

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En 2020, Adama Dieng a parcouru l’Irak aux côtés du Britannique afin de réunir les différentes obédiences religieuses du pays. Leur travail commun a abouti à la signature d’une déclaration commune pour la paix. C’est suite à cette mission que le Sénégalais a décidé d’accompagner Karim Khan dans son élection.

• Hassan Jallow

L’actuel président de la Cour suprême gambienne, ancien ministre de la Justice, est resté proche de Karim Khan depuis leur rencontre, à la fin des années 1990, au sein des tribunaux spéciaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda. L’avocat britannique a rejoint le bureau du procureur Hassan Jallow en 1997.

Ce dernier sera ensuite nommé procureur général du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux de 2012 à 2016. Il est rentré en Gambie à la faveur du changement de régime qui a contraint Yahya Jammeh à l’exil, en rejoignant le gouvernement du président Adama Barrow. Il continue à échanger régulièrement avec Karim Kahn.

Le procureur-adjoint de la CPI fait partie de l’équipe déjà en place avec laquelle Karim Khan sera bien obligé de travailler. Le Canadien, élu par l’Assemblée des États parties, occupe ce poste depuis le mois de mars 2013. Auparavant, il officiait en tant qu’avocat général pour le procureur général de Toronto.

Il est la personne chargée d’opérer le processus de transition entre Fatou Bensouda et Karim Khan, et de la transmission des dossiers. Son successeur sera désigné en décembre de cette année, car son mandat s’achève en mars 2022.

Jeune Afrique

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