C’est une évidence avec laquelle il faut compter. Le sport est une activité physique et sociale qui contribue au bienêtre et à l’amélioration de la santé. Il est frappé, comme tous les secteurs, de plein fouet par le COVID 19. Depuis l’apparition de cette pandémie planétaire, tous les programmes des événements sportifs ont été reportés, décalés voire annulés. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, des conflits de tous ordres ont apparu plus particulièrement dans le football.

En effet, si dans les autres sports, rien de significatif n’est observé, il n’en demeure pas moins que dans le football, les chroniques sont alimentées par des conflits de gouvernance et d’autorité entre la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et la Confédération Africaine de Football (CAF). Ces conflits ont mis à nu les velléités hégémoniques de la FIFA, mais aussi le désordre qui existe à la CAF et dans certaines fédérations africaines de football (voir l’émission d’Alain FOKA : le débat africain, consacrée au paradoxe du football camerounais). Celles-ci sont de plus en plus critiquées pour leur gestion opaque et suspecte des ressources allouées par la FIFA et par leurs propres états, mais aussi pour l’organisation peu démocratique de leur assemblée générale élective.

C’est dans ces registres qu’il faut situer les difficultés du sport tchadien et la crise actuelle du football. Depuis son arrivé aux commandes, le ministre de la jeunesse et des sports, M. ROUTOUANG Mohamed N’DONGA Christian, essaie de redresser une pirogue déjà à la dérive. Sa culture et son expérience entrepreneuriales ont été certainement utiles, pour régler en douceur le problème récurrent de l’un des secteurs importants de son département réservé aux jeunes. L’organisation du Conseil National de la Jeunesse du Tchad (CNJT), pilotée de bout en bout par son inspecteur général, constitue un exemple de réussite à mettre à son actif.

Mais, l’application de cette recette au monde difficile du sport, serait le prochain défi à relever. Car celui-ci, marqué par une culture associative peu orthodoxe et un bénévolat très intéressé que l’on observe ces derniers temps dans les clubs, ligues et à la FTFA, ne sera pas simple. Un des premiers sports collectifs pratiqués au Tchad, le football est présent partout sur l’ensemble du territoire national. Bien qu’il regroupe un nombre important de pratiquants licenciés, son organisation demeure encore très amateur. Son évolution en dents de scies ne lui a jamais permis d’obtenir les meilleurs résultats dans les compétitions internationales. Ce qui se justifie par la seule coupe de la CEMAC obtenue en 2014, inscrite à son palmarès.

Pour son développement et sa promotion, le football tchadien est placé sous la houlette de la Fédération Tchadienne de Football Association (FTFA). Celle-ci est administrée, gérée et dirigée depuis plus d’une décennie par une équipe de dirigeants élus. Ceux-ci viennent de boucler leur second mandat en 2020. Le bilan présenté est jugé mitigé par certains, catastrophique par d’autres, depuis la dernière coupe de la CEMAC. Il montre une régression, voire une descente vertigineuse du football tchadien vers l’inconnu. D’où une inquiétude partagée, non seulement par les amoureux, acteurs et jeunes pratiquants, mais aussi par les plus hautes autorités du pays.

Cette inquiétude est prise en compte par le ministre des sports, puisqu’elle s’inspire des préoccupations non écrites du Maréchal qui avait déjà promis de prendre le taureau par les cornes. La suggestion faite à la FTFA de sursoir à son AG élective afin de réajuster ses statuts et ouvrir cette élection à plusieurs candidatures, s’inscrirait dans cette logique. Mais malheureusement, celle-ci semble être comprise comme une immixtion dans les affaires de la fédération. Ce qui est contraire aux statuts de la FIFA.

Le bureau exécutif de la FTFA qui a maille à partir avec le ministère des sports, fait ainsi fi de la suggestion et organise, conformément à ses statuts non modifiés, son AG élective à la date retenue. Malgré les difficultés rencontrées, celle-ci s’est déroulée dans une ambiance inédite. L’équipe sortante est reconduite par acclamation et ce, nonobstant le retrait de la délégation de pouvoirs, acté par un arrêté n° 055 du ministre de la jeunesse et des sports, relatifs aux textes en vigueur (la loi n° 026 et le décret n° 1591), pour une période provisoire de 3 mois.

Depuis, la situation est demeurée figée. La FTFA reste campée sur sa position, attendant une notification formelle de sa reconnaissance par la FIFA et la CAF, ou la suspension officielle du Tchad. Quant au ministère des sports, il attend sans doute l’expiration de ce délai provisoire avant de passer à l’étape de retrait définitif de la délégation de pouvoirs, comme stipulé dans l’article 3 de l’arrêté haut cité. Une situation qui pénalise le football tchadien déjà dans l’impasse, et tous ces jeunes pratiquants qui aspirent à réaliser leurs rêves.

Le ministre des sports, ses techniciens et conseillers restent muets, donnant l’impression d’être dépassés par les évènements. Quant au Comité Olympique et Sportif Tchadien (COST), dont l’un des rôles primordiaux dans ce genre de situation, est de se porter comme médiateur, il est absent, laissant les parties se regarder en chien de faïence. Ce qui a conduit sans doute, la Commission Culture, Jeunesse et Sports de l’Assemblée Nationale, de se saisir de la question. Elle aurait entendu dit-on, aussi bien le ministère des sports ainsi que la FTFA.

Il est vrai qu’entre tchadiens, rien n’est simple dès lors qu’il s’agit d’un conflit, aussi minime soit-il. De plus, l’interférence d’autres considérations, justifiées ou non, qui n’ont rien à voir avec le sport, exacerbe les tensions. Autrement, ce différent aurait pu trouver une issue heureuse dans un esprit de fair-play, sans frustrer les uns ni humilier les autres. Qu’il s’agisse d’un comité de normalisation de la FIFA ou de la CAF, ça ne sera qu’une médiation et non un tribunal qui condamnerait les fautifs et indemniserait les victimes. Elle montrerait simplement notre incapacité à régler sereinement nos problèmes et à trouver en interne une solution consensuelle.

Objet de toutes les critiques relatives à sa jeunesse et à son expérience limitée semble-t-il, dans le domaine des sports, le ministre résiste et affiche sa détermination à redorer le blason du sport tchadien dans son ensemble, et particulièrement celui du football. Et ce, à un moment où des bruits persistants circulent sur un éventuel remaniement du gouvernement. Il mérite même le soutien de tous ses collègues du gouvernement. Bien que curieusement, on a l’impression qu’il n’est pas ou peu aidé dans cette difficile mission, non seulement par ses ainés, mais également par un entourage, techniquement peu qualifié et peu expérimenté dans la gestion des problèmes et conflits sportifs.

Ce qui explique d’ailleurs les maladresses et incohérences qui caractérisent les actes posés par le ministère, comme : ce retrait provisoire de la délégation de pouvoirs dont le motif indiqué à l’article 12 du décret 1591 du 12/09/2018, n’est pas évident ; l’interdiction faite aux clubs d’honorer leurs engagements dans les compétitions de la CAF, sans explication ni assurance des préjudices éventuels qui en découlent ; prendre le risque du forfait des SAO et leurs conséquences pour les 2 matchs restant contre le Mali et la Namibie, comptant pour les éliminatoires de la CAN 2022 ; l’autorisation hâtive donnée, à la demande de la ligue régionale de Ndjamena de football, de démarrer son championnat.

Au-delà de toutes les passions et intérêts non avoués qu’ils suscitent, le sport et le football tchadiens possèdent un réel potentiel de jeunes pratiquants et de talents. Il suffit de se rendre sur tous les espaces libres, parfois en pleine rue, pour voir des jeunes jouer avec des chaussures de fortune, parfois nus pieds ou, chose nouvelle, avec des sandales. C’est dire que, malgré les difficultés actuelles, son horizon n’est pas sombre.

Des solutions existent, si chaque partie en conflit consent à faire un effort pour accepter le dialogue et faire quelques concessions. Et si tel est le cas, les points ci-après peuvent être examinés :

  • Annulation du retrait de la délégation de pouvoirs par l’abrogation de l’arrêté 055,
  • Annulation de l’AG élective du 12 décembre 2020 et information de la FIFA et la CAF, de la nouvelle situation et leur demander l’accord d’un report exceptionnel,
  • Constitution d’un comité paritaire, complété par des personnes ressources et des délégués invités des instances internationales du football. Ce comité sera chargé de : revoir les textes de la FTFA, en tenant compte des statuts et règlements de la FIFA, de la CAF et des textes règlementaires régissant le sport en république du Tchad ; examiner les sanctions frappant les clubs Gazelle et Renaissance FC et explorer les pistes de solution,
  • Après adoption des textes amendés, définir avec la commission électorale un cahier de charges comportant les critères d’acceptation des dossiers de candidature,
  • Après avis du comité, autoriser l’organisation d’une nouvelle AG par la FTFA. Celle-ci sera ouverte et ne peut être accessible que sur projet validé par le comité. Le projet est présenté publiquement devant l’AG par le candidat, avant sa soumission au vote des participants dument mandatés.

Telle est, une contribution parmi tant d’autres, pour sortir de cette crise qui n’a que trop durée.  Dans le contexte actuel, comme annoncé en titre, le salut du sport tchadien et particulièrement du football, ne viendra surtout que de la volonté du seul MIDI (Marechal Idris DEBY ITNO), comme l’appellent affectueusement les jeunes. Il n’y a que lui qui peut, du haut de son autorité incontestable et incontestée, intimer l’ordre au ministère des sports et à la FTFA, de se mettre autour d’une table et de dénouer cette crise.

Aussi et pour rappel, il peut instruire dans la foulée le ministre des sports, de relancer une vieille promesse de son programme de campagne 2016, celle de l’organisation des états généraux du sport, attendu toujours par tout le mouvement sportif tchadien. Ce sera l’occasion de tout mettre à plat, faire un diagnostic complet de la situation, dégager les grands axes et les priorités qui serviront à l’élaboration d’une véritable politique nationale sportive. Celle-ci tiendrait compte des réalités tchadiennes et des moyens dont dispose l’Etat.

BANGALI DAOUDA Boukar                                                                                                                   

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