Le 3 février 2008, il y a treize ans, l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparaissait. Alors qu’une intervention française vient de sauver le pouvoir d’Idriss Déby en repoussant des rebelles arrivés aux portes de Ndjamena, des militaires de la garde présidentielle tchadienne arrêtent plusieurs opposants, qui subissent de mauvais traitements en captivité. Parmi eux, Ibni Oumar Mahamat Saleh ne réapparaîtra pas. la plateforme Le Media, publie des documents selon lesquels des officiels français étaient au courant des arrestations.

Le décès de Ibni Oumar Mahamat Saleh n’a jamais été confirmé. La justice tchadienne a conclu à un non-lieu, mais une procédure existe en France depuis 2012, à la demande de la famille.

L’ONG ACAT (Action des chrétiens contre la torture) s’est portée partie civile. Et alors que la procédure est au point mort depuis 2015, elle espère une relance depuis la parution, en novembre 2020, d’une enquête sur la plateforme Le Media, qui publie des documents qui attesteraient que, contrairement à leurs déclarations, des officiels français étaient au courant des arrestations d’opposants.

Les autorités françaises étaient au courant des arrestations

« C’est ça qui est assez étonnant, nous explique Clément Boursin, responsable Afrique de l’ACAT, l’ambassadeur de l’époque Bruno Foucher indiquait pourtant aux journalistes qu’il n’avait aucune connaissance en la matière et le ministre Bernard Kouchner indiquait également ne pas avoir d’information sur le sort d’Ibni. C’est de la vaste fumisterie en fait. C’est-à-dire que la France savait ce qu’il s’était passé. Si elle savait ce qui c’était passé, elle aurait pu très vite agir pour faire en sorte que le sort d’Ibni ne soit pas celui qu’il a connu. D’une certaine manière, on pourrait éventuellement penser que la France a une responsabilité indirecte dans cette affaire. »

F. Hollande remet le dossier sur la table

« Il y a eu quelques avancées au départ avec François Hollande. Il a mis le dossier Ibni sur la table, il y a eu même des discussions assez vives entre les deux hommes et pendant un certain nombre de temps Idriss Déby n’était pas le bienvenu en France. Mais, effectivement, l’intervention militaire française au Mali en 2013 et l’aide tchadienne militaire a changé la donne. Depuis lors, on a bien remarqué, même dans les déclarations publiques, on ne parle plus de d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. La France fait très attention à ne pas froisser Idriss Deby Itno, et cet opposant tchadien Ibni a disparu du langage diplomatique public.

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Il y a de fortes chances pour que rien ne soit fait également au niveau diplomatique confidentiel sur le sujet. C’est vrai que c’est très important pour nous, parce que si le gouvernement français a fini par oublier Ibni Oumar Mahamat Saleh pour des raisons géostratégique et sécuritaire, il ne faudrait pas que la justice française en face de même. C’est important parce qu’œuvrer pour justice soit rendue à Ibni, c’est également œuvrer à ce que justice soit rendue au Tchad, et c’est également prévenir d’autres éventuelles disparition forcée d’opposants dans ce pays. »

L’enquête doit se poursuivre en France

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En tout cas, l’auteur de cette enquête devrait être entendu par la justice comme témoin, et plusieurs personnes qui avaient été citées dans l’article, qui n’ont pas encore été auditionnées, devraient l’être par la justice française, d’autres personnes qui avaient déjà fait leur témoignage, mais leur témoignage semble assez incohérent. Donc ça serait assez intéressant qu’ils clarifient leur propos devant la justice. Que la justice française s’empare de cette enquête d’investigation et puisse, sur cette base, reprendre la procédure qui n’a pas beaucoup évolué depuis 2015. »

Si l’enquête est au point mort depuis 2015, la famille de l’opposant ne baisse pas les bras. Ibni Oumar Mohamed Saleh, le fils de l’opposant, pense que de nouveaux éléments, comme ceux publiés en novembre par la plateforme Le Média, pourront faire avancer leur cause.

Si d’aucuns pensent que l’affaire est close, nous continuons à lutter contre l’oubli et à militer afin de réclamer la justice pour notre père.

Ibni Oumar Mohamed Saleh, professeur de mathématiques comme son père et qui dirige une ONG qui travaille notamment dans le secteur de l’éducation, organisait ce mercredi la 4e édition d’un prix de mathématiques qui porte le nom de son père dans leur ville d’origine de Biltine, dans l’est du Tchad.

► Pour poursuivre : Le Media 

Tchadanthropus-tribune avec RFI

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