Le Tchadien Mahamat Mahadi Ali, arrivé en France en 1999 et actuellement à la tête d’un mouvement armé en Libye, contestait le gel de ses avoirs financiers devant le tribunal administratif de Paris. Sa requête a été rejetée lundi.

Entre la France, le Tchad et la Libye, la bataille judiciaire d’un chef rebelle

Libération avait relaté, en janvier, le discret gel du compte bancaire français de Mahamat Mahadi Ali, un chef rebelle tchadien qui a vécu pendant des années à Reims avant de gagner la Libye en 2015. La mesure avait fait l’objet d’un simple arrêté, publié le 18 janvier au Journal officiel. Le groupe armé de Mahadi, le Front pour la concorde et l’alternance au Tchad (Fact), n’a pourtant jamais été désigné comme une organisation terroriste par la France, l’Union européenne ou les Nations unies. Une qualification qui ouvre la voie aux procédures administratives d’immobilisation financière.

Chasser par les armes

L’avocat de Mahadi, Jean-Christophe Ménard, a donc introduit un recours en référé devant le tribunal administratif de Paris. Il a été rejeté lundi. «Sans qu’un jugement ait été prononcé sur le fond, précise MMénard. Celui-ci interviendra dans plusieurs mois.» Dans son ordonnance, le juge des référés rappelle que «Mahamat Mahadi Ali a créé en 2016 un mouvement politico-militaire, qu’il a affirmé publiquement avoir fondé une base forte de 1 500 hommes prête à user de la violence et entrer dans un conflit armé pour renverser l’actuel président tchadien […] qu’il a négocié l’obtention d’équipements militaires et s’est rapproché d’islamistes radicaux en Libye.»

L’intéressé n’a jamais fait mystère de sa volonté de chasser par les armes le président tchadien Idriss Déby du pouvoir. En revanche, cet ex-militant socialiste dément catégoriquement toute proximité avec des groupes jihadistes. «Le Tchad est un pays multi religieux et nous tenons à préserver cette diversité et cette liberté de croyance. En Libye, on m’a souvent qualifié de laïc et même traité d’apostat !» rappelle-t-il.

En Libye, un mois de combats tous azimuts une note des services de renseignement français produite à l’audience, que Libération a pu consulter, affirme que «Mahamat Mahadi Ali s’est rapproché entre septembre et novembre 2015 d’islamistes radicaux opérant en Libye afin d’obtenir une aide de leur part». Selon le chef rebelle, cette période «coïncide» avec la date à laquelle les «Brigades de défense de Benghazi (BDB) se sont installées à 120 kilomètres de notre base, dans la région de Djoufra».

Une décision rare

BDB est composé d’anciens combattants du Conseil de la choura des révolutionnaires de Benghazi chassés de la deuxième ville de Libye par le maréchal Khalifa Haftar. Or cette organisation comptait dans ses rangs des jihadistes, notamment des membres d’Ansar al-Charia, proche d’Al-Qaeda. «Nous n’avons pas d’hostilité à leur égard – après tout, c’est leur affaire et leur pays – mais nous ne partageons pas leur vision et leur idéal politique», explique Mahadi, qui assure être entièrement tourné vers son objectif tchadien.

Au-delà de cette accusation contestée de proximité avec les islamistes, une autre remarque, contenue dans la conclusion de la note des services, explique plus certainement cette décision française, rare, d’un gel des avoirs financiers : «Le projet de fédérer les Toubous [l’ethnie de Mahadi] de la sous-région contre le régime tchadien peut conduire en cas d’offensive à fragiliser le dispositif “Barkhane” basé à N’Djamena» et «à fortement déstabiliser la République du Tchad». Le président Idriss Déby, premier allié de la France dans la lutte antiterroriste au Sahel, appréciera la vigilance de Paris.

Tchadanthropus-tribune avec Libération

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