Depuis quelques années, les cadres tchadiens qui ont accompagné le pays après sa sortie de la colonisation tirent leurs révérences. Ces hommes et femmes, qui ont tout donné, qui ont mis toute leur force pour la reconstruction du Tchad, s’en vont pour leur dernière demeure, certains dans l’indifférence générale. Les Tchadiens sont en train de perdre une grande partie de leur histoire sans s’en rendre compte.

 

Hier c’était Abdoulaye Lamana et d’autres, aujourd’hui c’est Kérim Togoï. Des hommes de valeur, une race de fonctionnaires qu’on en voit plus, une race en voie d’extinction. Toute leur vie, ils l’ont consacré à leur pays parfois au détriment de leur famille. Pour leur carrière, leurs curriculum vitae plaident pour eux. Les premières sociétés, les premiers ministères, les premiers services, ce sont eux qui les ont créés, dirigés et animés. C’étaient des services publics et ils les considéraient comme tels, c’est-à-dire des biens de tous les Tchadiens et non pas au service des intérêts particuliers.

 

Digne dans l’attitude, digne dans l’âme, ils sont partis comme ils ont œuvré pour le Tchad. En silence. Pour eux, l’intérêt du Tchad est un sacerdoce. Ils se sont dévoués corps et âme pour leur pays. Ce sont des cadres dont les générations à venir auront de la peine à imaginer qu’ils ont existé. Ont-ils des défauts ? Bien sûr, ce sont des humains. Ont-ils fait des erreurs ? Bien sûr parce que ce sont les précurseurs dans la construction du pays. Mais au-delà de tout cela, ce qui les caractérise, c’est cet amour pour leur pays, pour le bien-être de la population du Tchad.

 

Plus de quarante années de carrière et combien de comptes en banque ont-ils eu ? Combien de milliards ont-ils thésaurisé ? Combien de villas ont-ils construits ? Combien de voitures ont-ils acquis?

 

Des hommes de cette carrure existent-ils encore au Tchad ? Oui, mais ils sont très peu et ceux qui sont là sont totalement ensevelis par une race de prédateurs qui a émergé aujourd’hui au Tchad.

 

Aujourd’hui, pour beaucoup de ces grands hommes dont Ahmed Kérim Togoï, le pays ne leur a même pas rendu un hommage à la mesure de leur personnalité et du travail qu’ils ont accompli. Normal. Face à la carrure de ces hommes, les autres doivent se sentirent insignifiants, médiocres, minables.

 

Nous disons à ces valeureux fils du Tchad : reposez en paix et que la terre vous soit légère.

 

Si dans d’autres contrées, les nouvelles générations disent à ce genre de personnes : « aux grands hommes, la patrie reconnaissante », est-ce qu’au Tchad, nous affirmons : « aux grands hommes, la patrie dédaigneuse ? »

 

Brahim Moussa

bramous@yahoo.fr

 

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