Le premier ministre Abdelhamid Dabaiba et le vice-président du conseil présidentiel Musa Koni sont engagés dans une course de vitesse pour contrôler le grand sud libyen, après l’attaque du FACT et la mort du président tchadien Idriss Déby. Le premier est pro-turc, le second proche de Khalifa Haftar.

La mort du président tchadien Idriss Déby, le 20 avril, tué selon la version officielle au cours d’une offensive du groupe rebelle Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) venu du sud libyen, n’a pas tardé à attiser les rivalités entre factions concurrentes de l’exécutif tripolitain.

Pour gérer les répercussions de ce spectaculaire coup de théâtre, le premier ministre Abdelhamid Dabaiba a aussitôt réclamé l’aide d’Ankara afin de l’aider à sécuriser le Fezzan et tenter d’éviter un retour des combattants du FACT en Libye. Le chef d’état-major de l’armée Mohamed al-Haddad s’est donc rendu en Turquie le 22 avril, où il a été reçu par son homologue Yasar Güler et le ministre de la défense Hulusi Akar.

Abdelhamid Dabaiba aurait également, selon certains médias libyens, demandé à la Turquie de redéployer dans le grand sud les drones armés Bayraktar TB2 de Baykar Makina déjà présents en Libye – ils avaient permis de repousser l’offensive de Khalifa Haftar sur Tripoli. Plus simple à dire qu’à faire : leur portée est trop limitée pour opérer depuis la base aérienne de Watiya, aux mains des militaires turcs, située à plus de 1 000 km de la frontière libyo-tchadienne. Or le Fezzan est contrôlé – en pointillé – par l’Armée nationale libyenne (ANL) de Haftar, qui a d’ailleurs rapidement envoyé des renforts dans la région. Quelques unités du groupe paramilitaire russe Wagner ont ponctuellement épaulé l’ANL dans la région (Africa Intelligence du 20/08/20).

Les soutiens de Haftar en ordre de marche

Les alliés de Khalifa Haftar au sein du Conseil présidentiel (CP) à Tripoli s’activent d’ailleurs pour prendre en main le dossier. Vice-président du Conseil présidentiel, où il représente le Fezzan, Musa Koni a ainsi créé, le 21 avril, une cellule de crise consacrée au Tchad. Celle-ci est composée de bons connaisseurs du sud libyen : les chefs militaires toubou Issa Abdelmadjid Mansour et touareg Ali Kanna, qui ont longtemps flirté avec Haftar avant de se rallier à Tripoli ; le représentant de la tribu Zawiya Al-Senussi al-Hiliq, un ex-officier qui participa à la guerre menée par Mouammar Kadhafi contre le Tchad en 1986-1987 ; et un officier membre de la grande famille de notables Ould Slimane du Fezzan, les Saif al-Nasr.

De son côté, le président du Conseil présidentiel Mohamed al-Manfi a appelé « l’armée nationale » à sécuriser les frontières, mais sans dire s’il faisait référence à celle affiliée à Tripoli ou à l’ANL. La précision n’aurait pas été inutile : Mohamed al-Manfi, comme Musa Koni, passent pour être les représentants de Haftar au sein de l’exécutif tripolitain. Ils avaient été reçus fin mars par le président français Emmanuel Macron, en l’absence du représentant de la Tripolitaine au Conseil présidentiel, Abdullah al-Lafi.

Paris a longtemps favorisé une alliance entre Khalifa Haftar et Idriss Déby dans l’espoir de tarir les flux d’armes et de combattants entre le Fezzan et le Sahel. Le coup d’éclat du FACT a ruiné cet espoir. Son chef Mahamat Mahdi Ali, initialement allié aux forces tripolitaines et misraties lors de son installation en Libye en 2015, au point de subir des bombardements de l’ANL, s’était pourtant rallié à Khalifa Haftar depuis quelques années. Ce qui expliquerait qu’il ait pu se doter d’armements et de véhicules blindés sophistiqués, de provenance émiratie notamment.

Tchadanthropus-tribune avec la Lettre du Continent

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