Depuis plus de 20 ans, Ngarlejy Yorongar, le fédéraliste, dirige le parti Fédération Action pour la République (FAR). De passage à Paris, le député tchadien répond aux questions de RFI

 

Ngarlejy Yorongar, Idriss Deby officiellement réélu dès le premier tour avec 61,5 % des voix, qu’est-ce que vous en pensez ?


Ngarlejy Yorongar: Vous savez que la Ceni est une émanation de Déby composée de toutes pièces par ses agents. Ce sont des résultats façonnés, des résultats falsifiés. Déby n’est jamais élu ! Déby a laissé faire la partie sud où les gens sont enclins à se révolter, à contester. Il a collectionné quelques voix au sud et il a complété avec le nord où il a contrôlé à 100 % !


L’opposition a publié ses propres résultats selon lesquels Saleh Kebzabo serait arrivé premier devant Laoukein Kourayo Médard, Mahamat Ahmat Alhabo et Idriss Deby. Toujours selon ces chiffres, il y aurait un second tour. Pensez-vous ces résultats plus crédibles ? 

Oui, là où les candidats contrôlent les bureaux de vote c’est vrai dans la partie sud du pays, parce que les résultats des candidats de l’opposition auxquels vous avez fait allusion, ce sont des résultats qui concernent uniquement les sept régions du sud et du l’Ouaddaï plus N’djamena. Ce qui fait neuf régions sur vingt-trois régions. Donc je crois que c’est à peu près exact. Mais Idriss Deby s’est arrogé la partie nord du pays à sa guise. Il y a des coins où il se dit élu à 90-99 %. Ce n’est pas vrai ! Au vu de ce que j’ai constaté lors de mes tournées, ce n’est pas vrai du tout ! Donc autant il a caporalisé le nord, il a ajouté les voix du sud, ça lui fait les résultats qu’il a donnés. Mais ce n’est pas vrai ! Déby n’est jamais élu.


Alors si l’opposition n’est pas en mesure de donner des résultats globaux pour tout le Tchad c’est parce qu’elle n’avait pas de délégués dans les bureaux de vote des quatorze autres régions du pays. Est-ce que ce n’est pas à cause de vos divisions internes à l’opposition ?

Non, pas du tout. Si moi j’étais candidat j’allais avoir les résultats sur l’ensemble du territoire, peut-être en dehors du Borkou-Ennedi-Tibesti.

Mais est-ce que l’union ne fait pas la force ?


Mais l’union en matière politique en Afrique ce n’est pas la même chose qu’ici. Moi, personnellement, je ne peux pas m’associer avec des gens qui font la navette entre l’opposition et le gouvernement.

Ngarlejy Yorongar, votre candidature n’a pas été validée parce qu’il n’y avait pas une photo de vous et le logo de votre parti dans votre dossier de candidature. Et du coup, beaucoup se sont dit : «c’est un acte manqué». Cette année, Yorongar, ne veut pas y aller.


Si je ne veux pas y aller je ne vais pas parcourir tout l’ensemble du territoire. Mais une semaine avant j’ai dénoncé les instructions qu’Idriss Déby a données à Nagoum Yamassoum, le président du Conseil constitutionnel, pour me recaler, qu’il trouve tous les moyens pour me recaler ! Donc c’est eux qui ont peur de moi. Mais avant cela, il m’a piqué la fédération pour laquelle j’ai été quinze fois arrêté ! Torturé ! Deux fois par lui-même !


Vous parlez d’Idriss Déby ?


D’Idriss Déby !


Vous faites allusion à ce discours du candidat Déby annonçant qu’il propose désormais pour le Tchad un système fédéral ?


Mais c’est un vol. Un vol de mon idée, ma proposition de société.

Mais vous devriez être content !


Non, pas du tout ! Pourquoi il a attendu le dernier moment pour s’autoproclamer fédéraliste, alors que moi je l’ai été dès le départ ? Et j’ai payé au prix fort ! Donc en me piquant la fédération il y a eu des magouilles autour. Il ne faut pas qu’il y ait deux candidats fédéralistes sur le terrain.


Mais tout de même, pourquoi n’y avait-il pas votre photo et le logo de votre parti dans votre dossier ?


J’y viens. Je n’ai pas produit le logo parce que le logo n’est pas prévu, ni par la Constitution, ni par la loi électorale. Donc mon dossier est en béton !


La prochaine fois est-ce que vous ne mettrez pas tout de même votre photo et votre logo ?


La prochaine fois je les mettrai pour leur couper l’herbe sous les pieds. Mais attention ! A chaque élection on modifie la loi électorale.

En votre absence c’est le maire de Moundou, Laoukein Médard, qui a fait le plein des voix dans votre région du Logone Occidental et bien au-delà. Est-ce que Laoukein Médard n’est pas en train de prendre la place de Yorongar dans le cœur de beaucoup de Tchadiens ?


A défaut de Yorongar, naturellement il faut choisir quelqu’un. A défaut, les gens ont porté leur voix sur lui. 


Et comme les absents ont toujours tort, est-ce que vous n’êtes pas aujourd’hui un homme du passé face à Laoukein Médard, l’homme de l’avenir ?


Wait and See ! (NDLR : Attendons et voyons)


Vous serez à nouveau candidat aux législatives prévues l’année prochaine ?


Ce n’est pas encore le moment de dire si je serai candidat ou pas. C’est les militants qui m’ont fait l’honneur d’être élu jusqu’à aujourd’hui – trois fois – eh bien je serai candidat. Dans le cas où mon apport n’est plus de mise pour les électeurs je m’abstiendrai. Mais moi, personnellement, je crois qu’il est temps de tirer sa révérence.

«Il faut un audit général des ministères et des programmes publics», a annoncé Idriss Déby après sa réélection. Vous, qui avez été contrôleur général d’État, qu’en pensez-vous ?

Je l’ai pris au mot. Lors d’un meeting, je lui ai dit que je mets à sa disposition mon cabinet d’étude de contrôle et de gestion pour auditer ses comptes. Donc s’il veut réellement auditer les comptes des ministères, je suis prêt à m’y impliquer.


Vous parlez d’un éventuel successeur à la tête de votre parti, vous évoquez la possibilité de travailler avec Idriss Déby. C’est fini Ngarlejy Yorongar, l’opposant pur et dur ?

Non, mais je ne dis pas que je travaille avec Idriss Déby ! Je travaille pour le Tchad ! Et s’agissant de mon départ de la direction du parti, j’envisage, mais ce ne sera pas demain la veille.

 

Tchadanthropus-tribune avec RFI

 

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