A l’instant où je rédige ces quelques lignes, rien ne montre ni n’indique que le fleuve Chari est sorti de son lit. Les indicateurs qui permettent de suivre le niveau des eaux dudit fleuve sont-ils au rouge ? Aucune alerte n’a été donnée jusque-là. Et l’on se rappelle qu’en 2022, les services en charge de cette même surveillance ont tiré sur la sonnette d’alarme dès le début de l’hivernage. Malheureusement, cela n’a pas empêché le drame de se produire, affectant une bonne tranche de la population. On avait estimé que la digue (l’ancienne) pourrait contenir cette montée des eaux mais hélas.
Tirant les leçons de l’hivernage 2022, le gouvernement, sous l’égide du ministère en charge de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat, a initié un grand projet de construction, dans le meilleur délai, d’une nouvelle digue, plus fiable et durable. L’objectif principal étant de tout faire pour éviter la catastrophe de 2022.
Ce projet dont le coût global serait de 21 milliards de FCFA prévoit dans son premier volet la construction d’une nouvelle digue de 30 km de long, large de 6m et haute de 3m. Sa fonction première est d’empêcher un éventuel débordement du fleuve Chari. Outre sa fonction protectrice, cette nouvelle digue sert aussi de route pour les automobilistes, les riverains et autres. Le second volet porte sur la réhabilitation du principal canal de drainage des eaux pluviales. La vidéo ci-après publiée monte bien ces deux aspects du projet appelé la nouvelle digue de Walia
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Ce projet à l’état actuel n’est pas encore achevé. Le maître d’ouvrage, en l’occurrence le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat, ne l’a pas encore officiellement réceptionné. Le Ministre Assileck Halata Mahamat a largement communiqué sur cet aspect en cours de la chose et a précisé les assurances qui protègent cet ouvrage dans le temps. La digue sera réceptionnée, s’il prête à Dieu, le 15 octobre prochain (2 mois 20 jours).
Il est donc nécessaire de rappeler ici qu’un ouvrage de cette envergure présente plusieurs étapes dans sa réalisation et sa gestion : construction, correction des non-conformités ou des imperfections, mise en service et suivi de l’entretien. Tout comme les routes et les bâtiments, les digues subissent généralement des dégradations et des fissures pendant leur construction ou dès les premières années de leur utilisation. Ces impairs, une fois constatés, nécessitent donc des corrections par les entreprises qui réalisent le projet. C’est pourquoi on procède d’abord à une réception provisoire et ensuite à une réception définitive de tout projet. Nous ne sommes pas encore à ce stade avec la digue de Walia, même si 82% des travaux ont été exécutés.
L’autre particularité de la digue de Walia est que sa phase d’achèvement traverse l’hivernage 2024. Ce qui, à l’évidence, ne facilite pas la tâche à la dizaine d’entreprises qui s’activent sur ce projet et qui voient leur vitesse d’exécution ralentir considérablement, en sus des dégradations dues aux fortes précipitations et qu’il faille réparer, parfois dare-dare.
Ce projet de la nouvelle digue Walia a d’abord le mérite d’être réalisé et, à terme, nous espérons que tout le monde puisse apprécier la qualité de l’ouvrage et juger de sa fiabilité et de sa valeur réelle. Car, des projets laissés en rade tels que le stade municipal de Klemat, …etc., et des projets qui se sont évaporés dans la nature avec leur financement, on en compte malheureusement beaucoup. Toute comme le bitumage des artères de la capitale, inexistant. D’ailleurs, on se demande bien qu’a-t-on fait du fameux goudron issu des champs pétroliers ? Qui est en fait un mélange d’hydrocarbures issus de la distillation du pétrole.
Chacun est libre de s’exprimer sur un sujet, de donner son point de vue citoyen en toute indépendance, notamment quand il s’agit de l’action gouvernementale. Si cela est fait avec objectivité et sans violence, c’est encore mieux pour tout le monde. Car la critique peut être désagréable mais elle est parfois nécessaire pour avancer. Cependant, force est de constater que certains débats sont clos dès leur ouverture. J’ai suivi plusieurs interventions sur les réseaux sociaux. Pour certains, l’approche est déviante, foncièrement politique et là, tous les coups sont permis. D’autres en revanche ont tenté d’argumenter en indexant quelques manquements dans la réalisation de la digue et qui, selon eux, ne s’expliqueraient autrement que par un détournement massif du budget mis à la disposition du projet. Pour les uns comme pour les autres, les arguments avancés ne supportent pas les accusations portées. Car, ces manquements pointés ne constituent pas en soit des preuves d’un détournement pour la bonne et simple raison que le projet en soit n’est pas encore achevé et donc ces manquements peuvent être rattrapés. Jusqu’à preuve du contraire, aucun fait démontrant un détournement n’est avéré.
Comparaison n’est pas raison dit-on. Il y a quelque temps au Sénégal, le problème de mobilité urbaine était devenu un véritablement goulot d’étranglement pour l’économie nationale. Les Experts avaient évalué à plus de 100 milliards FCFA le manque à gagner annuel dû aux embouteillages. Pour solutionner ce problème crucial qui étouffait le pays, le gouvernement avait initié et mené à terme trois projets phares sur la mobilité, à savoir :

– le projet TER (Train Express Régional, reliant le centre-ville de Dakar à l’aéroport Blaise Diagne à 55 Km, en passant par toute la banlieue. Une extension sur les autres villes est prévue plus tard),

– le projet BRT (Bus Transit Rapid, desservant de la banlieue dakaroise au centre-ville, 18 Km sur une voie dédiée, dégagée),

– et le projet de construction d’une trentaine d’échangeurs au niveau des ronds-points où il y a généralement des bouchons.

Les deux premiers projets ont coûté respectivement 656 milliards FCFA et 330 milliards FCA. Les détracteurs desdits projets ont vite fait des comparaisons avec des projets similaires dans d’autres pays et ont crié à la surfacturation qui porterait sur ces projets. Ils ont aussi mis en exergue l’endettement du pays (la BAD, l’AFD et la BID ont apporté les 513,5 milliards FCFA pour le projet TER. Quant au projet BRT, le Fond souverain d’investissement stratégique du Sénégal (FONSIS) a 30% et les 70% est détenu par MERIDIAM, un groupe français). La rentabilité de ces deux projets a été aussi vivement débattue. Le redéploiement des rails pour le train rapide et la réalisation de la voie dédiée pour le Bus électriques ont causé le déguerpissement des habitations et des commerces (tous indemnisés). Cela a entrainé des agitations sur le plan social.
Mis en service, ces projets s’avèrent aujourd’hui très utiles pour les populations et permettent de réaliser des chiffres d’affaires inespérés. Avec 60 000 passagers par jour pour TER et 50 000 par jour pour le BRT, les critiques se sont tues d’elles-mêmes.
Au Tchad, outre la menace de débordement du fleuve Chari, il y a des grands défis qui attendent le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’urbanisme et de l’Habitat :

– la réhabilitation du réseau de drainage des eaux pluviales de la capitale et des autres villes du pays ;

– la réhabilitation du réseau d’évacuation des eaux usées domestiques (toilettes, douche, cuisine, lessive, etc.) ;

– le ramassage des ordures ménagères et la création d’un site moderne de traitement et d’enfouissement de ces ordures ménagères.

Ces projets, s’ils sont correctement ficelés et exécutés, permettront de mettre fin au calvaire annuel des populations tchadiennes qui subissent les affres des inondations et de toutes sortes de maladies qui en résultent. Ce sont des projets vitaux qui améliorent le cadre de vie et dépassent de loin la vingtaine de milliards qui font jaser autour de la digue de Walia.
Aussi, il serait utopique de penser que la Mairie de N’djaména soit en mesure de réaliser tous ces travaux. Il faut absolument un conseil présidentiel autour de ces questions. Comme il en faut pour les questions non moins vitales telles que celles de l’eau, de l’électricité, de la santé, de l’éducation, du monde rural, etc. Il faut aussi mobiliser les investissements étrangers comme c’est le cas actuellement avec l’assistance technique et financière de la Banque Mondiale sur le projet de curage des caniveaux à N’djaména.
Mahamat Assileck Halata est un Ministre engagé, dévoué à sa mission, compétent et fidèle, il mérite encouragement et soutien.
Il y a dans le gouvernement, dans l’opposition, au sein de la société civile et de la diaspora, des Tchadiens et Tchadiennes pétris de compétences, de patriotisme et aptes à servir leur pays. Il revient au Président de la République, seul disposant du suffrage des tchadiens, de faire appel à ces patriotes, le pays a besoin d’eux.
A bon entendeur, salut !

Source: Hassan Kerim Togoi

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