Depuis le 13 mars de l’année en cours, un pré-dialogue entre le Gouvernement de Transition du Tchad et les « politico-militaires » se déroule à Doha au Qatar. Ces pourparlers qui avaient, au moment de leurs annonces, suscité d’immenses espoirs de voir enfin notre pays débarrassé de son passé tumultueux, rythmé d’instabilités chroniques, commencent par créer des sérieux doutes quant à un aboutissement heureux. D’abord la qualité et le nombre scandaleusement élevé des groupes dits politico-militaires créés et parrainés pour l’écrasante majorité par quelques membres du Comité Technique Spécial, pose un dilemme. Il faut le souligner avec force que l’amateurisme sinon l’irresponsabilité de ces quelques membres du comité Technique Spécial a contribué à installer une pagaille devenue désormais un handicap insurmontable au démarrage des négociations devant déboucher à cette paix tant aspirée par l’ensemble des Tchadiens.

Cette situation n’a pas non plus épargné le pays hôte qui s’est trouvé confronter à une situation d’embarras par rapport à son rôle de médiateur ou facilitateur d’où la succession des reports. En effet, au lieu d’avoir affaire à quelques groupes politico-militaires structurés, munis des projets, il s’est retrouvé face à sept groupes politico-militaires dilués dans une marmaille indéchiffrable, composée des activistes, des politico-militaires ralliés à N’Djamena, des opposants politiques dont les programmes se résument aux critiques du gouvernement, des migrants, des crieurs publics pour ne pas dire des clowns, bref tout y passe, ce qui fait que les négociations bougent sans avancer.

Evidemment la plupart de ces copistes cités ci-haut ont milités, parfois en prenant des risques, mais ils ne sont pas des politico-militaire et la question : à quelle fin et quelle message le Comité Technique Spécial voudrait-il envoyer au reste du monde en mettant cinquante neuf groupes « rebelles » autour d’une table de négociations et dans un pays qui n’est pas le notre ? C’est tout simplement grotesque et c’est le Tchad qui prend des coups.

Loin de moi l’idée de jeter des cailloux à tel ou telle, mon souci c’est de soulever des questions réelles autour des sujets d’intérêt général afin de susciter le débat et ainsi apporter ma pierre à la réalisation d’une paix durable dans notre pays.  Aussi, je voudrais pour mémoire, rappeler quelques unes de ces négociations qui se sont déroulées dans des conditions à peu près similaires à celles de Doha et les suites sont connues de tous. Je veux parler des négociations de Hadjar Marfaine, de Moudour dans le Dar Tama que j’ai eu le privilège de conduire, Syrte, Tripoli, Genève etc… et le résultat était identique, puisqu’on ne peut pas faire la même chose et attendre des résultats différents, d’où la même impasse suivie à chaque fois d’une reprise des sinistres hostilités.

C’est pourquoi, il est du devoir de chacun d’entre nous de dénoncer sans hésitation, les errements de ceux qui s’égarent volontairement afin de cesser de donner au reste du monde l’impression qu’au Tchad le temps passe mais rien ne change. Aussi, il est plus que jamais temps de mettre toutes les chances du coté de la paix et éviter de manière irréversible de retomber dans cette instabilité cyclique à laquelle les Tchadiens semblent désespérément s’accommoder.

Après ce constat non exhaustif et certes peu flatteur de ce que je suis tenté d’appeler le barouf de Doha, des questions se posent, notamment, les membres du Comité Technique Spécial ont-ils pensé aux conséquences en cas d’accord ? Ce n’est pas si sûr sauf s’ils ont des agendas cachés, voire des ambitions wagneriennes. En effet, prenons un seul parmi le chapelet d’exemples que chacun aura le loisir d’égrener le moment venu. Un mouvement politico-militaire est par nature sensé avoir des combattants et en cas de conclusion d’accords, ces combattants devraient forcément être intégrés dans l’un des corps des Forces de Défense et de Sécurité sinon démobilisés suivant un accompagnement. Et supposons que chacun des 59 mouvements dits politico-militaires dispose de plus ou moins 500 éléments. Faites le calcul et imaginez les dégâts sur le budget déjà exsangue du Tchad mais pas seulement. Notre pays est-il prêt à intégrer, les dizaines de milliers d’orpailleurs qui peuplent l’extrême nord du Tchad, des supplétifs des milices libyennes, soudanaises, centrafricaines, nigérianes etc.… pendant que des milliers des diplômés sont en attente d’intégration depuis des années ? La réponse est évidemment non et donc des dispositions doivent être prises, car gouverner c’est prévoir.

Le Gouvernement de transition doit donc, impérativement, prendre toutes les mesures correctives nécessaires à la réussite de ce pré-dialogue afin de ne pas priver les Tchadiens de cette nième occasion de faire du Tchad un pays comme les autres. Une de ces mesures doit consister à se recentrer sur les sept mouvements politico-militaires. Les restes doivent être reversés au Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) afin de soigner ce mal destructeur de la rébellion armée de manière définitive et aller sereinement au Dialogue National Inclusif. Ainsi, soit le Gouvernement de Transition prend toutes les dispositions, notamment celles citées ci-haut, soit les négociations sont parties pour deux ans voire plus. Autrement, le seul choix qui peut être envisagé est celui de bricoler des accords à la pelle pour ceux qui sont en mission commandée et laisser les autres dans la nature et c’est l’éternel recommencement, parce que le bricolage politique mène toujours au mur.

Le 29 mars 2022

Dady HASSANE GUERO

Coordinateur du Think Tank

Restaurons le Tchad

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