Par un communiqué de presse signé de son Secrétaire Général, M. Mahamat Zène Bada, le 04 mai 2021, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS, ex-parti au pouvoir) a déversé son fiel sur le Gouvernement de transition, sommant le Comité Militaire de Transition (CMT) de réviser la charte de la transition pour exclure le Premier ministre de transition et les membres de son Gouvernement des joutes électorales post-transition, tout en omettant maladroitement de demander l’application des mêmes dispositions aux membres du CMT. Les habitudes du griotisme ont la peau dure, dit-on !

Il semble pourtant établi que les instances de Gouvernance prévues par le texte en vigueur et la constituante qui sera formée à l’issue du Dialogue national inclusif pour doter le Tchad d’un nouveau cadre juridique encadrant la vie publique auront toutes les latitudes requises pour définir les conditions à remplir pour se présenter aux suffrages des tchadiens. Pourquoi alors tant d’empressement pour le SG du MPS qui peine à apprendre les codes de la communication politique associé à son nouveau statut d’ancien parti au pouvoir ?

En effet, comme à son habitude, Mahamat Zène Bada fait là une sortie aussi tonitruante qu’irréfléchie sur la scène politique nationale. Était-il capable, tout simplement, d’agir autrement après avoir été littéralement exclu du Gouvernement de transition qu’il condamne aujourd’hui, malgré ses moult tentatives d’en être membre avec la ferme volonté de faire main basse sur le budget dont sera doté le ministère de la Réconciliation nationale et du dialogue ?

Enfin, outre la forme du document, rédigé dans un français très approximatif et digne des rédactions des élèves du cours élémentaire, le fond du communiqué de presse soulève des questions intéressantes :

  • En enjoignant le CMT de procéder à la révision de la charte de la transition, le MPS marque ainsi ouvertement son rejet de la nouvelle loi fondamentale et accuse implicitement le CMT d’usurper le pouvoir au Tchad. M. Mahamat Zène Bada peu connu pour son inclinaison au respect des lois de la République (ses différentes condamnations judiciaires le prouvent), en appellerait-il au rétablissement de l’ordre constitutionnel et s’imaginerait-il, par un lugubre jeu de circonstances, héritier politique du Feu Maréchal Idriss Déby Itno (Idriss s’écrivant avec deux « s » bien entendu, s’il vous plaît. Respects au défunt !) ?
  • La relation incestueuse qui lie le MPS à l’armée nationale tchadienne (et plus particulièrement aux vaillantes forces de la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’État, DGSSIE) perdure, malgré l’affichage de sa mise en conformité avec les dispositions de la loi n° 032/PR/2019 du 02 juillet 2019 portant charte des partis politiques au Tchad. En effet, comment comprendre autrement l’injonction faite par le SG du MPS au Président du CMT à l’effet de mettre en œuvre les décisions du Parti ? L’armée tchadienne, pourtant présentée comme apolitique et républicaine, ne serait-elle en fait demeurée que l’excroissance tentaculaire de l’ex-parti au pouvoir ?
  • Le CMT est-il un organe politiquement indépendant et maître de la destinée du Tchad au crépuscule du règne du MPS ou en est-il tout simplement une bouillante caisse de résonnance ? Dans ce dernier cas, la transition qui se met en place ne serait-elle alors qu’un leurre servi au peuple tchadien pour prolonger un régime fini ?
  • Mahamat Zène Bada se sent-il investi de prérogatives plus hautes que celles dévolues au Président du CMT au point de lui donner des ordres ? La réaction du Général de Corps d’Armée Mahamat Idriss DEBY par rapport à cette injonction grotesque et ubuesque est attendue par le peuple tchadien pour mieux jauger de la force de la relation tutélaire instituée entre le SG du MPS et le Président du CMT.

A tous ceux qui tenteraient de l’oublier, il est tout de même à rappeler que le MPS, jadis force politico-militaire, est arrivé au pouvoir par les armes en 1990. Il a ensuite troqué, à l’issue de la Conférence nationale souveraine de 1993, le treillis militaire pour le remplacer par le costume sombre des salons feutrés de la diplomatie comme le requéraient déjà, à l’époque, la charte des partis politiques. Depuis lors, de nombreuses élections organisées avec plus ou moins de transparence par le régime MPS ont été effectuées au Tchad avec les résultats que l’on connait.

Nous croyions alors fortement que ce temps où le parti au pouvoir et l’armée nationale n’étaient en réalité qu’un même corps était terminée à jamais. Que nenni ! Mahamat Zène Bada vient de nous faire étalage. Un adage bien connu dit : Chassez le naturel, il revient au galop !

A ce rythme, le SG du MPS n’hésitera pas à mettre le feu aux poudres quitte à employer à nouveau les diatribes ségrégationnistes, communautaires ou confessionnelles pour monter les tchadiens les uns contre les autres dans une vaine tentative de se remettre en selle. Mais l’histoire étant têtue, les tchadiens se souviendront longtemps encore que ce même Mahamat Zène Bada est bel et bien celui qui a tiré la première balle au Lycée Félix Éboué un certain 12 février 1979 de sombre mémoire.

Que Dieu préserve le Tchad de ce genre d’individu sinistre et ayant une aversion viscérale à la refondation d’un Tchad démocratique où la paix et la justice seront les boussoles du peuple tchadien.

Correspondance particulière

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