1. Contexte

Le Tchad ploie sous le poids de plusieurs décennies de guerre à dimensions ethnique, et régionaliste, et ce, souvent sous influences extérieures. Il s’est retrouvé une fois de plus à la croisée des chemins, après 60 années d’indépendance et presque autant d’instabilité sociopolitique marquée par des guerres civiles et du joug des dictatures.

La dernière dictature est celle du feu Président Idriss Deby qui a duré 31 ans et dont la relève est assurée par Mahamat Deby Itno, le fils du défunt Président à travers le Conseil Militaire de Transition (CMT). Ce pouvoir a été également marqué par l’absence d’ouverture politique, le non-respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, des assassinats ciblés au niveau de certaines communautés, l’arrestation de leaders, toutes choses qui ont été à l’origine de la mise sur pieds de forces politico-militaires. Les Tchadiens ont été contraints à l’exil et à prendre les armes contre le pouvoir d’Idriss Deby Itno. Le non-respect des engagements pris dans le cadre d’accords sous auspices régionales et le mépris sont à l’origine de la persistance des rebellions actuelles.

Les offensives politico-militaires récentes ayant entrainé la mort d’Idriss Deby Itno découlent de l’absence de dialogue et du refus du défunt président d’accepter de ne pas se présenter à un sixième mandat comme le lui demandaient toutes les forces vives de la nation tchadienne.

  1. Constats sur la période de transition

Les forces politico-militaires Tchadiennes font le constat de la volonté manifeste de la junte dirigée par le fils du défunt président de confisquer le pouvoir. Le contexte sécuritaire justifiant ce coup d’État est obsolète et les actes posés par le CMT démontre l’absence d’ouverture politique. Le massacre d’opposants lors des marches du 27 avril 2021, la mise en place d’une charte de transition, la nomination d’un Premier ministre ancien allié du MPS et d’un gouvernement dominé par le parti MPS mettent en exergue la volonté de conservation du pouvoir par la junte.

En outre, la France et l’Union Africaine cautionnent les actes de la junte. L’UA soutient la junte au pouvoir dans sa tentative de discréditer les forces politico-militaires en affirmant sans jamais le démontrer que les forces politico-militaires avaient dans leurs rangs des mercenaires étrangers L’UA a certes demandé la révision de la charte de transition, mais la junte poursuit la mise en place des organes de transition comme le Conseil National de Transition et entame avec légèreté des réformes majeures comme celles de l’Armée. L’UA a également demandé la mise en œuvre d’un programme de désarmement, démobilisation et réinsertion soutenu par la Communauté internationale mais à la place, la junte met sur pieds un comité de réforme de l’Armée par arrêté ministériel. Pendant la même période, la junte procède à des recrutements dans l’Armée en privilégiant les originaires des membres du CMT.

Fort est aussi notre constat devant l’indifférence de la communauté internationale, qui par son mutisme, va permettre à la junte d’organiser le dialogue national inclusif réclamé depuis longtemps par les forces vives selon ses méthodes, comme ce fut le cas de deux fora déjà organisés.

  • Vision des forces politico-militaires du dialogue national Inclusif.

Les forces politico-militaires appellent la communauté internationale à éviter que le processus de dialogue soit conçu et mis en œuvre par le CMT. Le dialogue national inclusif doit revêtir le caractère d’une conférence nationale inclusive et souveraine. Cela permettra de définir un nouveau contrat social entre tchadiens en abordant les principaux problèmes de la société dans le cadre d’un processus vérité, justice pardon pour une véritable réconciliation. Lors de cette conférence, un consensus national devrait se dégager sur les points suivants : une Charte Nationale de Transition ; les Autorités de transition (Président de Transition, Premier Ministre de Transition) ; un Conseil National de Transition devant faire office d’organe législatif et un Avant-projet de Constitution.

Les forces politico-militaires posent quelques conditions préalables pour la participation aux négociations préalables pour leur insertion au processus de dialogue et de transition politique. Ces conditions portent sur le processus de transition politique et de dialogue lui-même.

  1. Sur le processus de transition politique et de dialogue

1-  Entamer des consultations en vue d’élaborer un mandat qui doit énoncer clairement le but du dialogue national, fruit d’un consensus entre les principales parties prenantes susceptibles d’entraver le processus (parties politiques, société civile, syndicats, politico-militaires etc.). L’adhésion au mandat ne doit pas occulter les marginaux.

2-  Le dialogue qui revisitera les fondements de l’État tchadien devra débattre, sans être exhaustif, des questions suivantes : Défense et sécurité ; Paix et Réconciliation Nationale ; Justice, Droits de l’Homme et Libertés Fondamentales ; Cadre Institutionnel ; Démocratie et Élections ; Modernisation de l’État, Développement économique et Bonne Gouvernance ; Jeunesse, Culture et Sport ; Femme, genre et personnes vulnérables ; Relation internationale et Diaspora tchadienne ; La vision à long terme du Tchad dans le concert des nations.

3-  Les étapes du processus d’organisation et de tenue du dialogue devront tenir compte des principes directeurs suivants : l’inclusion, l’appropriation conjointe, vision à long terme, le caractère souverain des délibérations, le consensus dans la prise de décisions durant la préparation des assises et pendant ces assises et la garantie de sécurité des participants durant et après le déroulement du dialogue.

4-  L’implication de la CEEAC, de l’UA et de l’UE, des États-Unis d’Amérique comme sponsors/facilitateurs, avoir une implication des organisations internationales qui disposent d’expertise dans la facilitation des processus de ce genre de processus.

5-  La participation de toutes les forces vives de la Nation, doivent être assurée à ces assises de manière équitable, à savoir : les représentants des partis politiques légalement constitués ; des organisations de la société civile ; des mouvements politico-militaires, des organisations de la diaspora ; des forces de défense et de sécurité ; des confessions religieuses ; de la chefferie traditionnelle et coutumière et les personnalités indépendantes ou autres représentants des forces vives de la Nation.

6-  Au début du dialogue, la révision de la charte de transition actuelle est impérative. Cette révision doit permettre entre autres de (i) transformer le CMT en un Conseil d’État, pour lui enlever le caractère militaire; (ii) Inscrire le caractère souverain du dialogue dans la Charte; (iii) Acter l’inéligibilité des responsables des organes de transition (Conseil d’État, Chef de gouvernement et son équipe, membre du conseil national de transition, etc.) (iv) Conférer les pouvoirs de gestion de l’administration et de la sécurité intérieur à un Premier Ministre ; (v) Enlever le pouvoir de désignation du conseil national de transition au Président de transition.

7-  La mise sur pied d’une nouvelle entité nationale indépendante qui serait chargée de conduire et de gérer le processus en partenariat avec les experts et qui en serait le convocateur.

En outre, la junte militaire doit accepter que les questions de sécurité pendant et après le dialogue ainsi que les questions de cantonnement des forces politico-militaires en vue de leur prise en charge dans le processus DDR puissent faire l’objet de discussion durant les négociations en terre étrangère sous auspices internationales crédibles. A ces discussions préliminaires les forces politico-militaires exigent la présence de la diaspora Tchadienne et de la société civile comme acteur garant des accords préalables. 

  1. Sur les questions de sécurité pendant et après le dialogue :

–    Le CMT recomposé en Conseil d’État doit déclarer un cessez-le-feu, reconnaitre les forces politico-militaires comme entité à part entière des forces vives de la nation et se déclarer disposé à participer à un sous-groupe de médiation chargé de réunir les conditions de leur participation entière à la Conférence nationale souveraine ;

–    Le déploiement d’un contingent de l’Organisation des Nations-Unies pour protéger les participants au dialogue et les Autorités de transition ;

–    La nomination à la tête de toutes les circonscriptions administratives des civils compétents.

  1. Sur le processus de cantonnement des troupes des forces politico-militaires, du désarmement, démobilisation et réinsertion

–    Le CMT recomposé doit prendre l’engagement d’accepter le cantonnement des troupes sur le territoire Tchadien jusqu’au démarrage du programme DDR et de fournir les appuis pour leur prise en charge logistique ;

–    L’acceptation que les membres des forces politico-militaires puissent participer à la conception du programme DDR. 

Tchadanthropus-tribune

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