L’Union africaine a décidé de ne pas prendre de sanctions contre le Tchad, dont les autorités de la transition restent toutefois sous surveillance. Une première victoire pour Mahamat Idriss Déby et son frère, Abdelkerim, très actifs sur le plan diplomatique.
L’examen de la situation tchadienne a pris plus de temps que prévu, mais le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine a finalement décidé, le 14 mai, de ne pas prononcer de sanctions à l’encontre de N’Djamena et des nouvelles autorités dirigées par le général Mahamat Idriss Déby. Depuis l’instauration de la transition militaire à la suite du décès du président Idriss Déby Itno, celles-ci étaient en effet menacées de suspension.
Selon nos informations, le débat a fait rage au sein du CPS entre les anglophones et les francophones. Les premiers, notamment les pays d’Afrique australe (Lesotho, Malawi), étaient favorables à des sanctions en application des textes de l’UA, et ils ont d’abord bénéficié d’un soutien tacite de l’Algérie (représentant l’Afrique du Nord au côté de l’Égypte). Mais les francophones d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Bénin) et d’Afrique centrale (notamment le Burundi) ont plaidé pour la clémence.
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Précieux soutien nigérian
La décision s’est en partie jouée au sein de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a fait pencher la balance en faveur de N’Djamena. Le Ghana, qui préside l’organisation régionale, a d’abord milité pour une application stricte des textes de l’UA. Mais il s’est ensuite rallié à la position – plus souple – du Nigeria, proche allié de N’Djamena dans la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad.
Également partenaire du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au sein de la Force multinationale mixte et réputé « non-interventionniste », le Cameroun a adopté la même attitude qu’Abuja au nom de la sécurité régionale. Alger, un temps proche des vues des pays d’Afrique australe et qui préside le CPS au mois de mai, s’est finalement rangé à cet avis.
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Le 14 mai, alors que le CPS entamait l’examen de la question tchadienne, Mahamat Idriss Déby s’était rendu en visite à Abuja, où il avait rencontré le Nigérian Muhammadu Buhari. Comme à Niamey quelques jours plus tôt, il a assuré à son aîné qu’il avait l’intention de mener à bien la transition et d’organiser des élections libres dans un délai maximum de dix-huit mois, tout en tenant les engagements du Tchad en matière de politique sécuritaire régionale.
Le directeur de cabinet adjoint et demi-frère du président de la transition, Abdelkerim Idriss Déby, s’était quant à lui rendu au Rwanda, au Congo-Brazzaville et au Cameroun pour délivrer le message à Paul Kagame, Denis Sassou Nguesso (qui préside la Communauté économique des États d’Afrique centrale) et Paul Biya, qui entretient de bons rapports avec la famille Déby. Le ministre des Affaires étrangères de la transition, Cherif Mahamat Zene, ex-ambassadeur à Addis-Abeba, avait lui aussi mobilisé ses réseaux à l’UA pour convaincre le CPS.
Maillage tchadien à Addis-Abeba
Cherif Mahamat Zène s’est d’ailleurs exprimé en ouverture de la session du conseil, le 14 mai, martelant le même message que Mahamat et Abdelkerim Idriss Déby auprès des chefs d’État. Un autre diplomate tchadien, le représentant auprès de l’UA Mahamat Ali Hassan, a également mis en branle ses réseaux pour convaincre Addis-Abeba de faire confiance aux nouvelles autorités de la transition.
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Cet ancien ministre du Plan, de l’Économie et de la Coopération internationale, est un proche de Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA (qui a notamment échangé le 2 mai à Oyo, au Congo-Brazzaville, avec Denis Sassou Nguesso). En 2018, il avait présidé à l’organisation du forum national inclusif tchadien, lequel avait abouti, entre autres, à la suppression de la primature.
Les tenants de la clémence envers N’Djamena ont également pu s’appuyer sur le rapport de la mission d’enquête envoyée au Tchad par l’UA fin avril et dirigée par le commissaire à la paix et sécurité, le Nigérian Bankole Adeoye, et par l’ambassadeur de Djibouti (qui présidait le CPS en avril) à l’UA, Idriss Farah.
Selon nos informations, les deux hommes, rejoints par « leurs » présidents Muhammadu Buhari et Ismaïl Omar Guelleh, avaient préconisé l’absence de sanctions et « l’accompagnement » de la transition tchadienne. Le CPS s’est rangé à leur avis.

Jeune Afrique

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