
28 mai 2025 TCHAD/Politique : L’affaire Masra au Tchad, entre « conspiration nationale » et « ingérence étrangère ».
Le gouvernement tchadien oppose une fin de non-recevoir à l’implication d’un collectif d’avocats étrangers dans la procédure intentée contre l’ancien Premier ministre Succès Masra. Les défenseurs du prévenu dénoncent un complot politique.
Au Tchad, si les relations entre Succès Masra et Mahamat Idriss Déby Itno ressemblent à des montagnes russes, les autorités semblent désormais claires dans leur position offensive vis-à-vis de l’opposant, quand bien même celui-ci est devenu Premier ministre bien après les faits qu’on lui reproche. Les accusateurs du fondateur des Transformateurs assurent que toutes les étapes d’une justice sereine ont été respectées : interpellation, audition, présentation au parquet, ouverture d’une information judiciaire et mise sous mandat de dépôt.
Mais pour les avocats du prévenu, leur client est victime d’un « complot préparé en amont ». Ils tentent de présenter le procès comme « totalement politique ». Une qualification qui a fait s’impliquer dans le dossier des spécialistes internationaux : les Français William Bourdon – qui a travaillé pour la Fédération internationale des ligues des droits humains et qui est intervenu dans des dossiers africains, notamment à l’encontre du Tchadien Hissène Habré – et Vincent Brengarth.
Saisie du groupe de travail de l’ONU
Ce collectif d’avocats étrangers entendait intervenir, aux côtés des défenseurs locaux, dans le futur procès contre Succès Masra. Mais le gouvernement tchadien a tenu à rappeler que cette procédure judiciaire relevait « exclusivement de la souveraineté nationale », qu’elle ne saurait être instrumentalisée par des acteurs extérieurs et qu’aucune « ingérence étrangère » ne saurait être autorisée. Et de conclure que la justice tchadienne « suit son cours conformément aux lois en vigueur ».
Dénonçant un « déploiement impressionnant » de forces de sécurité lors de l’audience de placement sous mandat de dépôt, de nature à constituer une pression sur les magistrats, les avocats de Masra entendent employer tout levier international qui pourrait ne pas être bloqué. Toujours selon l’argument que le procès serait « politique », les avocats français assurent avoir saisi le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire et le Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe.
De la primature à la prison
Pour le gouvernement, il ne s’agit pas de bâillonner une voix critique, mais de faire « toute la lumière », « de manière indépendante, sans pression ni interférence », sur la mort d’au moins 42 civils, le 14 mai, lors d’affrontements à Mandakao. Ils établissent un lien entre cette tragédie et un enregistrement audio de Succès Masra datant de 2023.
Les avocats de l’opposant s’étonnent que ledit audio n’ait été transmis aux services de sécurité que début mai 2025 et surtout que la plainte à l’origine de l’action judiciaire n’ait été enregistrée qu’après l’interpellation de Masra à son domicile. Ils considèrent également que les accords de Kinshasa, signé en 2024, devraient valoir amnistie. Ils avaient permis à Succès Masra de revenir d’exil, en passant par la case primature.