Entre les politico-militaires et les représentants du gouvernement tchadien, l’omniprésence de Mohamed bin Ahmed al-Misnad, le diplomate et chef des renseignements du Qatar était décisif.

Dans un pays qui s’est imposé comme le médiateur des dossiers diplomatiques les plus brûlants, l’émir du Qatar Tamim bin Hamad al-Thani s’appuie sur un discret homme de confiance, son conseiller à la sécurité nationale.

Talibans, Tchad, Somalie, crise ukrainienne, approvisionnement de l’Europe en gaz : depuis plusieurs mois, les dossiers diplomatiques s’empilent sur le bureau de l’émir du Qatar. Pour y faire face, Tamim bin Hamad al-Thani peut compter sur Mohammed bin Ahmed al-Misnad, qu’il a nommé conseiller à la sécurité nationale (CSN) – à l’image d’un Tahnoon bin Zayed al-Nahyan à Abou Dhabi – par décret, en décembre 2017. Rattaché au bureau de l’émir, le Diwan, cet homme de confiance joue désormais les sous-marins pour faire avancer l’agenda diplomatique de celui-ci.

Quand en plein pourparlers à Doha, les tensions étaient vives et les négociations commençaient à tourner un peu au vinaigre entre d’une part le groupe de Rome et d’autres parts les émissaires du gouvernement tchadien, l’éminence grise des affaires étrangères qataries a été diplomatiquement déchargé du dossier tchadien pour laisser place nette à Mohamed bin Ahmed al-Misnad, qui tisse une relation très particulière avec Ahmed Kogri, le chef des renseignements tchadien.

Discret et loyal

Auparavant à la tête des services de renseignement qataris, Mohammed bin Ahmed al-Misnad est rarement pris en photo et ne dispose de compte public sur aucun réseau social. C’est à lui que l’émir – qui, selon ce qui se murmure à Doha, ne doute pas de sa loyauté, alors qu’il n’accorde sa confiance qu’à un cercle restreint d’acteurs – a confié l’entretien d’un dialogue soutenu avec ses homologues, des CSN irakien, Qassem al-Araji, et somalien, Fahad Yasin Haji Dahir au vice-ministre russe de la défense, Alexander Fomin, mais aussi avec l’ancien secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.

C’est néanmoins lors des nombreuses médiations tenues à Doha depuis 2020 dans le dossier afghan que le CSN s’est illustré, autant avec son homologue auprès de l’ancien président Ashraf GhaniHamdullah Mohib, qu’avec les représentants des Talibans. Après la prise de pouvoir de ces derniers en août 2021, il a également été au cœur de la diplomatie talibane en tant que messager de luxe du chef du nouveau gouvernement, Mohammed Hassan Akhund. Ce qui a notamment permis à la compagnie nationale qatarie, Qatar Airways, d’être la première à effectuer des vols d’évacuation depuis Kaboul, dès le 9 septembre, une fois les conditions de sécurité approuvées par Mohammed bin Ahmed al-Misnad lui-même. Et à l’émir de recevoir l’approbation des dirigeants occidentaux, Washington et Paris en tête.

Al-Misnad s’est également placé sur la carte des médiations israélo-palestiniennes. C’est lui qui a accueilli en février 2020 Yossi Cohen, alors directeur du Mossad, accompagné de l’ancien chef d’Aman – le renseignement militaire israélien – Herzl Halevi. Ce dernier s’est à nouveau rendu à Doha en août 2020, de sa propre initiative, avec plusieurs responsables de l’appareil sécuritaire israélien, notamment du Shin Bet et du National Security Council, pour avancer sur l’épineux dossier du financement du Hamas, dont le Qatar est le principal pourvoyeur de fonds. Celui-ci est en effet progressivement repris en main à Doha par al-Misnad en personne, à mesure que les Israéliens écartent Mohammed al-Emadi, l’ambassadeur qatari du Comité pour la réhabilitation de Gaza.

Une histoire de famille

Issu d’une famille originaire de la ville d’Al Khor et assez discrète sur la scène politique et économique du pays, Mohammed bin Ahmed al-Misnad est le cousin de la très influente Mozah bint Nasser al-Missned, la deuxième des trois épouses de l’ancien émir Hamad bin Khalifa al-Thani (au pouvoir de 1995 à 2013) et mère de l’actuel émir. Pilote du soft power qatari – elle préside la puissante Qatar Foundation, en plus d’être impliquée auprès de l’Unesco, dans divers projets d’aide publique au développement ainsi que dans l’accueil de la Coupe du monde de football en 2022 -, elle a notamment fait monter en puissance ses deux filles, les sœurs de l’émir : Hind bint Hamad al-Thani, dorénavant directrice générale de la Qatar Foundation, et Al Mayassa bint Hamad al-Thani, chargée du rayonnement du Qatar dans le monde de l’art. C’est cette même Sheikha Mozah qui aurait soufflé à son fils l’émir le nom de celui qu’il appelle « oncle », Mohammed bin Ahmed al-Misnad, pour piloter son agenda diplomatique.

Tchadanthropus avec Africa Online

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