Le basculement du nord du Mali sous la coupe de Al Qaïda au Maghreb en 2013 et la montée en puissance de Boko Haram au nord du Nigeria peu après, ont redessiné la carte du leadership militaire et diplomatique sur le continent africain. Le Tchad, pays dont l’armée est aguerrie aux combats en zone sahélienne avait aussitôt saisi l’opportunité pour mobiliser des contingents militaires sur les fronts maliens et nigérians. En gendarme de la paix, l’armée tchadienne est parvenue à travers ces expéditions à reprendre ces zones des mains des terroristes. Aujourd’hui, les septentrions du Mali et du Nigeria respirent une ère nouvelle de paix. Grâce donc à ces interventions, les exploits des militaires tchadiens ont fait les manchettes des medias internationaux. Le pays de Toumaï venait ainsi d’ouvrir une nouvelle page faste de son histoire post coloniale. Le Président Idriss Deby Itno et sa diplomatie sont alors régulièrement consultés et écoutés religieusement sur les questions de sécurité et de résolution de conflits sur le continent. On ne pouvait pas allumer son téléviseur ou consulter le fil d’actualité de sa page Facebook sans lire ou écouter des déclamations de poèmes ou de louanges sortis tout droit de l’époque où Louis XIV, le roi soleil régnait sur la France. C’était la lune de miel.

 

Aujourd’hui les voix qui hurlaient hier en hommage au président Deby se font moins entendre. Les doigts qui tapaient forts sur les claviers des ordinateurs ou des téléphones portables pour louer le courage du Général semblent aussi fatigués : Et pour cause, l’engagement du Tchad sur les fronts malien et nigérian s’est soldé par des centaines de morts de nos forces et coûté des centaines de milliards à l’Etat. Entre temps, Boko Haram est passé à l’action sur le territoire tchadien. Quant à la communauté internationale, elle tarde toujours à passer à la caisse pendant que les recettes pétrolières qui servaient à alimenter le budget de l’Etat sont en baisse drastique. Le Tchad peine à payer ses fonctionnaires. Les multiples chantiers en cours sont aux arrêts : Bref, le réveil fut brutal.

 

Aujourd’hui l’économie du Tchad est en pleine récession et il y a une semaine seulement, le président a dû rappeler les forces tchadiennes stationnées au Niger et au Nigeria. Pire, on entend les autorités du pays dire tout le mal qu’ils pensent de la communauté internationale pour avoir failli à ses engagements vis-à-vis du Tchad. Faut-il interpréter ce revirement de nos autorités comme un désir de réajustement de la politique gouvernementale pour s’attaquer dorénavant aux questions réelles de développement ?

 

Peu importe la réponse à cette question. La réalité est là, dure et criarde. Les tchadiens doivent arrêter avec l’autocélébration de leurs faits de guerre alors que l’économie du pays est à terre. A l’heure où j’écris ces lignes, le Tchad occupe le rang peu enviable et ridicule de dernier dans tous les classements mesurant la performance des pays en 2015 : Environnement des affaires, bonne gouvernance et corruption, sécurité et droits humains, santé maternelle et infantile, développement

 

humain, accès à internet, cherté de vie, accès aux soins et à l’éducation, etc. Tous les indicateurs sont au rouge. En clair, les tchadiens peinent à se nourrir convenablement, les malades n’arrivent plus à se soigner et les parents manquent cruellement de moyens pour payer les études de leurs enfants.

 

L’heure est grave. Le gouvernement se doit de recadrer sa politique de développement, recentrer sa vision et se fixer des objectifs clairs assortis des moyens adéquats pour les atteindre.

 

Le griotisme et le folklore dont les personnalités tchadiennes passent pour être des champions ne sortiront jamais le Tchad du sous-développement. Les vocables de « renaissance » et d’ « émergence » dont ils n’y comprennent d’ailleurs rien, sont devenus aujourd’hui un fonds de commerce dont tout le monde se sert pour se propulser dans la mangeoire. Il faut mener un combat acharné contre ces pratiques qui en réalité masquent l’incompétence de ceux qui s’en servent.

 

L’autre fléau et non le moindre qui gangrènent l’économie tchadienne est la corruption. L’Etat doit cette fois-ci mener une lutte sans merci contre ce mal en punissant les voleurs de la république. L’assainissement de toutes les régies financières et l’instauration d’un système de contrôle et de suivi draconiens dans l’exécution des projets est aujourd’hui plus que hier exigé. Les fonctionnaires tchadiens doivent être soumis à un contrat de performance avec obligation de résultat, ce dans tous les secteurs d’activités de l’Etat.

 

Pour ce qui est de l’économie, le Tchad doit impérativement relancer les secteurs agricoles et pastoraux, longtemps délaissés alors qu’ils étaient les mamelles nourricières de l’économie du pays. Il serait aussi judicieux d’oublier le pétrole car, de l’avis des experts, la tendance actuelle à la chute du prix du baril de l’or noir ne va pas remonter avant 24 mois.

 

Et au cas où les économistes et les experts en développement du Tchad sont incapables de définir des politiques de développement claires pour sortir le pays de la pauvreté, nos autorités devraient penser à appliquer à la gestion du pays, les mêmes recettes à succès qui font la force de notre armée. Idée folle, me diriez-vous ? Pas du tout. Aujourd’hui, si seulement l’administration tchadienne s’inspirer de la discipline militaire (un des fondements du code militaire), ajoutés à cela l’amour pour le Tchad et la détermination à vaincre, à l’image de notre armée, le Tchad, serait déjà entrain d’amorcer son décollage économique.

 

Ousmane Hamay

Canada

 

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