N’Djamena le 18 avril 2015

 

Mesdames et Messieurs les Journalistes, 

C’est avec un plaisir renouvelé que je vous accueille chez moi, une fois encore. Je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation. 

Je me propose de vous entretenir sur les problèmes de l’heure que notre pays vit, et vous conviendrez avec moi qu’ils sont nombreux, variés et importants.

Au plan économique et malgré l’absence de données officielles fiables, les indicateurs sont au rouge depuis plusieurs mois. La raison de ce marasme n’est absolument pas la baisse des cours du pétrole comme nous l’assène quotidiennement le gouvernement. La raison fondamentale est sans conteste la mauvaise gouvernance généralisée que nous subissons depuis 25 ans : détournements et pillages organisés à ciel ouvert, gabegie, concussion, corruption à tous les niveaux, gestion familiale et impunité, notamment, sont les caractéristiques principales de ce régime qui a pris notre peuple en otage et s’accroche vaille que vaille au pouvoir. Les chantiers à l’arrêt dans la capitale et en province sont les signes patents de ces échecs, surtout que personne ne sait quand les travaux reprendront, tellement la crise est grave. C’est dire donc que l’avenir est des plus sombres et que les Tchadiens doivent s’attendre aux pires difficultés. Ce n’est pas demain que notre quotidien va s’améliorer avec toutes les contre – performances connues : moins de 2 dollars par famille et par jour, manque d’eau potable dans 80% des familles, absence de soins adéquats, écoles rurales en paille, instituts universitaires et universités à l’abandon, infrastructures routières rurales inexistantes ou impraticables, manque d’énergie dans 90% des foyers, etc.


Au plan social, la situation déjà critique que vivent les agents de l’Etat, ainsi que les retraités et les étudiants, ne fera qu’empirer. Les finances publiques sont exsangues et l’annonce d’une imminente loi de finances rectificative est un aveu d’échec : l’Etat tchadien est en banqueroute totale et assurera de moins en moins les échéances mensuelles en termes de salaires, versement des pensions de retraite, paiement des bourses aux étudiants et règlements des fournisseurs de l’Etat. Nous devons soutenir clairement les agents de l’Etat dans leur lutte pour exiger le versement de leurs salaires à terme échu. Plusieurs entreprises, y compris dans le domaine pétrolier, ont déclaré leur faillite tandis que de nombreuses autres sont en voie de déposer leur bilan. Malgré cette situation d’une gravité historique, le gouvernement mène un train de vie sans commune mesure avec ses moyens, non seulement en poursuivant sans sourciller des dépenses improductives, mais en maintenant le système de prédation familiale qui a mis l’Etat à genoux. Les régies financières et la manne pétrolière sont toujours entre des mains inexpérimentées en gestion, mais expertes en détournements.


La main basse du régime sur les revenus pétroliers est un gros scandale qui trouvera son épilogue le moment venu, et le comportement criminel de certaines sociétés de recherches et d’exploitation pétrolières ne saurait rester indéfiniment impuni : elles devront rendre des comptes au peuple tchadien. Nous nous y engageons.


Au plan des droits et des libertés, le gouvernement s’est illustré par leurs violations constantes et une répression aveugle qui ont entrainé des morts et des blessés, au cours des manifestations pacifiques et légitimes ayant provoqué des tirs dans le seul but de tuer de jeunes Tchadiens. Depuis l’année dernière, tous ces crimes sont restés impunis et le gouvernement n’a rendu publique aucune conclusion d’enquête commanditée en la matière. Tous les démocrates et les défenseurs des droits doivent s’allier pour dénoncer et combattre ce régime qui s’illustre par son mépris pour notre jeunesse qu’elle a abandonnée.

 

Au plan politique, la situation s’est considérablement dégradée depuis les dernières interventions tonitruantes et intempestives du président Idriss Déby Itno ayant abouti à une rupture du dialogue et du consensus. Le débat sur le recensement électoral biométrique n’a plus de raison d’être et n’est plus à l’ordre du jour depuis l’Accord politique de 2007. Les tergiversations actuelles des tenants du pouvoir n’ont comme objectif que de le remettre en cause, malgré les dénégations assenées ici et là. A l’appui de cette affirmation, nous observons que les moyens annoncés par le président Déby au profit de la CENI – 20 milliards de francs CFA – ne sont disponibles dans aucune banque de la place. L’objectif est tout simplement de mettre la CENI dans l’incapacité d’exécuter son programme dans les délais, pour la dénoncer, la dissoudre et remettre en cause la biométrie électorale.

 

En vérité, le président Déby qui n’a jamais gagné d’élection à la loyale ne veut pas de la biométrie dont il redoute les effets. Il renforce ainsi sa mainmise sur la CENI dont il a modifié la composition. En se soumettant aux désirs du pouvoir et en renonçant au kit d’identification des électeurs dans les bureaux de vote, la CENI a perdu toute sa crédibilité et son indépendance n’est que leurre.


Le débat en cours sur le kit, amplifié par le gouvernement et le MPS, montre le vrai visage d’un pouvoir qui refuse délibérément d’organiser des élections transparentes, à l’image du Nigeria voisin où, malgré son gigantisme, ce système a fait ses preuves et permis à ce pays de proclamer les résultats en 72 heures, sans aucune contestation. Cet exemple plutôt nous inciter à y aller, car les arguments techniques et financiers du pouvoir sont fallacieux. Les Tchadiens ne sont pas plus bêtes que les Nigérians ou les Ghanéens pour ne pas être en mesure de gérer techniquement le système, ni plus pauvres pour ne pas pouvoir débourser un maximum de cinq milliards pour acquérir le kit. Nous militons pour l’excellence afin que le Tchad soit cité en exemple, au lieu de camper dans la médiocrité. Nous devons organiser des élections et nous devons marquer des avancées positives, d’une élection à une autre.


De ce qui précède, j’annonce sans ambages que l’opposition politique tchadienne, plus unie et solidaire que jamais, n’acceptera plus les oukases et autres manœuvres du MPS qui use de la ruse, du mensonge et de la menace afin d’imposer au peuple un système électoral biaisé.


Les prochaines élections, à l’évidence, ne seront plus comme les précédentes. Répondant à l’appel du peuple qui répète inlassablement : « nous sommes fatigués », « ça suffit », « trop c’est trop », l’opposition politique doit se réajuster sans délai et se préparer à mettre au point des ripostes adéquates face à l’impéritie du pouvoir. Tous les mécanismes légaux doivent être mis en œuvre dans les jours et les semaines qui suivent afin que l’opposition s’organise, s’assume et assume toutes ses responsabilités devant l’histoire, pour obliger le pouvoir MPS décadent et anachronique à respecter ses engagements et à respecter le peuple tchadien.


Je puis vous assurer que l’opposition tchadienne ne décevra pas son peuple. Elle est résolue à engager la lutte qui doit être menée pour faire entendre sa voix et ne se contentera plus de simples déclarations ou communiqués.
 

 

Les jours qui viennent vous édifieront.

 

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