Nous rapportons ici quelques faits qui prouvent que le Président Idriss Déby n’a aucune considération pour les Chefs des partis politiques qui, de toute évidence, aspirent, un jour, à gouverner le Tchad. Il les méprise. Comment veulent-ils être respectés quand ils passent le plus clair de leur temps à lui demander des pitances ?


La signature de l’accord portant création du CNDP est notre baptême sous le chapiteau en tente. On nous réunit sous la fameuse tente remplie des brigades d’applaudissements et de courtisans constituées des Ministres qui n’ont apparemment rien à faire dans leur bureau, des Conseillers, des chefs de services et du personnel de la Présidence, des responsables et militants du MPS. La salle était noire du monde. Le Chef de l’Etat ne prononce un seul mot ou tousse sans susciter les applaudissements nourris de la salle. M. Jean Alingué Bawoyeu se lève pour lire ledit accord et la liste des heureux élus. Encore et encore des applaudissements.


Les Chefs des partis politiques sont alignés par le protocole à la queue-leu-leu derrière le Secrétaire Général du MPS pour apposer leur signature au bas de l’accord. Quand nous demeurons assis sans nous lever comme les autres collègues pour nous mettre dans le rang, cela provoque l’hilarité du Chef de l’Etat, hilarité reprise à chœur par les brigades d’applaudissement et autres courtisans. Et quand nous exigeons de lire nous-même ledit accord, cela provoque aussi l’étonnement de l’assemblée. C’est ainsi que le Chef de l’Etat ordonne qu’on me donne copie de l’accord à lire. Voilà comment sont traités les Chefs des Partis politiques sous le chapiteau en tente. Alors qu’il marche très difficilement, M. Lol Mahamat Choua est visiblement aux prises avec une dure épreuve, celle d’effectuer des marches des escaliers. Pourquoi toutes ces tortures à un homme visiblement à bout de souffle après son passage en prison cachée à Farcha en 2008 ?


Un autre jour, pour arrêter un chef d’un parti politique qui jacasse un peu trop dans les quartiers, les polices politiques, puisqu’elles sont nombreuses, ourdissent un complot contre les hommes politiques présélectionnés pour leur permettre de mettre le grappin sur ceux qui sont indésirables dont nous-même. L’occasion est ainsi offerte au Président Idriss Déby Itno de convoquer les chefs des partis politiques sous son chapiteau en tente pour les traiter de tous les noms d’oiseau. Ce jour-là, nous refusons de faire le déplacement de la tente puisque notre petit doigt nous disait que nous sommes aussi visé par la cabale. Imaginez notre réaction si nous étions présent.


Tout dernièrement, après que tous les membres du CNDP y compris ceux de la majorité aient viré du Tchad comme un malpropre l’expert international en fraudes massives que les Tchadiens connaissent bien en l’occurrence, M. Aganahy, le Président Idriss Déby Itno perd son self contrôle. Il convoque les chefs des partis politiques sous sa tente pour leur annoncer tel un empereur qu’il décide de remanier la composition du CNDP, alors qu’il n’en a pas le droit puisque l’accord de 2013 portant création du CNDP est un contrat entre les partis politiques qui n’a rien à voir avec le pouvoir léonin d’un Président fut-il le Président Idriss Déby Itno.


Aussitôt dit, aussitôt fait. Quelques membres du CNDP sont virés en toute illégalité pour faire place nette à d’autres chefs des partis politiques, ce que le Président Idriss Déby cherche à travers cette décision, il l’a eu en semant la terreur au sein du CNDP pour rendre les membres du CNDP beaucoup plus dociles s’ils veulent conserver la subsistance qu’ils perçoivent mensuellement.


Il y a quelques jours, les membres du CNDP au titre de l’opposition ont écrit au Chef de l’Etat, après la sortie fracassante, médiatique et maladroite du Secrétaire Général du MPS, M. Emmanuel Djelassem Nadingar Naïnang, à propos du kit d’identification. Ils lui ont vertement dit dans cette lettre que le kit n’est pas négociable parce qu’une biométrie sans kit n’est autre chose que la liste électorale permanente informatisée (LEPI). Joignant l’acte à la parole, ils convoquent les délégués des partis politiques de l’opposition à la CENI à une réunion de tous les chefs des partis, membres de l’opposition pour échanger. Ces actions graduelles ont été couronnées par une conférence de presse de l’opposition politique et du plan d’actions graduées. Les Chefs des partis politiques envisagent des meetings à N’Djaména et à travers le pays. Toutes ces actions font trembler le Président Idriss Déby Itno. La suspension de la participation de l’opposition au CNDP et à la CENI est au programme. C’est alors que voyant le danger venir, puisqu’il en voit partout, il convoqua, le 24 avril 2015, les membres du CNDP à une audience. Il les convoque et non les invite ou convie à cette audience comme il est d’usage dans des pays civilisés.


Le jour suivant au matin, les membres du CNDP se réunissent au siège de l’institution pour échanger des points de vue avant d’aller à la Présidence de la République. Deux représentants de la majorité dont nous taisons les noms pour l’instant tentent de caporaliser les autres en leur intimant l’ordre de ne pas poser des questions qui fâchent comme le kit, l’intervention du Tchad au Nigeria contre les Boko-Haram, au Yémen, au Mali, la faillite du Tchad, la grogne sociale, la cherté de vie, le comportement des policiers, des gendarmes et des militaires à l’égard des tchadiens à l’exemple du traitement inhumain et dégradant infligé aux étudiants par des policiers etc. Comme cette caporalisation n’a pas marché les deux lascars changent le fusil d’épaule.


Une fois à la Présidence, un d’entre les deux est à la manœuvre en faisant dire au Président Idriss Déby Itno de ne pas engager le débat parce que les gens comme Yorongar vont délibérément déraper pour le mettre en difficulté. C’est ce qui fut fait. Installés dans une salle de réunion à la présidence, les membres du CNDP attendent sagement le Président Idriss Déby Itno qui fit son entrée.


Sans dire le salamalec habituel, il s’asseye. Sur un ton sévère, dur et grave, il débite : «la CENI accuse deux mois de retard par la faute de vous, les membres du CNDP. Vous en porterez l’entière responsabilité. Laissez la CENI faire son travail. Je vous dis de laisser la CENI faire son travail….». Il marque un temps de repos. C’est en ce moment que le Président du CNDP se bat come un diable pour lui dire que le CNDP lui a «écrit pour solliciter une audience relative aux différents points soulevés dans la demande d’audience…». Le Président Idriss Déby Itno coupe court pour annoncer qu’il recevra le bureau du CNDP le lundi, 27 avril 2015, pour parler de ces différents points soulevés dans la lettre. Il se lève, salue négligemment les membres du CNDP puis il quitta la salle pour disparaitre.


Le Chef de l’Etat doit cesser de s’immiscer dans les affaires de la CENI et arrêter de mettre à mal son indépendance en la convoquant pour l’enjoindre à faire ceci et lui donner des ordres à faire cela. C’est lui qui empêche la CENI de faire son travail. Il doit savoir qu’une fois la CENI mise en place par décret, il n’a aucun droit sur elle. Seuls les partis politiques qui les y ont envoyé de délégués continueront à avoir des relations statutaires avec eux. Le Président Idriss Déby Itno n’a pas aucun droit de convoquer la CENI pour la sermonner ou pour lui dicter sa volonté comme il le fait à tort. Le Chef l’Etat doit arrêter de s’immiscer dans les affaires et le fonctionnement de la CENI. Oui, il doit cesser de malmener l’indépendance de la CENI. L’interlocuteur du Chef de l’Etat est le CNDP et non la CENI, CNDP qu’il prive des moyens de son fonctionnement. Etre garant de l’accord ne veut pas dire être autorité de tutelle.


Le chef de l’Etat et son gouvernement sont victimes de leurs propres calculs. Au lieu de prendre leurs dispositions, à temps, et ce, aussitôt après les élections de 2011, pour préparer la mise en œuvre des structures chargées des élections législatives et locales de 2015 et présidentielle de 2016, ils cherchent, par calculs machiavéliques, à gagner, par des subterfuges, le temps pour imposer la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) en lieu et place de la biométrie intégrale chantée et vantée par le Chef de l’Etat lui-même au Tchad, en France et aux Nations-Unies. A qui la faute ? Au président et à son gouvernement ou au CNDP accusé à tort et à travers par ces derniers pour se laver la conscience ? Oui, le CNDP a bon dos n’est-ce pas ?


N’Djamena, le 27 avril 2015,

Le Député Fédéraliste Ngarlejy Yorongar

 

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