Le Populaire : Maître, Vous avez déposé une plainte contre Monsieur Idriss DEDY ITNO. Une rumeur circule selon laquelle la plainte est irrecevable.

 

Me Mbaye Jacques NDIAYE : D’abord, une plainte n’est pas irrecevable, il s’agit d’un terme inapproprié en droit. Une plainte est soit transmise pour enquête, information ou jugement, soit classée sans suite. Une plainte n’est classée sans suite que lorsque les éléments de faits portés à la connaissance du Procureur ne revêtent aucun caractère pénal. Ensuite, je n’accorde aucun crédit à la rumeur. En ma qualité d’Avocat, je ne peux me fier qu’à la notification de la suite de ma plainte par le Procureur. Or, à ce jour, je n’ai reçu aucune notification, écrite ou  verbale du Procureur. J’attends toujours. Enfin, les éléments de faits portés à la connaissance du Procureur suffisent à caractériser les incriminations de crimes de génocides, crimes de guerre, contre l’humanité et tortures. Il n’y a pas que Monsieur Idriss DEBY ITNO qui est visé, mais d’autres personnes dont les actes sont corroborés par des témoignages recueillis par la Chambre d’instruction des Chambres Africaines Extraordinaires. 

 

Pensez-vous que votre plainte sera traitée si l’on sait que Monsieur Idriss DEBY ITNO est un Président en exercice et qu’il a financé les Chambres Africaines Extraordinaires ?

 

Me MJN : Je rappelle que l’article 10 du Statut des Chambres Africaines Extraordinaires prévoit le défaut de pertinence de la qualité officielle au plan de la responsabilité pénale individuelle. Autrement dit, la qualité de Chef d’Etat en exercice n’est pas exonératoire de responsabilité pénale, de sorte que rien n’empêche d’engager des poursuites contre DEBY. Le fait pour ce dernier d’avoir contribué au financement des Chambres Africaines Extraordinaires me pose un problème tant du point de vue de la Morale, de l’équité, de l’éthique que de la déontologie. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi l’on devrait dépenser autant de milliards pour une affaire judiciaire (devenue de fait VIP) au moment où l’Afrique souffre de sous-alimentation, de chômage, de bien-être de ses fonctionnaires, et j’en passe. Allez demander combien a-t-on dépensé pour juger Klaus BARBIE ; pourtant, son procès a été organisé par la France dont le niveau de développement ne peut en aucune manière être comparé à celui de nos Etats dont  les préoccupations devraient être plutôt de bâtir une justice respectable.

 

On dit aussi que la Chambre d’Instruction des Chambres Africaines est fermée. Comment ouvrir une nouvelle information ?

 

Me MJN : Cela me parait incongru. Les Magistrats de la chambre d’Instruction sont retournés à leurs juridictions à la suite de la clôture de l’information ouverte contre le Président Hussein HABRE. Ils doivent revenir pour les besoins d’une nouvelle information. N’oubliez pas que les Chambres Africaines Extraordinaires sont composées de quatre chambres réparties entre le Tribunal de Grande Instance de Dakar et la Cour d’Appel de Dakar. Et l’article 37 du Statut, sans distinction, prévoit que toutes les chambres seront dissoutes de plein droit une fois que les décisions auront été définitivement rendues.

 

Le texte ne dit pas qu’une chambre sera dissoute lorsque ses décisions seront définitivement rendues. La durée d’existence des Chambres Africaines Extraordinaires ne dépend donc que d’une seule chose : que les évènements au Tchad entre le 07 Juin 1982 et le 1er Décembre 1990, soient définitivement jugés. Le texte ajoute que s’il survenait une question postérieurement à la dissolution des Chambres Africaines Extraordinaires, les juridictions nationales sont compétentes.

 

Pensez-vous que le Sénégal serait prêt à juger DEBY ?

 

Me MJN. Pourquoi pas ? Maintenant il faut se demander l’intérêt qu’a le Sénégal de ne pas engager des poursuites. L’histoire du Sénégal s’écrit à l’encre Tchadienne.

 

N’y a-t-il pas de risque de rupture diplomatique ?

 

Me MJN. La justice est au-dessus de la diplomatie. La vie humaine n’a pas de prix.

 

Vous avez tendu la main à la RADDHO et aux ONG. Pourquoi ?

 

Me MJN. J’ai également tendu la main à l’Afrique toute entière. Le rôle de ces ONG est non négligeable. En plus de la RADDHO, il y a la FIDH, Amnesty, LSDH, Human Right Watch… 

 

Pensez-vous que le Président HABRE est finalement la cible ?

 

Me MJN. Je n’aimerais pas me prononcer sur son cas pour ne pas gêner ses Avocats par souci de respect de ma déontologie. Mais, je dois dire que si DEBY devra être jugé dans la parodie et la fumisterie diplomatique, je ne l’accepterai pas car, je militerai toujours en faveur du respect des droits de la défense.

 

Pensez-vous que le Président Macky SALL acceptera qu’un Chef d’Etat Africain en exercice soit jugé ici au Sénégal ?

 

Me MJN. Dans la rigueur des principes, il appartient aux Magistrats de n’avoir d’autre volonté que celle de la Loi. 

 

Avez-vous confiance aux Magistrats des chambres Africaines Extraordinaires sur cette affaire DEBY ?

 

Me MJN. Je n’ai aucune raison de douter de quoi que ce soit. Les faits sont clairs et la Loi est en vigueur.  Maître, je vous remercie.

  

Me MJN. C’est moi.

 

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