C’était il y a vingt ans. Un court voyage, une semaine arrachée à mon emploi du temps, amputée de deux jours par la panne d’un avion… Un voyage longtemps désiré, et souvent remis à plus tard pour les raisons les plus diverses, parmi lesquelles les vicissitudes de l’histoire elle-même. J’avais pu emmener mes deux plus grands enfants, 17 et 15 ans : ils allaient voir leur cher Tonton Ahmed, et ses enfants, leurs frères et sœurs du Tchad, à N’Djamena.

Ahmed et moi nous nous étions connus en 1976, sur les bancs de la faculté, et nous étions très vite devenus très liés – à étudier, à militer, à refaire le monde… Le nom qu’il portait n’était pas celui sous lequel il était né, au Kanem, près du lac Tchad, à une époque où l’eau y était abondante. Il avait dû le changer pour un nom forgé de toutes pièces avant de s’inscrire au lycée après une année à combattre dans les rangs du Frolinat, et il portait encore sans sa chair plusieurs éclats métalliques de balles et d’un obus largué par un avion-Jaguar de l’armée française, qui prêtait alors main-forte au dictateur installé à l’indépendance par la puissance coloniale, François Tombalbaye, contre lequel s’était levée depuis une dizaine d’années dans le nord du pays une guérilla révolutionnaire. Son propre père, Ali, ancien du Rassemblement démocratique Africain lui ayant expliqué que les indépendances avaient manqué de cadres intègres et instruits, il avait voulu faire des études pour pouvoir devenir l’un de ceux-là. Suivant l’usage du nom patronymique, Ahmed s’appelait Ahmed Ali. Pour déjouer les avis de recherche à son nom, il s’était inscrit au lycée en se faisant passer pour le fils de son oncle Layini. Le plumitif de l’état civil avait orthographié son nom de travers : Ahmed Lamine. Et en s’inscrivant à l’université de Reims où nous nous sommes connus, il avait adjoint à ce nom, qui n’appartenait qu’à lui, celui de son père, qui avait été celui de son enfance, et qu’il avait dû laisser oublier quelque temps. Il était désormais Ahmed Lamine-Ali, et c’est ce nom qu’il a transmis plus tard à ses enfants. Ce nom que porte aujourd’hui une avenue de N’Djamena.

La vie est ainsi faite : on se rencontre, on se perd un peu de vue, on se retrouve, on ne s’oublie jamais. Chacun fait partie de la vie de l’autre, qu’importent les distances. Ahmed, après ses études de sciences économiques, avait étudié l’aéronautique à Aix. Il se trouvait à Paris avec sa femme, la merveilleuse Bintou, issue de la haute noblesse du Kanem, lorsqu’est né leur premier enfant, à quelques jours de distance du mien, en janvier 1983. Quasi jumeaux, ils sont devenus frère et sœur de lait. Frère et sœur, donc. Perdus de vue à nouveau. Retrouvés de temps à autre. La vie suivait son cours. Et nous poursuivions nos conversations comme si nous les avions interrompues la veille. Je sauterai ici quelques épisodes.

Le premier projet sérieux de voyage à N’Djamena date du début de l’année 1991. Je ne mesurais pas à quel point la situation y était instable. Après des années de guerres civiles, le pouvoir de Hissène Habré semblait, encore récemment, bien installé. J’avais au Tchad de nombreux amis, connus à Reims à travers Ahmed. Je ne les citerai pas ici, mais ils sont chers à mon cœur. Certains d’entre eux liront ce petit récit. J’ai cherché, et parfois trouvé, le moyen d’entrer en contact avec ceux dont je retrouvais la trace. Outre Ahmed, je ne mentionnerai par son nom que Abderahman Dadi, que personne n’appelait autrement que Dadi. Dadi avait passé le bac lors de la dernière session qui ait pu se dérouler dans son pays avant la guerre civile.

Devenu docteur en droit public et en sciences politiques, il avait organisé le premier bac de l’après. Si Ahmed était d’abord un politique, aux options démocratiques et sociales affirmées, son ami Dadi, même s’il partageait l’essentiel de ses idées était dans l’âme d’abord un serviteur de l’État, d’un dévouement et d’une ardeur au travail incomparables. Il a peu après acquis une grande popularité en trouvant une solution juridique et judiciaire au problème de la bande d’Aozou, un lourd conflit frontalier avec la Libye, animant l’équipe de juristes qui menaient bataille devant la Cour internationale de justice de La Haye, jusqu’à un arrêt de 1994 reconnaissant la souveraineté tchadienne sur ce territoire, à l’issue duquel les troupes libyennes s’en étaient retirées. Lui, qui n’avait jamais dû porter une arme, était devenu « le vainqueur d’Aozou » certains de ses amis l’appelaient en riant « Général Dadi » Je le rencontrais parfois à Paris lorsqu’il s’y rendait chez son avocat correspondant dans ce dossier. Mais le temps passait. Fin 1990, Idriss Deby investissait N’Djamena et renversait Hissène Habré, dont le règne s’était mué au fil des ans en dictature folle.

Peu après, je recevais un coup de fil chez moi. Je n’ai pas d’emblée reconnu la voix de cet homme, dont je préfère ici taire le nom. Je l’avais très bien connu – par Ahmed, toujours – depuis le jour même où il était arrivé à Reims, étudiant sans titre de séjour et sans ressources, venant d’URSS où il avait étudié auparavant. Quand était-ce ? 1978 peut-être… Ses compatriotes avaient organisé son séjour. Ahmed lui avait laissé sa chambre du CROUS, trouvant moyen de se replier ailleurs, des tickets de resto-U étaient collectés, il pouvait vivre là… Nous étions devenus assez proches, et c’est chez moi qu’il avait passé quelque temps plus tard sa dernière soirée en France avant de repartir – assez angoissé – rejoindre une nouvelle guérilla dans le nord de son pays, pour partie sous la contrainte de je ne sais quelles pressions familiales. Je savais que je ne savais pas tout. Je ne posais pas de questions auxquelles on aurait été gêné de me répondre, des réponses qu’en toute hypothèse je n’aurais pu comprendre que partiellement. Mes amis tchadiens évoquaient peu avec moi leurs différends politiques, mais je savais qu’ils étaient parfois très âpres. Tant de groupes, d’orientations, de choix, parfois fondés sur des origines régionales, tant de cadavres dans les placards, et bientôt dans les fossés de la capitale… Celui-ci, j’en étais sans nouvelles depuis des années. J’avais appris qu’il avait été fait prisonnier. Que le chef de ceux qui le détenaient était son pire ennemi. Qu’il avait été enfermé des mois dans une minuscule cellule, qu’on l’avait à plusieurs reprises conduit au poteau d’exécution, et qu’après une salve à blanc, on l’avait reconduit en rigolant dans son cagibi. Mais ces nouvelles étaient anciennes. Il n’y en avait pas d’autres. C’est l’une des raisons pour lesquelles je n’avais pas reconnu sa voix : je ne pouvais pas m’attendre à cet appel. Une autre raison est que cette voix avait changé. Je me rappelais une voix calme et douce, comme veloutée, un rien fluette, une parole toujours posée et un peu hésitante. Celui qui téléphonait avait la voix plus dure, plus ferme, plus grave, plus assurée, et c’est quand il a ri que je l’ai reconnu sans risque de me tromper. Que je l’ai cru. Que j’ai su que c’était bien lui. Et en raccrochant, j’ai pleuré d’émotion. Il m’avait appelé depuis son bureau. Entrer dans N’Djamena les armes à la main aux côtés de Deby, il était maintenant à la tête du ministère de l’Intérieur. Ahmed et Dadi occupaient des postes de responsabilité de caractère technique depuis des années, et n’avaient pas été jugés compromis avec le régime Habré, si bien qu’ils gardaient leurs fonctions. Dadi dirigeait l’école nationale d’administration, ENA, qui porte aujourd’hui son nom. Ahmed dirigeait la petite compagnie d’aviation nationale ; il animait par ailleurs un parti politique d’opposition, créé à la faveur de ce qui apparaissait comme une relative démocratisation avec la fin du parti unique du précédent président. Je les appelais parfois, tous les trois, avec l’idée d’organiser enfin une visite à mes amis dans leur pays retrouvé. Un soir, on me dit chez Dadi qu’il était absent. Personne ne répondait chez Ahmed, dont la maisonnée était pourtant nombreuse. L’homme un peu nerveux qui décrochait chez l’autre, le ministre de l’Intérieur, me demandait de patienter, mais la ligne était coupée dans les secondes qui suivaient. Il se passait quelque chose, et je ne savais pas quoi. Je ne l’ai su que de nombreux mois plus tard. Si personne ne répondait chez Ahmed, c’est que par chance il venait de déménager. Par chance. Ce soir-là, un coup de filet avait été organisé – par celui-là même qui m’avait appelé de son bureau quelques semaines plus tôt. Soupçonnés (sans fondement aucun) d’appuyer une guérilla dans la région du lac Tchad, les dirigeants de son parti faisaient l’objet d’une vaste opération de répression. L’un de ses camarades était assassiné par l’armée devant ses enfants terrorisés. Mais lorsque les soldats étaient arrivés chez lui, ils avaient trouvé la maison vide. Salutaire déménagement ! Le temps qu’ils le retrouvent, quelques jours plus tard, la répression avait baissé d’un ton : il était jeté quelque temps en prison, avant de prendre le chemin de l’exil avec sa famille. Il y avait déjà longtemps que la compagnie Air-Afrique lui faisait des propositions, compte tenu de la réputation qu’il avait acquise dans le domaine. Il allait y commencer une brillante carrière, d’abord à Ouagadougou (où je lui rendais visite en 1992), puis à Brazzaville.

Je passe une fois de plus quelques épisodes, comme la guerre civile au Congo, où les milices investissent sa maison qu’il doit quitter sans avoir même le temps de s’habiller… la clé de mon appartement doit encore se trouver sous ses décombres… Bintou avait succombé en 1996 à un paludisme foudroyant, laissant quatre enfants entre 13 et 4 ans… Je me rappelle ses derniers instants dans un hôpital parisien, quand son cerveau était tellement atteint que l’on se disait en pleurant qu’il valait mieux qu’elle ne se relève pas. C’est pour l’enterrer que Ahmed est pour la première fois retournée dans son pays – et a eu l’occasion de constater que sa popularité y était grande, des centaines de gens voulant le rencontrer, lui demandant de revenir, des milliers suivant le cortège funéraire. Le parti qu’il avait fondé, et dont, depuis son exil, il continuait à s’occuper, était devenue une force d’opposition conséquente, et le président souhaitait se l’accommoder. Il lui a été proposé de revenir, et d’entrer au gouvernement, sans avoir à taire ses critiques. Un « ministre d’opposition », en somme. Chose étrange et difficile à comprendre. C’était une époque où il lui apparaissait que des évolutions démocratiques étaient possibles. Il a proposé d’autres noms. Le président voulait que ce soit lui : une manière sans doute de se donner une image d’ouverture, et d’éviter de se trouver en rivalité. Mais aussi parce que ses qualités propres, ses compétences reconnues, pouvaient être mises à profit. Après de longues hésitations, sa vieille volonté de consacrer sa vie à son pays a eu raison de ses réticences. Il y avait beaucoup à faire. Ahmed est devenu, tout en étant reconnu comme une figure de l’opposition, ministre de l’Équipement et des Transports, et advienne que pourra. Je sais bien qu’une telle situation est, vue d’ici, assez incompréhensible. Mais je peux dire que, quels que soient les Tchadiens que j’aie pu rencontrer, aux opinions politiques les plus variées, même des opposants farouches au pouvoir en place, vivant en France sous le bénéfice de l’asile politique, jamais je n’en ai vu qui, connaissant ou se souvenant de Ahmed Lamine-Ali, n’éprouvent pas pour lui le plus grand respect, souvent teinté d’admiration.

Quoi qu’il en soit, aux vacances de février de l’an 2000, c’est un ministre qui m’accueillait à l’aéroport de N’Djamena. Il habitait dans un quartier résidentiel une maison sans grand luxe, qui paraissait modeste comparée aux maisons voisines, même si elle jouissait d’un confort sans commune mesure avec celles des quartiers pauvres de la ville. Il y avait un groupe électrogène dans la cour, pour les moments (quelques heures par jour) où l’électricité publique était coupée. Cela permettait d’avoir presque toute la journée au moins un filet d’eau courante dans la salle de bains. Ahmed partait au ministère tôt le matin, et était de retour chaque jour vers 14 heures. Il filait dans sa chambre troquer son costume de travail pour un confortable boubou, et nous mangions avec les oncles qui résidaient là, sur la terrasse, dans un grand plat unique, prenant à la main une portion de boule de sorgho, que nous trempions dans une sauce de légumes, avec quelques morceaux de viande. L’après-midi, il recevait. Solliciteurs divers, fonctionnaires venant se présenter, personnes de sa région d’origine où d’ailleurs venant lui exposer divers problèmes, et aussi camarades de son parti venant discuter je ne sais quelles questions politiques. Ahmed parlait plusieurs langues : celle de sa région natale, le Kanembou, mais aussi la principale langue du sud, le Sara, ainsi que l’arabe dialectal véhiculaire. Il parlait deux dialectes du Toubou, d’autres langues locales, le haoussa, et bien sûr les langues nationales du Tchad, arabe littéral et français – outre l’anglais, langue étrangère… Ses entretiens se déroulaient indifféremment dans l’une ou l’autre langue du pays. Un soir, rentrant de promenade, je trouvais le salon plein d’une cinquantaine de femmes dans une discussion très animée. Ahmed devait m’expliquer qu’elles étaient venues chez lui pour préparer le 8 mars qui s’approchait…

Je n’ai pas eu à demander une réunion des anciens de Reims, tous ces amis si chers. Le surlendemain de mon arrivée, après avoir fait un petit tour en ville, sur le chemin du retour j’ai reconnu l’un d’eux. J’ai crié son nom au moment même où il criait le mien, et nous sommes arrivés bras dessus bras dessous à la maison : tous ceux qui se trouvaient à N’Djamena étaient là. Les seuls absents étaient à l’étranger. J’ai pu bavarder avec chacun : pour beaucoup, il y avait une vingtaine d’années que je ne les avais pas vus. Certains occupaient des postes d’importance diverse dans l’administration, d’autres galéraient ici où là dans des affaires plus ou moins florissantes. Et j’ai revu Dadi, en grand boubou blanc et la barbiche blanchie, mais toujours avec ce bon sourire d’enfant, cette intelligence vive et malicieuse, cet œil brillant… Il était alors chargé de négocier pour le compte de l’État tchadien le contrat qui permettrait d’exploiter le pétrole récemment découvert. Ahmed aussi était de cette négociation compliquée, d’un pays sans ressources en capitaux possédant dans son sol des richesses qu’il ne voulait pas voir exploiter au seul profit des compagnies privées étrangères. Ils n’ont jamais achevé cette mission.

Le dernier jour de mon séjour, Ahmed me dit que mon fils ne repartirait pas avec moi. Il avait pris l’initiative de le garder une semaine de plus. Cela se fait entre frères, et les enfants ne sont pas seulement ceux de leurs parents… J’étais barbouillé ce matin-là. Sans doute le repas de la veille au soir qui ne passait pas bien. Lorsqu’il l’a appris, Ahmed s’est approché de moi. Il a regardé mon œil. Il s’est écrié : « Mais tu nous fais un palu ! ». Non, j’ai bien pris ma nivaquine… « C’est un palu, je te dis ! Tu dois aller chez le médecin… » Cela ne se discutait pas. Le palu avait quatre ans plus tôt tué sa femme. J’ai vu le médecin. Il a aussi regardé mon œil, et m’a donné immédiatement le traitement que j’ai terminé dans l’avion du retour. Quand je lui ai dit qu’il avait refusé d’être payé, Ahmed s’est fâché contre moi pour n’avoir pas insisté et a envoyé immédiatement quelqu’un à la clinique avec l’argent nécessaire.

 

Un an plus tard, en janvier 2001 je dînais avec mon fils et sa sœur tchadienne, qui se trouvait à Paris, pour leur dix-huitième anniversaire. Nous avons évoqué ce séjour. J’ai parlé de Dadi, et de son bon sourire. Elle était stupéfaite :

– Il sourit, Tonton Dadi ? Je ne l’ai jamais vu sourire !
– Oui, il sourit, il sourit beaucoup. Il a un bon, un formidable sourire d’enfant…

– Mais dis-moi, Tonton, pourquoi je ne l’ai jamais vu sourire.

– Je ne sais pas. Peut-être qu’il se dit qu’il est un monsieur important et qu’il ne doit pas sourire devant les enfants de ses amis…

– Mais, Tonton, c’est normal, ça ? Tu trouves ça normal ?
– Non, je ne trouve pas ça normal. Quand tu vas rentrer à N’Djamena, tu devrais d’ailleurs le lui dire de ma part : ce n’est pas normal…

– Tu sais, je ne le vois pas souvent !
– Vas-y exprès. Tu trouveras bien un prétexte…

Et puis, un mois plus tard, le 15 février, j’ai reçu un appel d’un parent de Ahmed vivant à Paris. Son message était bref : « Allô. Monsieur Laurent ? Je suis désolé d’être le porteur de la mauvaise nouvelle. Monsieur Lamine est mort. » Je ne peux pas sans larme me rappeler ces simples mots. Monsieur Lamine est mort. Ma première réaction après avoir assimilé cette invraisemblable nouvelle que Ahmed était mort la veille dans un accident d’avion, a été de me dire que, heureusement pour les enfants, il y avait Dadi, le bon Dadi, qui pourrait veiller sur eux. Le lendemain j’apprenais que l’accident en question avait eu lieu à Kousseri, au Cameroun, à dix kilomètres à peine de N’Djamena, qu’il s’agissait d’un petit avion privé affrété pour les besoins d’un voyage diplomatique dans le cadre des négociations sur le pétrole tchadien qui s’était écrasé en plein vol, et qu’il n’y avait aucun survivant de ses deux seuls passagers, Ahmed Lamine-Ali et Abderahman Dadi. Lorsque j’ai pu joindre au téléphone sa grande fille, qui avait en l’espace de cinq ans perdu ses deux parents, elle m’a dit : « Tu sais, Tonton, j’ai vu Tonton Dadi la semaine dernière. Et je lui ai dit ce que tu m’avais dit, son sourire, et que ce n’était pas normal que je ne l’aie jamais vu. Alors il l’a fait. Il m’a fait un grand sourire. Et c’était juste comme tu me l’avais raconté : un grand beau sourire d’enfant ! »

Toutes les rumeurs ont circulé sur cet accident – et sur le caractère accidentel de l’crash, quelques mois avant une élection présidentielle à laquelle on a dit que Ahmed Lamine-Ali, avec son statut d’opposant-ministre aurait pu se présenter. On ne saura jamais la vérité, mais le fait que deux personnalités éminentes, d’une grande popularité et à la réputation sans tache, dans un pays marqué par une situation complexe et une histoire tourmentée, trouvent ainsi soudainement la mort dans les circonstances inexpliquée d’un crash en plein vol, alimente nécessairement les fantasmes. Je me refuse à avoir à ce sujet une opinion. Les obsèques ont été monumentales et l’émotion populaire immense. On a donné à l’avenue qui mène de l’aéroport au centre de la capitale le nom de Ahmed Lamine-Ali, et à l’école nationale d’administration celui de Abderahman Dadi. Et puis l’histoire a suivi son cours. Je suis heureux d’avoir connu ces hommes et je le tiens pour un privilège.

Ahmed, mon frère, mon ami, je pense beaucoup à toi. Souvent. Avec un chagrin inentamé. Toute mon affection à tes enfants.

Tchadanthropus-tribune

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  • Merci Laurent pour cet article incroyablement émouvant. J’ai moi-même connu Ahmed sur les bancs des coquilles et nous avons passé quelques week-ends inoubliables chez moi dans les Ardennes en 1977. Ensuite, nous nous sommes malheureusement perdus de vue mais je parle souvent de lui, des parties de rami que je perdais toujours face à lui, de sa façon de conduire les motos (il avait une 185 cm3 chez lui au Tchad). J’étais au Cameroun ces jours derniers et en parlant avec Éric, mon ami camerounais, à qui j’apprenais le rami avec les règles très particulières de Momo (Ahmed), j’ai eu envie de savoir ce qu’il était devenu et je suis encore très ému après la lecture de ton article. Je me rappelle également très bien de toi et de ton engagement. Merci pour ce formidable témoignage. Pascal

    Commentaire par Pascal Pinteaux le 9 mars 2020 à 9 h 11 min
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