2 novembre 2020 #Afrique #Soudan : Libéré des sanctions américaines, le Soudan tente de réformer son armée.

La levée des sanctions américaines contre le Soudan ouvre la porte à des coopérations bilatérales, notamment en matière militaire. Le temps presse : malgré les accords de paix, les différentes milices qui constituent l’armée soudanaise sont travaillées de tensions antagonistes.

 

Des membres de la milice Rapid Support Forces, en 2019.
Des membres de la milice Rapid Support Forces, en 2019. ©Mohamed Nureldin/Reuters

 

En passe d’être retiré de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme (Africa Intelligence, 23/10/20), le Soudan va pouvoir emprunter aux bailleurs internationaux, mais également solliciter l’aide d’états-majors étrangers pour restructurer son armée. Celle-ci est déséquilibrée par les accords de paix qui l’obligent à intégrer diverses milices qu’elle a autrefois combattues. Le premier protocole de l’accord signé le 3 octobre à Djouba avec plusieurs groupes rebelles (Africa Intelligence du 09/10/20) prévoit en effet que ceux-ci soient, au terme d’une période intérimaire où ils pourront garder leurs armes, progressivement entraînés et intégrés dans l’armée soudanaise.

L’état-major égyptien a d’ores et déjà indiqué qu’il était prêt à contribuer à la préparation et à la restructuration de la troupe soudanaise, tandis que les Etats-Unis sont disposés à financer l’envoi de consultants pour rédiger une doctrine. Kharthoum coopère déjà depuis l’année dernière avec la CIA pour réformer le National Intelligence and Security Service (NISS – Africa Intelligence du 27/12/19).

Un patchwork en recomposition

La restructuration de la troupe, longtemps pilier du régime, est d’autant plus urgente que l’équilibre entre ses diverses composantes est en recomposition rapide, et ce au bénéfice du vice-président du Conseil de souveraineté du Soudan, Mohamed Hamdan Dagalo, plus connu sous le nom d’Hemiti.

S’il n’a reçu aucune formation militaire et n’a pas les états de services qui correspondent à son grade de général, il demeure cependant la figure tutélaire des Rapid Support Forces (RSF), un corps paramilitaire principalement composé d’anciennes milices du président déchu Omar el-Béchir ayant combattu au Darfour. Ce bloc d’anciens janjawids, les vétérans des combats au Darfour, constitue une véritable force prétorienne entièrement dévouée au vice-président du Conseil de souveraineté, alors que le commandant de l’armée en titre est en réalité Abdel Fattah al-Burhan, le président de l’organe de la transition à Khartoum.

Disposant en outre d’une fortune accumulée grâce au contrôle d’une partie des ressources aurifères du pays, notamment dans la région du Darfour (Africa Intelligence du 06/09/19), Hemiti est l’un des rares responsables soudanais à même de mobiliser des fonds pour payer les soldats, et s’emploie actuellement à recruter pour grossir les forces qui lui sont loyales au sein de l’armée.

Rapid Support Forces contre « élites en djellabah »

S’efforçant de projeter l’image d’un homme d’Etat – il a abandonné l’uniforme pour des costumes sur mesure -, Hemiti a mis au point avec ses proches, notamment son frère et bras droit Abdul Rahim Hamdan Dagalo, une rhétorique destinée à rallier les rebelles signataires de l’accord de paix du 3 octobre, en jouant sur le ressentiment des jeunes Darfouriens à l’encontre de Khartoum. Il fait notamment valoir ses propres origines darfouriennes pour les appeler à s’unir contre les « élites en djellabah » – les islamistes -, qui confisquent le pouvoir depuis l’indépendance du pays.

Et cette musique résonne à l’oreille des rebelles, même si la majorité d’entre eux ont vigoureusement combattu les janjawids de Hemiti. Le sultan de la communauté four, Ahmed Hussein Ayoub Ali Dinar, se serait laissé convaincre. Depuis 2019, ce dernier travaille à faciliter le rapprochement entre Hemiti et les Four, l’ethnie majoritaire au Darfour. Beaucoup des combattants rebelles du Darfour ont fui en Libye entre 2014 et 2016. La plupart d’entre eux se battent aujourd’hui aux côtés de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, et envoient de l’argent au Darfour, où leurs enfants grossissent en silence les rangs d’Hemiti, sous les yeux d’une armée soudanaise impuissante.

Tchadanthropus-tribune avec la lettre du Continent

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