Dr. Sven Oehm est géographe et consultant d’aires protégées. Il a accompagné les équipes tchadiennes lors du processus de classement des Lacs d’Ounianga

 

Quel est votre sentiment après l’inscription des lacs au rang des Patrimoine mondial de l’Unesco?
Au premier plan je suis heureux, très heureux même. Là, j’aimerais bien être à Ounianga avec les gens du village qui, au fil des ans, sont devenues des véritables amis. Au deuxième plan, je suis fier de notre travail qui était dur. Mais avec un esprit d’équipe sans pareil, nous avons pu réussir et atteindre le but pour la région d’Ounianga, pour le Tchad et pour l’humanité.

Qu’est ce qui va changer maintenant pour le lac?
Les lacs sont maintenant connus dans le monde entier. Ça va attirer d’attention et ça peut aussi attirer de plus en plus de touristes. Ce qui est une bonne chose, mais il faut gérer le tourisme avec beaucoup de prudence pour éviter un développement qui pourra porter atteinte à l’intégrité du site. On pense à d’autres retombées économiques et sociales pour la région. A ne pas oublier, nous avons mis une base pour un développement qui permettra de trouver des solutions aux besoins d’aujourd’hui et demain. C’est important car le développement démographique et technologique nous impose d’adapter nos stratégies d’utilisation des ressources.

 

 
© journaldutchad.com 
Dr. Sven Oehm, géographe et consultant d’aires protégées au CNAR à Ndjamena

Et pour le Tchad?
Je pense que pour le Tchad c’est une bonne nouvelle. La perception du pays au niveau international n’était pas toujours la meilleure, au regard des longues périodes de guerre. Mais ces dernières années, le pays et son image sont en train de se changer. Je pense que l’inscription des Lacs d’Ounianga peut aider à ce changement positif et hautement mérité. En plus le Tchad a pris une certaine responsabilité. Avec l’inscription l’Etat a donné sa promesse de s’engager et à mettre à disposition les ressources nécessaires pour une bonne gestion du site. Maintenant le monde regarde très attentivement de ce qui va se passer sur site. 

Et à vous en tant que chercheur associé à l’équipe du Centre national de recherche appliqué du Tchad?
Nous sommes une équipe de recherche, composée de collègues tchadiens et allemands. Pour moi, il y a pas grand chose que va changer. Bien sûr nous sommes contents et nous continuons avec une motivation toujours plus forte les tâches qui nous attendent. Le vrai travail commence maintenant. Nous devons mettre en œuvre tous les détails décrits dans le plan de gestion. 

Est-ce qu’il y a d’autres sites aussi fabuleux que les lacs Ounianga?
Certainement il y a d’autres sites au niveau national et international qui sont d’une beauté et particularité énorme. Mais sincèrement je pense que les Lacs d’Ounianga sont parmi les sites les plus extraordinaires au niveau mondial. Ça été constaté par beaucoup de gens qui ont voyagé et qui ont vu d’autres sites merveilleux. 

Quels sont les prochains projets de l’équipe avec laquelle vous collaborez?
Pour le moment nous sommes en train de monter le dossier de nomination pour la Région d’Archei. Avec ces crocodiles, l’art rupestre et la tradition nomade vivante, un autre site fabuleux au territoire tchadien. En plus nous sommes en pleine préparation pour commencer les travaux pour le Lac Tchad. Un défi d’une importance régionale.

 

 
© Sven Oehm 
Une des plus belles vues des lacs d’Ounianga

Que pensez-vous de ce qui arrive aux sites maliens (patrimoine en danger)?
Tant, je suis heureux pour l’inscription des Lacs d’Ounianga, tant je suis triste pour ce qui se passe à Tombouctou. Je suis triste, parce que les mausolées et les mosquées islamiques forment une partie de notre patrimoine humain commun. En plus, ils disent qu’ils détruisent ces monuments au nom de Allah, ce qui doit être vraiment douloureux pour les habitants qui ont protégés ces sites pendant plusieurs centenaires et pour lesquelles ces sites sont des sites spirituelles et de culte musulman. 

Des conseils en tant que chercheur?
Dans le cas de Tombouctou, je pense on ne peut rien faire tant que chercheur. Mais en réalité le problème est plus profond. L’extrémisme est toujours une source de malheur, peu importe de quel côté on se trouve et quelle est la religion que l’on pratique. Il faudrait créer une atmosphère où les gens sont conscients que c’est seulement la tolérance qui nous permet une vie en paix. Nous, en tant qu’être humains, avons des idées très diverses sur beaucoup de choses: la religion, l’économie, la morale, la vie quotidienne, les traditions etc. Il faut accepter et respecter l’autre, tant que les autres le font avec nous. Je pense qu’il y a plusieurs vérités et plusieurs réalités, vu la diversité globale! Ça il faut accepter. Sans cela des situations comme au Mail vont se répéter éternellement.

Un mot sur la suite de vos recherches?

On va encore approfondir nos recherches aux Lacs d’Ounianga. Dans la Région de l’Ennedi il nous reste beaucoup à découvrir. Et autour du Lac Tchad il fallait un très grand projet de recherche: ressources hydrologiques, pastorales et agricoles; utilisation de ces ressources et enfin un plan d’action pour rendre plus efficace ces structures d’utilisation. 

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