Au Tchad, deux enfants sur cinq souffrent de malnutrition chronique et un enfant sur six de malnutrition aiguë sévère, soit le taux le plus élevé en Afrique centrale et occidentale, estime le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF). Le gouvernement et ses partenaires humanitaires s’activent à répondre à cette urgence.

"Sans réponse appropriée face à l’urgence, le nombre d’enfants malnutris en danger de mort dans la région du Sahel pourrait s’élever à 1,4 million pendant la saison sèche. Aujourd’hui, la région du Sahel a basculé en situation d’urgence", déclare Josephine Ferreiro, chef de la section Communication stratégique à l’UNICEF Tchad.

"Au Tchad, dans sa bande sahélienne, 127 300 enfants souffriront de malnutrition aiguë sévère en 2012 et un traitement thérapeutique approprié devra leur être apporté afin de contenir la mortalité", ajoute Mme Ferreiro.

Le Tchad fait partie des huit pays dans la région du Sahel qui doivent faire face aux effets dévastateurs de la sècheresse, des prix élevés des denrées alimentaires et de l’instabilité. Il a le taux de malnutrition aigüe globale le plus élevé en Afrique de l’ouest et centrale, soit 16,3%, loin devant le Niger (12,3%), le Nigeria (11%) ou le Mali (10,9%).

De nombreuses communautés au Tchad ne se sont pas remises des multiples crises alimentaires de ces dernières années, les laissant plus vulnérables face à la sécheresse et aux mauvaises récoltes. Cette situation est aggravée par d’autres défis structurels dans le pays: un système de santé faible, l’extrême pauvreté, l’insécurité, etc.

De plus, cette année, l’insécurité alimentaire générale a été aggravée par le retour de 90 000 Tchadiens de Libye suite à la guerre civile dans ce pays. D’après le Programme Alimentaire Mondial (PAM), la perte des échanges avec la Libye a fortement affaibli les familles tchadiennes qui ont commencé à s’endetter. De plus, les prix ont fortement augmenté et doublé dans certains domaines par rapport à 2011, en cette période de soudure (la saison des pluies allant de juin à août) et de ramadan.

Pour les partenaires humanitaires, il faut construire la résilience. Il ne s’agit pas seulement de répondre à l’urgence d’aujourd’hui, il faut également prévenir les urgences de demain. "C’est une obligation pour l’UNICEF de continuer la mise à l’échelle de la réponse à la crise nutritionnelle afin de sauver tous les enfants face à la malnutrition", affirme Bruno Maes, représentant de l’UNICEF au Tchad.

L’UNICEF et les partenaires du développement appuient le gouvernement pour construire des systèmes de santé, des services sociaux et un système de protection robustes et durables afin de remédier à la malnutrition. Pour améliorer la situation, le gouvernement du Tchad et ses partenaires du développement travaillent en étroite collaboration pour orienter la réponse à l’urgence nutritionnelle de la manière la plus efficace possible. Mais le manque de financement pour faire face à cette crise est alarmant.

"L’UNICEF a besoin de 30,4 millions de dollars supplémentaires pour répondre aux besoins grandissant des enfants du Tchad dont la vie est menacée", estime M. Maes.

Ainsi, l’UNICEF et ses partenaires appellent la communauté internationale à poursuivre les efforts pour prévenir la mort de milliers d’enfants au Tchad. "Il n’est pas encore trop tard, mais il faut agir maintenant", conclut le représentant de l’UNICEF au Tchad.

Depuis le début de la campagne lancée par l’UNICEF en réponse à l’urgence, 310 centres de nutrition ont été mis en place dans 10 régions du Tchad pour traiter les cas de malnutrition aiguë sévère. En vue d’apporter des soins appropriés aux enfants malnutris, l’UNICEF a renforcé les compétences de 930 agents de santé aux niveaux régional et communautaire en 2011 et de 450 agents en 2012.

"Des services adaptés sont nécessaires pour éviter que les enfants dont le système immunitaire est affaibli par la malnutrition n’attrapent d’autres maladies, comme par exemple, la malaria ou la diarrhée. Ces services comprennent l’accès à l’eau potable, de meilleures installations sanitaires et des campagnes d’éducation et de sensibilisation pour promouvoir, par exemple, l’allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois", explique Mme Ferreiro.

Selon la responsable de la Communication stratégique à l’UNICEF Tchad, 100.000 enfants âgés de 6 à 23 mois au Tchad ont été approvisionnés avec des aliments supplémentaires prêts à l’emploi (ASPE), des moyens simples et efficaces pour lutter contre la malnutrition. "Mais les stocks sont limités, le défi maintenant est d’obtenir ces aliments en suffisance et proportionnellement aux besoins grandissants des mois à venir", prévient-elle.

Par ailleurs, l’UNICEF plaide, auprès du gouvernement tchadien, pour une intégration de l’approche psychosociale aux programmes de nutrition. "Au cours des deux premières années de la vie, les manques nutritionnels et psychosociaux vont affecter le potentiel à la fois intellectuel et physique de l’individu. Ils peuvent aussi être la cause d’un handicap ressenti tout au long de la vie. De plus, de nombreuses mères (ou autres tuteurs) entretiennent difficilement un lien maternel fort en raison de leur propre santé mentale et physique, elle-même affectée en période de crise alimentaire", soutient Mme Ferreiro.

Une évaluation réalisée par l’UNICEF en février et mars 2012 dans les régions du Kanem et Guéra, a relevé un manque des composantes d’intervention psychosociale dans la réhabilitation de l’enfant et de la mère en situation de malnutrition aigüe et sévère ainsi qu’une faiblesse du secteur de support psychosocial au niveau national pour les interventions de protection.

L’évaluation de l’UNICEF recommande l’introduction de la prise en charge psychosociale à travers la Stimulation Emotionnelle par un ensemble des techniques telles que: les massages des nourrissons, le coaching filial positif, le jeu thérapeutique, le sport éducationnel, la discipline parentale positive. "Il s’agit ici d’une série de techniques pratiques que l’agent de santé ou les volontaires apprennent aux mères pour les engager dans la récupération de leurs enfants", précise la chargée de la Communication stratégique à l’ UNICEF Tchad.

Le Protocole National de Prise en Charge de la Malnutrition aiguë au Tchad (paraphé en mars 2011) reprend bien cette obligation en soulignant la forte désirabilité de l’introduction des techniques de récupération émotionnelle lors de la prise en charge des enfants au niveau des centres nutritionnels. Avec l’appui du Bureau régional UNICEF Afrique centrale et de l’Ouest et UNICEF Tchad, un atelier de renforcement des capacités en prise en charge psychosociale des enfants souffrant de malnutrition aiguë a été organisé par le ministère de l’Action Sociale début juillet 2012 à N’Djaména.

30 personnes des secteurs de la santé, de la nutrition et du travail social ont reçu d’un expert recruté par le Bureau régional de l’UNICEF (basé à Dakar), des compétences spécifiques de formateur et de coach sur le soutien psychosocial des enfants souffrant de malnutrition et leur mères (ou gardiens) et sur l’utilisation de boîte à outils sur les Premiers soins psychosociaux.

"Les personnes formées auront à leur tour la responsabilité d’assurer le renforcement des capacités d’acteurs travaillant dans les centres nutritionnels mais aussi, notamment, de lancer la stratégie dans leur région et d’intégrer la prise en charge émotionnelle tant que complément à la prise en charge nutritionnelle dans les centres nutritionnels", conclut Mme Ferreiro.
 

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