Pour les juges des « chambres africaines extraordinaires » chargées de juger l’ancien président tchadien, Hissène Habré, tous les chemins mènent décidément à Ndjaména ! Eh oui, la capitale tchadienne est devenu l’objet de toutes les attentions, de tous les désirs et un lieu de pèlerinage obligé pour les bienheureux magistrats de ce Tribunal de l’indignité ! Histoire, disent-ils, d’aller enquêter sur les crimes dont est accusé l’ancien homme fort du Tchad réfugié dans notre pays depuis 23 ans et emprisonné par leurs soins, nos braves magistrats défilent à la queue-leu-leu dans ce pays d’ Afrique centrale devenu ces dernières années l’un des plus gros producteurs de pétrole du continent.


C’est d’abord le Procureur spécial de ces Chambres, le sieur Mbacké Fall, et sa fine équipe qui s’étaient rendus dans ce pays d’où ils étaient rentrés éblouis par ce que leur avaient montré les autorités tchadiennes. Et aussitôt revenus au Sénégal, ils avaient ordonné l’arrestation dans des conditions rocambolesques — et humiliantes pour un homme de son âge et qui bénéficie, qui plus est, du statut d’ancien président de la République ! — du président Habré.


Eh bien, après avoir jeté ce dernier en prison, les membres de la commission d’instruction de ces « chambres africaines extraordinaires » — dans lesquelles on ne trouve que des magistrats sénégalais — viennent de s’offrir 15 jours de tourisme, pardon de travail, pour aller enquêter sur les crimes supposés avoir été commis par le président Hissène Habré. Nous, on se demande à quoi peut bien servir une telle visite si l’on sait que nos braves magistrats sont tellement convaincus à l’avance de la culpabilité de l’ancien homme fort du Tchad réfugié chez nous qu’ils l’ont emprisonné sans autre forme de procès. Et ce alors qu’il présente toutes les garanties de représentation !


Selon ces magistrats instructeurs, donc, il s’agit pour eux d’aller constater de visu les exactions prêtées à M. Habré — près de 23 ans après les faits […] mais aussi d’auditionner des témoins […] et de visiter des chantiers et lieux de détention supposés avoir été utilisés par les services de sécurité du Président Habré. Des services qui avaient à l’époque à leur tête un certain… Idriss Déby Itno, qui est l’actuel président de la République du Tchad et qui paye les consistants frais de mission de nos magistrats en ce sens qu’il a contribué à hauteur de quatre milliards de francs à l’organisation du procès de son prédécesseur et ancien patron.


C’est donc aux frais du Tchad que nos braves magistrats multiplient les séjours touristiques grassement payés en termes de frais de mission. Et comme il faut en profiter un max, on nous annonce deux autres missions que nos touristes judiciaires vont encore effectuer au Tchad avant de clôturer leur instruction ! Faut pas se gêner, voyons.


Et puis, des centaines de prétendues victimes des crimes et tortures commis par l’ex-président tchadien, ayant été convoyés par avions au point qu’on ne trouve presque plus dans le pays de handicapés et de mutilés, tous ayant été déversés à Dakar, on se demande quelle peut être finalement l’utilité d’un déplacement au Tchad. A part collectionner les frais de mission, bien sûr…


Et après le retour au pays des membres de la commission d’instruction, gageons que le Procureur spécial Mbacké Fall et ses collaborateurs voudront eux aussi retourner à Ndjaména pour des compléments d’informations, et se rendre de nouveau à Bruxelles , où des Tchadiens avaient porté plainte contre Habré et où une information judiciaire avait été ouverte, pour « s’imprégner du dossier » ! Puis ce sera au tour des magistrats instructeurs d’aller découvrir les charmes de la capitale belge. Ainsi de suite jusqu’à ce que les quelque six milliards de francs du budget voté pour l’organisation du procès du président Hissène Habré soit bien entamé.


Entre les magistrats de la CREI (Cour de répression de l’Enrichissement illicite) qui nomment des copains à eux comme administrateurs provisoires de sociétés surliquides, leur permettant ainsi de s’enrichir illégalement, et leurs collègues des « chambres africaines extraordinaires » qui multiplient les missions perdiemisées pour s’imprégner du dossier vide d’un ancien chef d’Etat africain, l’image de la magistrature sénégalaise en prend décidément un sacré coup !


Et toutes ces décisions scandaleuses ont un dénominateur commun : les magistrats qui s’en mettent ainsi plein les poches ont tous été nommés par une ministre de la Justice aux allures de Don Quichotte : Mme Aminata Touré dite Mimi. Mais bon, pourquoi se scandaliser du moment que, en définitive, c’est l’Etat qui paye. Du moins pour le procès Habré. Quant aux autres magistrats, eh bien leurs copains administrateurs judiciaires se payent sur la bête !

Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1135 –Hebdomadaire Sénégalais (AOUT 2013)

 

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