N’y allons pas par quatre chemins ! Mahamat Saleh Annadif (MSA) est libre seulement parce que Idriss Déby a ordonné à Abderahim Birémé Hamid, pseudo-Président d’une pseudo-Cour suprême, d’organiser dare-dare une parodie de procès pour l’élargir.

Le quotidien camerounais, « Le Jour », a fait un compte-rendu complet de l’audience du 17 juillet où le caractère particulièrement grotesque du procès est mis en évidence notamment par la remarque selon laquelle les échanges entre avocats des prévenus et magistrats de la Cour « sont parfois accompagnés de commentaires, de signes d’approbation et de désapprobation du public » (sic).

On se croirait dans une de ces mini-séries judiciaires burkinabés diffusées sur TV5 Afrique.

Chacun trouvera en tout cas dans ce magazine de quoi forger sa conviction.

On aura du reste compris que Birémé Hamid, magistrat inféodé au régime au fil du temps, a exécuté à bride abattue la mission que lui a assignée Déby : annuler les actes de procédure et remettre immédiatement en liberté l’ex-Secrétaire général de la Présidence, (transfuge du PLD, on ne le rappellera jamais assez) afin qu’il puisse observer le mois de ramadan auprès de sa famille.

La pression diplomatique, à l’approche et lors du 19e sommet de l’Union africaine, a certainement contribué à desserrer l’étreinte du chef de l’Etat mais la vérité, croient savoir certains N’Djamenois, est que le maintien en détention de MSA n’avait plus aucun intérêt pour le despote dès lors que la machination machiavélique (rabaisser et discréditer) qu’il a orchestrée a parfaitement fonctionné comme il le souhaitait.

Plus aucun intérêt de maintien en détention ? On ne peut pas être aussi affirmatif dans le cas de l’ex-représentant de l’Union africaine auprès de l’Union européenne. C’est le vide abyssal du dossier qui a contraint Déby et Cie à lâcher du lest.

Assénée, comme d’habitude, tel un fait irréfutable, l’accusation de détournement proférée par le gouvernement et son Ministre de la Justice sur un ton péremptoire et avec une suffisante arrogance n’a pas suffi à convaincre la population décidée à ne plus céder à la manipulation grossière.

La preuve de l’implication de MSA dans le détournement des fonds n’a jamais été rapportée ni avant ni durant l’instruction alors même que l’intéressé déclarait ouvertement que l’ordre donné à la Banque Commerciale du Chari (BCC) d’effectuer le transfert de  l’intégralité du solde (1 milliard Cfa) d’un compte bancaire à la direction générale des grands travaux présidentiels a été signé par le tyran en personne.

Il faut relever que Idriss Déby lui-même n’a jamais contesté les déclarations de MSA, et celui-ci aurait refusé de quitter sa cellule tant que toute la lumière n’aura pas été faite sur cette machination rocambolesque. Dès lors, tout maintien en détention ne pouvait qu’être arbitraire, c’est ce que serait venu rappeler Alioune Tine de la Raddho à Idriss Déby, même si dans ce pays les droits de l’Homme sont le dernier souci du dictateur omnipotent.

La remise en liberté forcée de MSA sonne donc comme un cuisant échec pour Idriss Déby.

Cela dit, sans pour autant chercher à se perdre dans un océan d’obscurité pour ne pas voir les détournements massifs des deniers publics par les plus proches collaborateurs d’Idriss Déby, il demeure autrement possible de discerner dans les arrestations ciblées de personnalités politiques une manœuvre ignominieuse tendant à rabaisser aux yeux de nos concitoyens ceux pour qui ils conservent encore un brin de considération et de sympathie.

Le tyran pense que cette façon d’agir rencontrerait une adhésion populaire dans un pays où le peuple en a, incontestablement, plus que marre de nouveaux riches qui puisent allègrement, et en toute impunité, dans les caisses de l’Etat pendant que lui-même lutterait contre les dérives financières des hommes politiques avec une sévérité sans complaisance.

Le despote est sans doute le seul à penser que les populations sont assoupies dans un acquiescement sans réserve de sa prétendue politique de chasse aux sorcières d’autant plus  que celle-ci ne concerne jamais les membres de sa famille élargie et débouche, s’agissant de ses proches collaborateurs, naturellement sur la promotion spectaculaire des ex-bannis.

Pour être plus exact, Idriss Déby se moque avec désinvolture des Tchadiens, lesquels sont pourtant loin d’être dupes.

La scène politique regorge d’exemples éloquents qui contrastent fortement avec l’idée que peut se faire une personne normalement constituée des suites réservées aux actions coup-de-poing engagées par Idriss Déby : Haroun Kabadi, jeté en prison à la fin de l’année 2009 pour avoir détourné plusieurs milliards de Fcfa, est aujourd’hui le deuxième personnage politique du pays depuis son accession à la tête de l’Assemblée nationale en 2011.

D’autres ex-bannis pour malversations financières comme Mahamat Saleh Adoum, Ali Aberaman Haggar, Adoum Diar, Mahamat Abdoulaye, Mahamat Allamine Bourma Tréyé, Mahamat Ali Abdallah Nassour… ont quasiment tous regagné la confiance du despote. Mahamat Zène Bada, de nouveau banni pour les mêmes motifs, ne manquera pas de revenir sur le devant de la scène.

L’on se souvient également de ces centaines de « bogobogo »  et autres chefs de gangs rackettant les commerçants à N’Guéli depuis 22 ans  qui ont été radiés de la Fonction publique par décret présidentiel en mars 2012 et réintégrés fissa après quelques menaces à peine voilées d’aller grossir les rangs de la rébellion toujours active à l’Est du pays.

Il faut néanmoins reconnaître que les proches collaborateurs du dictateur qui passent par la case « déchéance temporaire » ne recouvrent plus entièrement la confiance populaire perdue même après avoir été soi-disant « blanchis » par des nominations à des postes de responsabilité.

Les Tchadiens les assimilent désormais ni plus ni moins qu’à de vils individus, sans dignité, qui ne méritent aucune attention. Or, c’est exactement le but recherché par les manœuvres diaboliques d’Idriss Déby qui passe le plus clair de son temps à soupçonner ses proches collaborateurs les plus charismatiques, comme Mahamat Saleh Annadif, d’être possédés par une ambition présidentielle prématurée.

A  60 ans, le tyran se redécouvre d’ailleurs une âme de mégalomane et, à ce qu’il parait, se scandalise d’entendre parler de telle ou telle presse qui ferait quelque éloge des actes de ses proches collaborateurs ou de ses ministres. N’a-t-il pas fait allusion très récemment, dans le magazine Jeune Afrique, au fait qu’il était âgé de « 38 ans » seulement lorsqu’il accédait au pouvoir par les armes  en 1990 ?

La lutte contre la criminalité financière est nécessaire dans notre pays, mais elle ne doit pas servir de prétexte à un chef d’Etat, lui-même directement ou indirectement impliqué dans les détournements de biens publics, pour jeter le discrédit sur des potentiels opposants ni pour ridiculiser ceux qui se donnent tout le mal du monde pour rafistoler une institution républicaine aussi élimée comme la Justice tchadienne tant elle est malmenée par un régime frisant l’anarchie.

Aucune charge quelle qu’elle soit ne pesant contre MSA, celui-ci ayant toujours réfuté les accusations du Garde des sceaux qui se serait personnellement investi dans ce dossier au-delà de ce qu’exigent ses fonctions, l’annulation de la procédure pour vices de forme devrait normalement conduire la Haute cour de Justice, dans l’hypothèse où elle serait saisie du fond de l’affaire (en considération de la qualité de MSA au moment des faits), à  renvoyer l’intéressé des fins de poursuite.

Se remettra-t-il néanmoins de l’épreuve Moussoro ?

Je lui souhaite beaucoup de courage.

Lyadish Ahmed 

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