La spectaculaire volte-face sur l’exploitation de l’immense forêt d’Ebo est la partie émergée de la guerre des clans permanente qui déchire le gouvernement camerounais.

Sans arbitre pour les départager, les deux clans adverses au sein du gouvernement camerounais s’affrontent désormais sur tous les fronts. Cette guerre de position entre, d’un côté, le clan des « durs » regroupé autour du directeur de cabinet civil et neveu du président Paul BiyaSamuel Mvondo Ayolo et, de l’autre, le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh, protégé de Chantal Biya, prive l’Etat camerounais de continuité, les décisions d’un camp étant systématiquement susceptibles d’être révisées par l’autre.

Embuscade en forêt

Dernier exemple en date, le spectaculaire rétropédalage du gouvernement qui, en moins de trois semaines, est revenu sur sa décision d’exploitation de l’immense forêt d’Ebo située dans les départements du Nkam et de la Sanaga-Maritime (région du Littoral) en créant une Unité forestière d’aménagement (UFA) de 68 285 hectares. La décision, prise le 14 juillet par le premier ministre Joseph Dion Ngute, a été annulée le 6 août « sur très hautes instructions du président de la République »

L’exploitation de la forêt est favorisée par les durs du gouvernement, qui veulent reconquérir la zone d’Ebo et permettre à ses anciens occupants, l’ethnie des Banen, d’y reprendre pied, ce afin d’éviter que d’autres groupes combattants, et notamment des séparatistes, ne s’y installent. A peine le décret d’exploitation de la forêt édicté, le député du Nkam (Littoral), Samuel Dieudonné Moth, membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, avait ainsi réuni le 2 août à Douala des chefs traditionnels et des dizaines de membres du groupe ethnique Banen pour leur expliquer que l’exploitation de la forêt constituait une aubaine pour eux. En effet, les forestiers seraient obligés d’ouvrir des routes et de construire des écoles et des dispensaires. Les Banen ont été chassés d’Ebo par l’armée camerounaise au début des années 60, quand le régime du président Ahmadou Ahidjo luttait contre la guérilla de l’Union des populations du Cameroun, repliée dans le maquis des départements du Nkam, du Haut-Nkam et de la Sanaga-Maritime.

Contre-offensive à découvert

Mais, aussitôt le décret ouvrant la forêt à l’exploitation publié, le ministre des finances Alamine Ousmane Mey, adversaire de longue date de Samuel Mvondo Ayolo, ainsi que le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh sont montés au créneau, ce dernier se demandant ouvertement devant des collaborateurs comment on a pu faire accepter une telle chose au chef de l’Etat. Alamine Mey et Ngoh Ngoh ont mis en avant le fait que l’Union européenne et les donateurs internationaux n’ont jamais fait mystère de leur volonté de voir la forêt transformée en parc pour protéger des espèces rares comme les grands gorilles et les grenouilles Goliath, et que l’exploitation de cette zone allait avoir de lourdes conséquences pour le Cameroun. Le lobbying des deux hommes s’est intensifié lorsqu’ils ont appris que le gouvernement voulait rapidement créer une deuxième zone d’exploitation forestière de 65 000 ha.

La guerre des clans pourrait faire une première victime, le ministre des forêts et de la faune, Jules Doret Ndongo, vigoureux partisan de l’exploitation de la forêt d’Ebo. Le sujet avait déjà coûté son poste à son prédécesseur Philip Ngolle Ngwese.

Tchadanthropus-tribune avec la lettre du Continent

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