Parce qu’il vaut comme un avertissement sans frais pour le club des présidents africains, l’automne burkinabè ayant balayé le régime de Blaise Compaoré en quarante-huit heures a créé une véritable onde de choc dans plusieurs palais. Murés dans un silence de plomb depuis ces événements, les dignitaires de la sous-région, dont les familles règnent parfois depuis un demi-siècle sur leur pays, se savent désormais dans la ligne de mire de la communauté internationale comme de leur population.

Ouattara accuse le coup – Après avoir apporté aveuglément son soutien à un Blaise Compaoré devenu progressivement autiste face aux critiques dénonçant son dessein de s’éterniser au pouvoir, Alassane Ouattara a été le premier à voler au secours de son ami. Un renvoi d’ascenseur eu égard au coup de pouce décisif que son homologue burkinabè lui a donné contre le régime Gbagbo. Après avoir fait exfiltrer son épouse Chantal et sa fille Djamila Imani Compaoré en Côte d’Ivoire dès les premières mobilisations à Ouagadougou, le "beau Blaise" a quitté la capitale en convoi pour être finalement transporté par hélicoptère jusqu’à Yamoussoukro. Dans un premier temps, l’ex-chef d’Etat a été logé dans la résidence des hôtes de marque, bâtiment de la capitale politique où ont séjourné des personnalités comme Valery Giscard d’Estaing, Jacques Chirac ou Omar Bongo. Il a ensuite été hébergé à l’hôtel Président. Affecté par ce contexte, ADO a rendu visite à son ami dès le 1er novembre. Lors du conseil des ministres du 29 octobre, il n’avait pas prononcé un seul mot sur les événements du Burkina Faso. Le lendemain, il avait annulé toutes ses audiences afin de s’entretenir avec les acteurs de la crise burkinabè. Pour sa part, Guillaume Soro a aménagé un centre opérationnel dans l’une de ses résidences du quartier Cocody, pour prendre régulièrement le pouls de la rue à Ouagadougou.

Inquiétudes de Lomé à Cotonou – Faure Gnassingbé s’était entretenu par téléphone avec un Blaise Compaoré très serein le 28 octobre dans la matinée. Par la suite, le président togolais a été tenu informé heure par heure de l’évolution de la situation par le patron de la Gendarmerie nationale, le colonel Yotrofei Massina. Jusqu’à la dernière minute, ce dernier, ex-directeur de l’Agence nationale des renseignements, a minimisé la gravité de la situation alors que son patron entrevoyait l’impossibilité pour le président burkinabè de reprendre la main dès l’attaque de l’Assemblée nationale par les manifestants. Bien que la Constitution togolaise ne prévoie aucune limitation du nombre de mandats, Faure Gnassingbé, dont la famille est au pouvoir depuis 1967, se sait attendu au tournant en cas de dérapage lors de la présidentielle de 2015. A Cotonou, c’est la peur au ventre queThomas Boni Yayi a suivi les événements en direct sur France 24. Alerté dès le 28 octobre par sa secrétaire particulière, sa fille Rachelle, le chef de l’Etat béninois a stoppé la réunion qu’il tenait avec les présidents des institutions concernant la révision des listes électorales. Le lendemain, après une réunion de trois quarts d’heure avec son conseiller politique Amos Elègbè, il a fini d’être convaincu d’accélérer l’organisation des élections municipales, initialement prévues en 2013, après des marches de l’opposition et de la société civile dans Cotonou.

Dignitaires d’Afrique centrale sur le gril – Alors que Libreville s’est claquemuré dans le silence, Denis Sassou Nguesso, qui ne cache plus sa volonté de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat en 2016, a montré des signes de fébrilité depuis son village d’Oyo, où il a suivi la fin du régime Compaoré en compagnie de Macky Sall. Depuis, il téléphone quotidiennement à l’ex-président dans sa villégiature ivoirienne. La première dame, Antoinette Sassou Nguesso, reste en contact avec Chantal Compaoré, avec laquelle elle partageait de nombreuses actions caritatives à la tête de leurs fondations respectives. 

 

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