Réunis au Maroc les 6 et 7 septembre par le souverain, les émissaires de l’Est et de l’Ouest libyen n’ont pas réussi à s’entendre sur le remplacement du gouvernement d’union nationale. Celui-ci a été repêché par Ankara, qui privilégie une solution militaire.

L’optimisme du chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, et le soutien actif de Washington au processus n’y ont rien fait : les négociations inter libyennes, qui se sont tenues à Bouznika les 6 et 7 septembre, n’ont permis aucune avancée notable dans le règlement du conflit. Le président de la Chambre des représentants de l’Est libyen, Aguilla Salah Issa, et le patron du Haut conseil d’État tripolitain, Khaled al-Mishri, venus discuter de la formation d’un nouvel exécutif, sont repartis sans accord. Mohammed VI avait pourtant mis les petits plats dans les grands : les discussions se sont déroulées au très chic hôtel-spa Vichy Célestins, propriété de sa holding personnelle Al Mada. Inauguré en septembre 2018, ce complexe de luxe a été préféré à l’hôtel Amphitrite, qui avait hébergé les négociations ayant abouti à l’accord de Skhirat en 2015 et à la formation de l’actuel exécutif, dirigé par Fayez Sarrajj.

Fayez Sarrajj résiste… grâce à Erdogan

Ces pourparlers doivent se poursuivre en Suisse sous l’égide du Centre pour le dialogue humanitaire (CHD) et des Nations unies. Mais Fayez Sarrajj est bien décidé à rester en place, avec l’appui de son principal parrain, le président turc Recep Tayyip Erdogan. Au moment même où les deux hommes se rencontraient de nouveau à Ankara, le 6 septembre, les forces pro-gouvernementales d’union nationale (GUN) recevaient de nouveaux équipements militaires sur la base de Watiya, convoyés par des avions militaires C-130 de l’armée turque. Et les mercenaires syriens, eux aussi dépêchés par la Turquie, continuent d’affluer en Tripolitaine et à Misurata.

Erdogan s’est également activé pour empêcher le GUN d’imploser après la « suspension » du ministre de l’intérieur et de la défense Fathi Bachagha par Fayez Sarrajj, le 28 août. Cette brouille risquait de mettre en péril l’accord de défense bilatéral ayant donné une base légale à l’intervention militaire turque, ainsi que celui sur le partage des eaux en Méditerranée, censé légitimer les campagnes d’exploration pétrolières et gazières menées par Ankara en eaux chypriotes.

Mais Erdogan ne pouvait pas non plus lâcher Bachagha, issu de la puissante faction de Misurata. Ce dernier a donc retrouvé son poste dès le 3 septembre, abandonnant le portefeuille de la défense à Salah Eddine Namroush, jusque-là vice-ministre. Originaire de Zawiya, ce dernier assurait déjà la coordination entre les milices de l’Ouest libyen et les militaires turcs. Le nouveau chef d’état-major, Mohamed Ali al-Haddad, est quant à lui originaire de Misurata, mais d’un autre courant que Bachagha.

Surenchère militaire à l’est et à l’ouest

De son côté, l’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, ne donne pas non plus la moindre volonté de négocier. Son Armée nationale libyenne (ANL) n’a aucune intention de quitter la région de Syrte, censée devenir une zone démilitarisée pour prolonger le cessez-le-feu annoncé le 21 août par Fayez Sarrajj et Aguilla Salah Issa. Mais Khalifa Haftar n’a jamais souscrit à cet « accord » et ses forces continuent de s’accrocher avec celles du GUN, notamment à proximité d’Abu Qurayn, près de Misurata.

Les forces de Haftar continuent par ailleurs de recevoir des équipements militaires de la part de leurs alliés. Le « pont aérien » mis en place par les Émirats arabes unis semble s’être interrompu (deux des compagnies kazakhes impliquées, Azee Air et Jenis Air, ont vu leurs certificats de transporteur aérien révoqués en avril), mais plusieurs gros-porteurs Antonov-124 de l’armée russe se sont posés, courant août, à Benghazi. L’armée égyptienne renforce aussi son dispositif à la frontière libyenne, même si le président Abdelfattah al-Sissi fera tout pour éviter une confrontation directe avec la Turquie (Africa Intelligence du 28/08/20).

Tchadanthropus-tribune avec La Lettre du Continent

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