23/03/2017 : #TCHAD:  « Plusieurs centaines de personnes sont détenues illégalement », admet le garde des sceaux. Le ministre de la Justice, garde des sceaux, Pr. Ahmat Mahamat Hassan a accordé un entretien à la Télévision Tchad où il aborde durant une trentaine de minutes les enjeux de sa nomination à la tête du département de la justice. Peu après sa nomination, sans plus tarder, le garde des sceaux s’est rendu à la maison d’arrêt où il a constaté qu’il y a 2037 personnes en détention, alors que 500 personnes sont réellement jugés et condamnés.

Le ministre de la Justice, garde des sceaux, Pr. Ahmat Mahamat Hassan a accordé un entretien à la Télévision Tchad où il aborde durant une trentaine de minutes les enjeux de sa nomination à la tête du département de la justice.

D’entrée de jeu, le journaliste Maji Maji Odjitan affirme que les tchadiens n’ont plus confiance en la justice. Le ministre emboite le pas : « La justice est décriée, considérée comme une justice de puissants, une race d’intermédiaire judiciaires qui exportent les justiciables », estime-t-il. De l’avis du ministre, « nous avons été classés dans un rang qui nous fait honte d’être un pays où la corruption règne ». En effet, « il y a la question de l’inadéquation des textes qui sont entrain d’êtres réformés. Aussi, depuis 1967, nous allions le droit (individus) avec le droit coutumier ».

« Cette inadéquation a encouragé les justices parallèles pour faire des comités islamiques, des chefs traditionnelles même s’ils ont légalement quelques compétences en matière juridique et judiciaire », souligne-t-il, et de déplorer qu’il y a « plusieurs intermédiaires (officiers de police judiciaires et unités de police) qui se sont arrogés le droit de la médiation pénale qui n’existe pas dans nos textes. Eux-mêmes font une sorte de justice parallèle, expéditive qui donne une certaine satisfaction à la population qui est pressé de voir trancher leur litige rapidement ».

Un manque d’autorité de l’Etat ? Oui de l’avis du ministre qui explique que « on doit revenir à la restauration de l’autorité de l’Etat. Une décision prise par l’Etat tchadien doit faire autorité. La justice doit être comprise par les citoyens et tous ceux qui résident au Tchad comme un élément de stabilité, de construction du vivre ensemble, que tout le monde soit sur le même pied d’égalité, qu’il n’y ait pas des gens qui puissent échapper à la loi, c’est un élément qui va apaiser la vie ».

Mais pas question de désespérer ; « nous avons engagé un chantier de réforme avec la coopération française que je remercie et l’Union européenne. Nous allons former les gens et continuer à sensibiliser. Un élément important : La collecte des coutumes. Les coutumes contraires doivent êtres écartés. Nous voulons faire une justice pour tout le monde », ajoute Ahmat Mahamat Hassan

Respect des droits de l’homme     

A la question de savoir si les droits de l’homme sont bafoués au Tchad, le ministre a rétorqué qu’il n’y a pas un pays idéal ou les droits sont à 100% préservés. « Tous les pays du monde rencontrent un problème, soit d’intégration, soit de violation des droits humains. L’humanité entière n’y arrive pas. Au Tchad, nous avons connu des troubles, nous avions d’abord une obsession sécuritaire. Nous sommes une sorte d’ilot de stabilité et de paix », précise le ministre qui appelle à faire respecter l’autorité de la justice également, et « faire conscientiser les magistrats pour réconcilier la justice avec les justiciables, pour ne pas qu’elle reflète la lenteur, la répulsion ».

Droit de manifester   

S’agissant des manifestations, le ministre souligne que « la constitution reconnait le droit de manifester mais suivants les lois et règlements. Les textes de 1961 reconnaissent le droit de manifester par une autorisation du ministre de l’Intérieur (Ndlr : sécurité publique et immigration). Le gouvernement a des mécanismes de renseignements pour éviter les risques de troubles à l’ordre public. »

Délais de gardes à vue et absence d’exécution entre la sentence et les peines « A la justice, nous avons la chaine pénale qui commence par les OPJ (officiers de police judiciaire) et APJ (agents de police judiciaire »  

Le ministre de la justice s’est longuement étalé sur le déroulé de la procédure judiciaire qui doit être respecté par les OPJ et APJ. « Les gens ont pris l’habitude de régler les questions civiles et commerciales au niveau du commissariat. Les brigades et commissariats n’ont pas le droit de trouver des solutions amiables, il faut que ça soit très claire », explique-t-il. Pour lui, « Les amendes forfaitaires et arbitraires pose un problème très sérieux. Les habitudes sont très dures à changer mais nous pouvons nous y attaquer facilement. En contrepartie, il faudrait que la justice rende satisfaction au justiciable. Nous avons à préserver les droits de la défense mais aussi les droits de la partie demanderesse. »

Le comportement des acteurs de la justice   

« Il y a des magistrats qui oublient de rédiger leur décision de justice, ça pose des problèmes, il faut que je redynamise l’inscription générale des services judiciaires. Il faut l’instauration des rapports périodiques, bulletins périodiques pour que les rendements des tribunaux et magistrats soient suivis. On doit demander des comptes », constate le ministre, ajoutant que « on doit voir si les délais de garde à vue sont respectés ou pas. Des gens sont retenus pendant plusieurs semaines à la brigade. Le principe de la liberté doit être le principe reconnu et la détention l’exception tant que les mécanismes élémentaires du droit ne sont pas remises en cause. Les tchadiens ont pris cette habitude de se faire justice soit même en tuant ou la personne, en payant le prix du sang.

Détentions arbitraires et illégales   

Peu après sa nomination, sans plus tarder, le garde des sceaux s’est rendu à la maison d’arrêt où il a constaté qu’il y a 2037 personnes en détention, alors que 500 personnes sont réellement jugés et condamnés.

« Il y a plus de 1500 qui sont en attente d’être jugés. En tout cas, les affaires ne sont pas encore liquidés. J’ai demandé, toute suite après ma visite, à ce qu’on me situe tous les dossiers selon la nature de l’infraction, pour voir quels sont les difficultés qui font que les dossiers ne bougent pas. J’ai ordonner le mécanisme de la comparution immédiate », explique le garde des sceaux.

Ce dernier constate qu’il y a « des gens (mineurs, ndlr) qui ont acquis la majorité à la prison, nous allons rémédier pour qu’on puisse décongestionner la maison d’arrêt, dans la toute transparence du droit. »

Comment ? « Je vient de signer une note circulaire à l’adresse de tous les parquetiers sur le respect de la politique pénale du gouvernement. On fait face à une montée de la criminalité. Des fléaux dénaturent l’image de notre pays. Nous vivons dans une insécurité juridique et judiciaire. Moi, je doit contribuer à ce que l’Etat de droit soit renforcé, et que la justice soit un élément de paix. La peine doit être prononcée par les magistrats pour que ça soit dissuasif », tranche le chef du département de la justice.

Homosexualité et peine de mort  

Au Tchad, le code pénal et celui de procédure pénale patient de 1967. Grâce à l’apport des partenaires, ils ont été révisés et le codé pénal a récemment été adopté par la représentation nationale.

Le ministre s’est expliqué sur la disqualification en délit de l’homosexualité. « Nous avons deux pics : La question de l’homosexualité qui était avant criminalisé mais nous avons atténué en prenant en compte certaines avancées des droits humains à travers le monde et les conventions internationale mais aussi de la résistance de notre société par rapport à ces types de comportements déviants de l’être humain. Nous avons réduits à titre transitoire la disqualification en délit. Il ne faudrait pas toute suite prétendre transformé une société pour laquelle la préservation de ces valeurs sont très chers. Que les uns et les autres nous comprennent. Dans nos sociétés, ces assez répulsif dans le commun des mortels de la société africaine », justifie-t-il.

L’autre élément, c’est la question de la peine de mort qui existe depuis 1967. « Nous avons prévu la peine d’emprisonnement à perpétuité. La peine de mort est supprimée. Une seule exception : le terrorisme. Le monde entier nous comprendra sur le rôle que nous jouons sur la scène internationale contre le terrorisme. Dans tout ça, nous sommes entrain de lutter contre un fléau qui met en cause la paix. Le monde entier est en guerre contre ce fléau. Nous l’avons préservé pour les infractions de terrorisme. Les peines et condamnations sont des mesures de dissuasions pour sécuriser nos populations. L’objectif de la justice est de récupérer les délinquants d’aujourd’hui et de faire les citoyens de demain », tient à préciser Ahmat Mahamat.

Code de la famille   

« Nous sommes un des pays africains à ne pas disposer de cet instrument. Nous appliquons a ce niveau la deux codes : Le code de 1804 de Napoléon et les chefferies traditionnelles », admet le ministre. Toutefois, un projet a été rédigé, en s’inspirant « des pays ayant des réalités communes » : Le Sénégal, le Maroc, la Tunisie ou encore l’Egypte.

« Nous avons aussi inclus les différentes confessions. Les difficultés se retrouvent sur quels types de lois nous devons avoir pour tous les tchadiens. Nous sommes entrain de réfléchir, il y a des dogmes en matière d’islam que nous ne pouvons pas ignorer, peu importe le nord ou le sud. Notamment en matière de polygamie, d’héritage. N’ayons pas peur de les mettre sur la table. Ce sont les réalités de nos coutumes. Non dans les clichés mais dans l’optique de la citoyenneté. C’est un instrument de cohésion nationale, de construction de la nation tchadienne, mais de paix aussi. Tout ça on va pouvoir y faire face dans la sérénité », fait comprendre Ahmat Mahamat.

Pour l’heure, le plus grand défi de son département est, selon lui, « la sécurisation des biens et des personnes par les instruments juridiques et judiciaires ».

  • Tchadanthropus-tribune avec Alwihda info
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