A 41 ans, il a derrière lui, un parcours prestigieux. Stagiaire à la télévision nationale en 1999, il en est, 13 ans plus tard, le directeur général adjoint

 

Du 10 au 14 juin 2012, il faisait partie des membres du très sélectif jury du festival international de télévision de Monaco. Un honneur pour la presse tchadienne devoir figurer, l’un de siens, dans ce rendez-vous glamour et VIP qui met en compétition les meilleurs programmes de télévision du monde entier. Pour ceux qui le connaissent, il n’y a pourtant rien de surprenant à cela. Son talent est unanimement salué par les confrères. Ses éditoriaux, qui ouvrent généralement les principaux journaux parlés de la radio et de la télévision nationale tchadiennes, en donnent la preuve. Avec un style simple et incisif, un verbe souvent châtié et précis, une analyse froide, décomplexée et profonde; les éditoriaux d’Ahmad Makaila promènent un regard décapant sur l’actualité tchadienne et mondiale. Ce n’est donc pas un hasard si les éditions «L’Harmattan» ont décidé de publier en 2010, son livre intitulé «Décryptage de l’actualité internationale». Un livre qui compile 136 articles diffusés par Radio France Internationale (RFI) avec qui, le journaliste a collaboré pendant une dizaine d’années.

 

 
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Ahmad Makaila, éditorialiste

Un fulgurant parcours
Ahmad Makaila a connu un parcours fulgurant. Quand il revient de l’école de journalisme de Niamey en 1999, il est loin d’imaginer le chemin qui l’attend. Cette année là, il intègre l’Office national de Radiodiffusion et de Télévision du Tchad (ONRTV) comme stagiaire. Il a à peine le temps de déposer ses bagages que sa hiérarchie lui confie déjà des reportages. 6 mois après son arrivée, il est bombardé présentateur. «Je dois avouer qu’il n’y avait pas assez de journalistes-reporters à la télévision. Donc, j’ai eu l’opportunité de faire mes preuves très vite» se souvient Makaila. Entre-temps, la roue de l’histoire tourne très rapidement pour lui. La même année, il est contacté par RFI pour réaliser des articles d’opinion sur l’actualité. Une incroyable perche que lui tend le destin qu’il s’en saisit immédiatement. «Je venais à peine de commencer ma carrière donc, j’avais une appréhension» avoue-t-il. RFI est en effet un mastodonte médiatique d’un excellent niveau professionnel. Donc, n’y entre pas qui veut. La force de son talent suffit à convaincre dans les studios de la radio française. «Chaque jour, j’envoyais des papiers à l’équipe de production de l’émission Médias d’Afrique. Ils écoutaient juste ces papiers pour apprécier leur pertinence. J’étais censé travailler ainsi pendant deux mois au terme desquels, ils allaient éventuellement décider de confirmer. Mais seulement, au bout de la quatrième semaine, ils ont décidé de diffuser mes papiers» narre Ahmad Makaila.

Entre 1999 et2002, il collabore avec RFI et continue son ascension au sein de l’ONRTV. En2002, il est confirmé présentateur du journal télévisé. En 2003, il reçoit un autre appel du destin. Il est nommé conseiller en communication à la présidence de la République. Pendant deux ans, il va mettre ses compétences au service du président Idriss Déby Itno. Ce qui l’amène à suspendre sa collaboration avec RFI. De cette expérience au cœur du pouvoir, il ne souhaite pas en parler pour le moment. Tenu qu’il est par le devoir de réserve. Mais, c’est avec beaucoup d’émotion qu’il se permet d’évoquer son tout premier dossier à la présidence. «Le président était très remonté parce qu’un groupe rebelle avait tenu un congrès en Libye. Il m’a fait appeler et, après une demi-heure d’audience, il m’adonné des instructions pour rédiger un discours qu’il devait prononcer lors du tout dernier sommet de l’OUA. Je n’avais jamais rédigé de discours mais je l’ai fait. C’est dommage qu’il n’ait pas prononcé ce discours car, finalement, il a été décidé que les chefs d’Etat discourent sur les thèmes précis. Mais, j’en garde un souvenir mémorable» s’en souvient-il. En 2004, il part de la présidence de la République. Mais pour lui, rien ne sera plus comme avant. Il va être régulièrement appelé à des responsabilités: Coordonnateur du projet d’appui au renforcement des capacités entre 2005 et2009, directeur de l’Agence tchadienne de presse en 2010, puis directeur général adjoint de l’ONRTV depuis 2011. Un riche parcours qui n’a pas grisé le journaliste. Lui qui n’a nullement l’intention de s’embarrasser d’un poste politique. «Je reste viscéralement journaliste» insiste Makaila dont une partie de l’enfance a été bercée par la radio.

 

 
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L’auteur et journaliste

Le profil d’un éditorialiste «cinq étoiles»
Né le 14 octobre 1971 à Bol dans la région du lac Tchad, Ahmad Makaila a été fasciné par la «magie de la radio» dès son adolescence. Alors qu’il se trouve encore dans l’arrière pays, le jeune Makaila écoute déjà RFI. «C’était la seule radio qu’on captait. C’était en ondes courtes» se rappelle-t-il. C’est cette jeunesse bercée par la radio qui le fait avouer aujourd’hui: «j’ai un faible pour la radio». «On était très attaché par cette magie de la radio» ajoute-t-il. Pourtant, quand en 1998, à la fin de ses études de journalisme à Niamey, il choisit de se spécialiser en télévision. «Je savais que les journalistes de la télévision sont basés à N’djamena et, je ne voulais surtout pas qu’on m’affecte dans l’arrière-pays comme certains journalistes de la radio. D’ailleurs, comme j’avais un peu la tête d’un rebelle, je ne le voulais vraiment pas. On m’aurait facilement confondu» se justifie le journaliste. Un choix qui ne l’éloigne pourtant pas de la radio puisque RFI – la radio de sa jeunesse –lui permettra de vivre cette passion. Rédacteur en chef de première classe, 7ème échelon (son grade dans la fonction publique), Ahmad Makaila est l’un des rares journalistes des médias publics à aborder ses sujets avec une impressionnante liberté de ton. [i «Au départ, je n’avais pas vraiment cette liberté de ton. Je le dois surtout à RFI. On ne peut pas fréquenter le diable sans garder les séquelles» philosophe-t-il. Il regrette d’ailleurs l’autocensure que s’imposent certains de ses collègues.

«Après la conférence nationale souveraine de 1993, les médias d’Etat sont devenus des médias publics. Aujourd’hui, dans nos rédactions, il y a une certaine liberté. Seulement, il y a une autocensure parce que les gens sont plus préoccupés par leur carrière» analyse-t-il. Avant d’ajouter: «le grand mérite pour un journaliste, ce n’est pas le poste qu’il occupe. C’est de voir les gens le féliciter quand il fait un bon papier». Un constat froid qui ne lui fera pas que des amis dans la profession. Mais cela, il ne s’en préoccupe pas. Ce père de deux enfants reste convaincu que tout journaliste méritant, finit toujours par se faire une place au soleil.

Par Mohamadou Houmfa/La voix.

 

 

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