Depuis qu’il a multiplié les attaques contre le pouvoir de Joseph Kabila, parlant de situation inacceptable au niveau des droits en RDC, François Hollande a reçu le soutien de nombreux dirigeants africains. Il en a aussi braqué certains qui se sentent directement visés, notamment le Burkinabè Blaise Compaoré et le Tchadien Idriss Déby.Le 8 octobre, un rendez-vous est calé à l’Elysée avec Idriss Déby. Dans sa logique de faire respecter les droits de l’homme sur le continent africain, le président français demande un geste de Ndjamena dans le sensible dossier d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. La France veut que la justice tchadienne et le comité de suivi mis en place se mettent au travail pour que l’enquête sur cet opposant politique disparu début 2008 ne soit pas définitivement enterrée.

Réaction d’Idriss Déby : le silence. Un silence qui semble agacer Hollande puisqu’il choisit d’annuler au dernier moment le rendez-vous. Officiellement son agenda est trop chargé. Déby se braque à son tour, décide, sans l’annoncer officiellement, de boycotter le sommet de la Francophonie, puis d’enfoncer le clou en organisant une courte escale à Kinshasa, mardi 16 octobre, alors qu’il quitte l’Afrique du Sud pour rentrer au pays. Evénement rarissime, Joseph Kabila se déplace à l’aéroport pour ce tête-à-tête qui ne passera sûrement pas inaperçu à Paris.

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Après Blaise Compaoré qui a déclaré, dimanche 14 octobre, que « ce qui manque à la France, c’est de connaître les réalités africaines et de les prendre en compte », François Hollande, « même s’il veut tout dire partout », ne peut néanmoins pas se passer de deux présidents impliqués à haut niveau dans la résolution de la crise malienne.
 

 
Derrière les sourires, une rencontre tendue entre François Hollande et Joseph Kabila 


Le 14e Sommet de la Francophonie s’est ouvert à la mi-journée, samedi 13 octobre 2012 à Kinshasa. La réunion revêt une connotation politique, quelques mois après la réélection contestée de Joseph Kabila en RDC, le pays hôte. François Hollande a été reçu par son homologue et s’est fait l’avocat des droits de l’homme et de la démocratie. Une posture réitérée à la tribune en séance plénière.

La rencontre entre François Hollande et Joseph Kabila fut courte : 35 minutes au total. Joseph Kabila a attendu son hôte sur le perron du palais de la Nation. « Bienvenue à Kinshasa », a dit le président congolais. « Merci de m’accueillir », a répondu le président Hollande. La poignée de main fut brève, furtive. Service minimum.

Huis-clos

Dans les longs couloirs menant au salon présidentiel, le président français a ensuite ostensiblement affiché un visage fermé. Il souhaitait rester sur sa ligne de conduite : « Je dis ce que j’ai à dire en toute franchise. Je le dis en face et à qui de droit ».

On ne connaît pas la teneur exacte de leur échange bilatéral en matière de droits de l’homme et de démocratie en RDC. Selon l’Agence France-Presse citant l’entourage du chef de l’Etat, M. Hollande aurait insisté pour que le procès des assassins du journaliste et militant des droits de l’homme congolais Floribert Chebeya se tienne et que ses agresseurs soient condamnés.

« La France porte des valeurs, des principes, a insisté M. Hollande. Et partout où elle a à s’exprimer, elle les rappelle. S’il y a eu des progrès, encore trop timides, ces derniers jours, il y a un processus ». Les « signaux positifs » pointés par François Hollande : la réforme attendue de la Commission électorale (Céni), et la création d’une Commission des droits de l’homme.

Mais le dirigeant français a aussi évoqué la situation qui prévaut au Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, comme il l’a expliqué à la fin de cet entretien à huis-clos.    

François Hollande

Président de la République française

Je suis conscient qu’il y a une agression qui, aujourd’hui, frappe la RDC, et qui ne peut pas être acceptée par la communauté internationale. […] Je voulais m’entretenir avec le président Kabila de la meilleure manière pour pouvoir protéger les populations qui sont aujourd’hui victimes de ce qu’il se passe au Kivu 

Le président Kabila n’a rien dit à l’issue de la rencontre, se contentant de raccompagner son hôte à sa voiture. François Hollande avait rendez-vous avec des ONG des droits de l’homme. Il s’est ensuite exprimé à la tribune du Sommet de la Francophonie. Là encore, il a insisté sur son thème du jour : la démocratie et les droits de l’homme.

Elargir la mission de l’ONU

Mais il s’est aussi prononcé pour un élargissement du mandat de la mission de l’ONU si nécessaire en RDC. Et s’est arrêté sur la situation au Mali, dont le nord du territoire est contrôlé depuis six mois par des groupes islamistes.      

François Hollande

Président de la République française

Sommes-nous là pour faire des analyses, pour essayer de comprendre, ou pour prendre nos responsabilités ? Comment accepter ces mausolées profanés, ces mains coupées, ces femmes violées ? Comment tolérer que des enfants puissent être enrôlés de force par des milices ? Que des terroristes viennent dans cette région, pour ensuite semer la terreur ailleurs ? Les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre, nous sommes aujourd’hui obligés d’agir

Le président de la République française devait rencontrer, en fin d’après-midi, la figure principale de l’opposition à Joseph Kabila en République démocratique du Congo, à savoir Etienne Tchisékédi. 

EN SÉANCE PLÉNIÈRE, DE PETITS SIGNES QUI NE TROMPENT PAS


Quelques fois, certains gestes sont beaucoup plus parlants que des paroles. Dans les sommets francophones, quand un orateur a terminé son discours et retourne à sa place, la coutume veut que ses voisins l’applaudissent. C’est le « salut ». Mais ce vendredi, quand Joseph Kabila, premier orateur de la cérémonie d’ouverture, est redescendu de son pupitre et a regagné sa place près de François Hollande, celui-ci ne l’a pas applaudi, ne lui a pas serré la main et est resté le regard plongé dans ses notes.

Puis, quand le president français est monté à son tour au pupitre, il a commencé son discours en saluant Abdou Diouf, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), mais sans prononcer une seule fois le nom de Joseph Kabila. C’est dire l’état d’esprit du président français ici à Kinshasa : il n’a pas ménagé son homologue congolais, et aurait pu en conséquence mécontenter une salle toute acquise à Joseph Kabila.

Mais non ! François Hollande a été ovationné, notamment au moment d’évoquer la guerre au Kivu, dans l’Est, lorsqu’il a prononcé cette phrase : « Je veux réaffirmer que les frontières du Congo sont intangibles et doivent être respectées ». A ce moment d’ailleurs, la chef de la délégation rwandaise, la ministre Louise Mushikiwabo, n’a pas bronché.

Autre orateur qui n’a pas ménagé le président congolais : le Premier ministre canadien, Stéphane Harper. « Je ne peux passer sous silence les violations des droits de l’homme dans le monde francophone, a-t-il dit. Le ministre canadien de la Francophonie s’est rendu à Kinshasa pour parler de ces problèmes ». Aucune réaction à ce moment-là de la part de Joseph Kabila dont le visage est resté de marbre. En revanche, à la fin de ce discours, François Hollande a applaudi l’orateur canadien.

  

RFI (Radio France Internationale)

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