Communiqué – Paris, le 16 décembre 2020 : Plus de quinze mois après la disparition forcée du journaliste Samuel Wazizi, les autorités camerounaises continuent à senfermer dans le silence sur les circonstances de sa détention et de sa mort, rendue publique début juin 2020. Selon la Commission nationale des droits de lhomme et des libertés (CNDHL), le chef de lEtat, Paul Biya, aurait reçu les résultats de lenquête menée par la sécurité militaire. LACAT-France et Reporters sans frontières (RSF) exhortent la présidence de la République du Cameroun à rendre public le rapport denquête et ses conclusions.

Samuel Wazizi, accusé dêtre un « terroriste » par les autorités du Cameroun, a disparu depuis 7 août 2019, date à laquelle il a été transféré dun commissariat de police de Buea à une installation militaire située dans la même ville.

Le journaliste de Chillen Music Television (CMTV) avait été arrêté par la police à Buea, le 2 août 2019. Il avait alors confié à son avocat, la toute dernière personne de son entourage à lavoir vu vivant, que son arrestation était liée à des propos critiques quil avait tenus à lencontre des autorités quant à la gestion de la crise anglophone.

Il aura fallu attendre dix mois pour que les autorités camerounaises, suite à des révélations dans la presse nationale, concèdent que le journaliste est mort.

Le 5 juin 2020, le colonel Serge Cyrille Atonfack, porte-parole du ministère de la Défense, déclarait que Samuel Wazizi, « actif au sein dun groupe séparatiste », était décédé dune infection généralisée le 17 août 2019 à lhôpital militaire de Yaoundé. « Il na subi aucun acte de torture ou sévices corporels » affirmait-il, ajoutant que la famille avait été prévenue.

Pendant dix mois, les autorités camerounaises ont dissimulé sa mort et refusé de fournir la moindre information sur son sort à sa famille, ses avocats et aux ONG qui les avaient interpellées. La justice camerounaise elle-même semblait tout ignorer du sort réservé au journaliste alors que les avocats de Samuel Wazizi et de sa famille multipliaient les recours pour tenter en vain davoir de ses nouvelles.

Selon Reporters sans frontières (RSF), qui a pu consulter des photos du journaliste prises à Yaoundé le 13 août 2019, jour de son arrivée dans la capitale camerounaise après son transfert depuis Buea, Samuel Wazizi présentait de nombreuses blessures sur différentes parties du corps.

« Un journaliste en parfait état de santé qui meurt subitement pendant sa détention alors quil présente plusieurs blessures caractéristiques dactes de torture, une famille qui na jamais été informée contrairement à ce quont affirmé les autorités, une justice qui continuait à recevoir les recours des avocats dun journaliste déjà mort depuis des mois, une reconnaissance extrêmement tardive et sous la contrainte du décès par les autorités, un corps qui na jamais été restitué à la famille Les zones dombres restent très nombreuses et les autorités camerounaises toujours aussi silencieuses ». déplore Arnaud Froger responsable du bureau Afrique de RSF. « Labsence dexplications crédibles nous avait déjà conduits, en août, à saisir trois rapporteurs spéciaux des Nations unies pour leur demander dagir auprès des autorités camerounaises afin quune enquête soit conduite sur les circonstances exactes ayant conduit à la mort de ce journaliste ».

« La Commission nationale des droits de lhomme et des libertés (CNDHL) a indiqué le 9 octobre 2020 à lACAT-France quune enquête avait été menée par la sécurité militaire et les résultats transmis au chef de lEtat, Paul Biya » affirme Clément Boursin, Responsable Afrique à lACAT-France. « Mais, alors que la CNDHL, normalement indépendante et impartiale, devrait peser de tout son poids pour que la lumière soit faite sur la mort dun journaliste, elle a indiqué à lACAT-France qu« au regard des activités terroristes de Samuel Wazizi au moment de son arrestation, il ne nous semble pas indispensable que le président de la République rende publiquement compte des détails relatifs à cette affaire«  ».

Lenquête a-t-elle été indépendante et impartiale ? A-t-elle été menée par des services qui ne sont pas impliqués dans larrestation et la détention du journaliste ? Quelle a été sa méthodologie de travail ? Y a-t-il eu une autopsie du corps ? Aujourdhui, faute de communication des résultats denquêtede nombreuses questions restent en suspens concernant les circonstances ayant entraîné la mort en détention de Samuel Wazizi.

Les autorités camerounaises étaient responsables de sa sécurité pendant sa détention. Elles doivent fournir à la famille de Samuel Wazizi et ses avocats un compte-rendu complet des circonstances de sa détention et de sa mortrappellent lACAT-France et RSF.

Jusquà ce jour, le corps de Samuel Wazizi n’a pas été rendu à sa famille.

La transparence et létablissement des responsabilités sont indispensables pour faire la lumière sur le décès de Samuel Wazizi.

Le Cameroun figure à la 134e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.

Contacts :

  • Christina Lionnet, Directrice communication, ACAT, christina.lionnet@acatfrance.fr, + 33 6 27 76 83 27

  • Arnaud Froger, Responsable du bureau Afrique, RSF,

afrique@rsf.org+33 1 44 83 84 76

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