Dans la nuit du 21 au 22 octobre, les djihadistes ont momentanément pris le contrôle d’un poste avancé de l’armée camerounaise à Djibrilli, à la frontière avec le Nigeria. L’attaque relance le débat sur la réduction des moyens militaires réservés à la lutte contre Boko Haram.

L’attaque de Djibrilli est source de grande inquiétude dans les rangs de l’armée camerounaise. Dans la nuit du 21 et 22 octobre, des djihadistes de Boko Haram ont pris pendant plusieurs heures le contrôle du poste de commandement du détachement de la 42e Brigade d’infanterie motorisée (BIM) situé dans cette localité proche d’Ashigashia, dans l’arrondissement du Mayo-Moskota, dans les monts Mandara. Les groupes qui agissent dans cette zone appartiennent au canal historique de Boko Haram, en proie actuellement à une guerre intestine sanglante avec leurs rivaux de l’Etat islamique (AI du 19/10/22). Ils sont retranchés dans les sommets du mont Tagoshe et utilisent les villages Marawa, Hyawa et Degbawa, ainsi que les pénétrantes environnantes pour entrer au Cameroun.

Avant leur retrait, les djihadistes ont mis le feu aux véhicules du poste, qui ne démarraient pas. Scénario redouté par l’état-major camerounais, le commando de Boko Haram a emporté plusieurs armes lourdes et de longue portée, à l’instar des quadritubes de 14,5 mm et des canons de 20 mm. Cet armement leur permettrait, s’ils parvenaient à le maîtriser, de se tenir à plusieurs kilomètres de distances des dispositifs de défense camerounais avant de les attaquer.

Pour le moment, l’armée camerounaise s’est gardée de publier un communiqué concernant cette attaque. Surtout, les militaires camerounais ont la plus grande peine à mener des opérations transfrontalières pour récupérer l’armement dérobé à cause de la saison des pluies qui rend les sols impraticables.

Une armée retranchée

L’attaque de Djibrilli illustre le débat sur les effets du déclassement de la guerre contre Boko Haram au profit du conflit dans les zones anglophones du pays. Au sein des troupes camerounaises, la décision de maintenir une telle quantité d’armement au sein d’un poste dont les effectifs ont été graduellement dégarnis depuis 2019, près d’espaces inoccupés par l’armée nigériane qui n’est présente que dans les grandes villes, suscite d’importantes crispations.

Les différentes unités sur le terrain manquent par ailleurs de moyens de locomotion. Cette situation force l’armée camerounaise à rester retranchée dans ses bases, au lieu de rayonner et de contrôler l’espace, favorisant l’infiltration des djihadistes. Autre terreau fertile à l’activisme accru de Boko Haram : plusieurs civils se plaignent d’être victimes de « racket » de la part de militaires présents dans la zone.

Les attaques contre le poste de l’armée camerounaise à Djibrilli sont d’ailleurs récurrentes. Le 14 novembre 2019, déjà, les djihadistes avaient emporté des obus de 81 et 120 mm, dont les composantes sont utilisées dans la fabrication d’engins explosifs improvisés.

Africa intelligence

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