L’histoire bégaie en Centrafrique. Installé au pouvoir par un putsch en 2003, François Bozizé n’a jamais été aussi près d’être à son tour défait par une rébellion armée. Ce contexte a le mérite de rebooster l’opposition dite "démocratique", déjà gagnée par les grandes manœuvres. Mais les leaders militaires du Séléka ("alliance" en sango), eux-mêmes divisés, entendent capitaliser leurs actions sur le terrain pour préparer l’après-Bozizé. Querelles de chefs à l’horizon. 


L’opposition dans les starting-blocks –
 La fulgurance de l’offensive du 10 décembre et le manque de crédibilité politique de la rébellion ont bouleversé l’agenda politique centrafricain. De petites combinaisons en stratégies mûries, les opposants se positionnent dans la perspective d’une transition. Même si des personnalités comme Jean-Jacques Demafouth et Gaston Mandata Nguérékata n’expriment pas officiellement leur soutien au Séléka, leur intention est bien de s’en approcher pour mieux servir leurs ambitions. D’autant que depuis la dissolution de ses deux mouvements – la NAP et l’APRD -, Demafouth, ministre sous Ange Félix Patassé, ne dispose plus de structure pouvant porter sa parole. Idem pour Gaston Mandata Nguérékata, mathématicien enseignant aux Etats-Unis. Ce dernier, faute d’avoir pu s’emparer du RDC de l’ex-président André Kolingba, s’est résigné à créer le CNRC autour de cadres de son ethniebanda. Face à eux, Crépin Mboli-Goumba de PatrieJoseph Bendounga de MDREC ou encore Henri Pouzère de Sauvons la Centrafrique jouent des coudes. L’ex-premier ministre Martin Ziguélé (MLPC), qui a fait le pied de grue au PS français ces derniers mois, compte également peser. 


Le club des militaires ambitieux –
 Mais ces acteurs politiques pourraient être freinés par les militaires œuvrant au renversement de François Bozizé. Sur le terrain, la suprématie de Michel Am-Nondokro Djotodia, 63 ans, Goula originaire de la Vakaga (nord), se confirme. Il chapeaute d’ailleurs la délégation du Séléka arrivée à Libreville le 7 janvier pour les pourparlers de paix. Cet ancien haut fonctionnaire réfugié à Cotonou depuis 2006, après avoir été accusé de participer à de précédentes rébellions dans son pays, n’a quitté le Bénin qu’en août pour regagner sa province natale via le Soudan, et reprendre en main l’UFDR. En 2007, ce mouvement avait déjà inquiété le pouvoir de Bangui, avant d’être stoppé par les Mirage français. La rébellion doit également composer avec Christophe Gazam Betty, ex-ambassadeur en Chine rallié au CPJP, le général autoproclamé du CPSKMohamed-Moussa Dhaffane ou encore le généralAbdoulaye Miskine, patron historique du FDPC, premier mouvement à avoir pris les armes contre François Bozizé. D’autres militaires comme Armel Sayo font office de trouble-fête en revendiquant ouvertement le commandement du Séléka. 


Les relais à Paris –
 Même si la France s’ingénie à rester en dehors de cette crise, Paris sert d’arrière-cour aux stratèges politiques centrafricains. Logé un temps auLutetia puis dans un appartement parisien, le porte-parole du Séléka, Eric Neris-Massi, beau-fils de Charles Massi, l’ancien ministre de Bozizé assassiné en 2010, y étoffe ses réseaux jusqu’ici plutôt ténus. Parmi ses contacts figurent les avocats Jean-Paul Benoît, défenseur d’Alassane Ouattara, ainsi que Jean-Charles Tchikaya et François Gibault.

Pour transmettre ses messages au médiateur Denis Sassou Nguesso, Massi passe par Martin Yando Grelombe. Ce dernier, ami du couple présidentiel congolais, est le fils de Christophe Grelombe, ex-ministre de Kolingba. Toujours à Paris, Sayo, qui s’oppose au leadership de Michel Djotodia, a désigné comme conseiller spécial le Français Roger Sebbag, administrateur général des services d’Etat au sein du Service de coopération internationale (SCI). Sa mission vise à ripoliner l’image de son "poulain" en le présentant comme le vrai défenseur des intérêts hexagonaux dans le pays. Reste à savoir si les jours de François Bozizé, qui a envoyé une partie de sa famille à Brazzaville, sont réellement comptés…

 


La Lettre du Continent.

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