Les autorités françaises ont beau prétendre qu’elles s’interdisent de jouer au gendarme de l’Afrique, l’urgence de la situation en Centrafrique les forces à endosser ce costume pour voler au secours de ce pays en lambeaux. Happé par une nouvelle crise dans sa zone d’influence, Paris veut toutefois éviter les chausse-trappes en tentant de mobiliser la communauté internationale et en obligeant le président Michel Djotodia  à nettoyer les écuries d’Augias. Une vraie gageure.

 
Pressions – Attendu comme le messie à Bangui, Laurent Fabius a affiché sa fermeté lors du tête-à-tête crispé de dix minutes qu’il a eu avec le chef de l’Etat par intérim le 13 octobre, dans son bureau du palais de la Renaissance. A l’heure où l’anarchie, doublée d’un conflit confessionnel, menace le pays, l’ex-chef rebelle a été pressé de respecter le calendrier issu des accords de Libreville. Selon nos sources, le chef de la diplomatie française s’est ainsi fait de nouveau confirmer par le tombeur de François Bozizé qu’aucun des acteurs de la transition – y compris lui-même – ne briguera la prochaine élection présidentielle. Outre cette question, le patron du Quai d’Orsay a suspendu toute aide à une stabilisation urgente du pays. Une ligne partagée par les Nations Unies, notamment par le patron du Binuca, le général Babakar Gaye et Idriss Deby Itno.


Difficile pacification – Sur le terrain, les autorités peinent à reprendre l’initiative. Si une fragile accalmie prévaut à Bangui, le reste du territoire est mis en coupe réglée par les éléments de la Séléka pourtant officiellement dissoute. Fébrile et menacé par un contexte insurrectionnel, Michel Djotodia a récemment limogé le chef d’état-major des armées, Jean Pierre Dollé Waya, nommé en avril. Il a été remplacé par le général d’aviation Ferdinand Bombayaké ex-patron de la garde rapprochée d’ Ange Félix Patassé. Privées d’armes depuis la chute de Bozizé, les forces de l’ordre (police et gendarmerie) ont depuis pu récupérer leurs équipements, tandis que 400 soldats tchadiens viennent d’arriver en renfort pour des opérations de désarmement. Par ailleurs, quelque 1 200 jeunes venus spontanément se faire enrôler suivent une formation militaire depuis trois mois dans l’ancienne cour impériale de Jean Bedel Bokassa à Bérengo, à 80 km de Bangui. Paris devrait accompagner le mouvement en renforçant l’actuelle Misca en hommes et en logistique. Une participation active à une future force onusienne de paix est également inscrite à son agenda. Mais les autorités centrafricaines devront préalablement se débarrasser des quatorze "généraux" de la rébellion, en particulier des étrangers dont le Soudanais Moussa Assimeh. Ce dernier devrait rejoindre son pays natal après avoir été décoré (et cadeauté) par Djotodia.

 
Economie exsangue – Outre les aspects sécuritaires, ces pressions visent en filigrane à éviter à la Centrafrique de se déclarer en faillite. Cette menace est imminente. En juin, Bangui a bénéficié d’une enveloppe de 25 milliards F CFA du Congo-B, médiateur dans la crise. La seconde tranche de ce prêt logé à la BEAC, soit 12,5 milliards, a été décaissée le 14 octobre. Juste de quoi soulager les fonctionnaires qui n’étaient pas payés depuis plus de trois mois. Reste que ces graves tensions de trésorerie devraient ressurgir dès novembre. Saignée par les pillages et les violences, l’économie nationale est en ruine. Evaluée pour l’instant à -14,5%, la croissance négative devrait, en réalité, se situer à 20% en 2013. Les rentrées fiscales ont chuté de moitié par rapport à 2012, tandis que le secteur productif est à l’arrêt. Après avoir épuisé toutes les facilités de caisse mises à sa disposition, le "ventre mou" de l’Afrique centrale ne peut davantage se tourner vers la CEMAC. La France pourrait prendre à sa charge une partie de l’aide budgétaire que l’Union européenne (UE) devrait prochainement débloquer pour assurer les fins de mois de l’Etat durant la transition. Cette question a fait l’objet de pourparlers entre Fabius et le premier ministre Nicolas Tiangaye à New York, lors de la dernière assemblée générale des Nations unies. Paris conditionne toutefois cet appui au paiement des seuls agents du secteur public, ce qui exclut les militaires. 

La lettre du Continent.

 

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