Affaire Zène Bada : Une exigence de santé au nom de la primauté de la vérité et de la justice.
Mahamat Zène Bada, ancien Directeur Général des grands travaux et projets présidentiels, arrêté fin janvier 2012, inculpé et mis aux arrêts à Moussoro pour détournement de deniers publics, est transféré à N’djamena à la maison d’arrêt de Amsinéné début mars. Cette dernière mesure fait suite aux termes d’un certificat médical signé du Médecin Chef de District de Moussoro, et qui a établi que le détenu, ayant des antécédents de diabète et de traumatisme cervical, "souffre d’un syndrome neurologique et doit bénéficier d’un suivi médical et biologique dans une grande formation sanitaire pour des soins appropriés". A ce stade des faits, la LTDH se félicite que les autorités politiques et judiciaires aient suivi les recommandations de l’expert de Moussoro, en faisant transférer le détenu à Ndjamena.
A Ndjamena, une expertise médicale d’un neurologue en service à l’Hôpital Général de Référence Nationale (HGRN), puis une contre-expertise de l’Hôpital Militaire d’Instruction (HMI) commise sur ordonnance des référés du Tribunal de 1ère Instance de Ndjaména afin de faire un bilan de santé du détenu, aboutissent à la même conclusion: Zène Bada souffre d’une "paraplégie flascospatique post traumatique sur fracture du fémur droit avec un enclouage et deux visses au poignet droit, une lombasciatique droit hyperalgique avec une lasèque <45° et un périmètre de marche de <200m", et "développe une polyneuropathie diabétique". La double expertise poursuit: "Par manque de moyens d’exploration (EMG; IRM, Angiographie et autres), il est nécessaire qu’il soit évacué hors du pays dans un service spécialisé de traumatologie et de neurologie en Tunisie à la clinique de l’Espoir là où le plateau est suffisant pour une meilleure prise en charge thérapeutique".
Un tout récent rapport médical du Neurologue de l’HGRN, en date du 12 mai 2012, établit que le patient Zène Bada développe "une complication neurologique à type de crise d’épilepsie" et que vu sa paraplégie avec un périmètre de MARCHE <10m, "Son état de santé est en train de se dégrader et nécessite une évacuation sanitaire d’urgence hors du pays (…)
Des démarches ont été entreprises auprès des dirigeants politiques et judiciaires par la LTDH, ainsi que par des Organisations de la Société Civile, sans compter celles émanant d’autres forces politiques, diplomatiques: à ce jour, aucun geste des autorités, allant dans le sens des suites à donner aux rapports d’expertises qui laissent transparaitre une issue fatale pour le malade si rien n’est fait.
Le raidissement des dirigeants tchadiens face à l’exigence humanitaire dans le cas du détenu Zène Bada laisse apparaitre le peu de respect des principes élémentaires universels, notamment le droit la vie et du droit à l’accès à tous aux soins de santé auxquels le Tchad a souscrit, et engagement qu’ils n’ont pas manqué de réitérer lors de la toute récente visite au Tchad de Mme la Vice Présidente du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme.
Cette opposition à l’évacuation sanitaire du détenu Zène Bada étonne à plus d’un titre. En effet, en ne donnant pas suite aux recommandations des expertises médicales, les autorités tchadiennes donnent à penser à cette opinion largement partagée selon laquelle:
1. Zène Bada malade, paralysé, couché, n’étant pas en pleine possession de ses facultés mentale, la poursuite judiciaire engagée contre lui ne peut prospérer, et donc,
2. Se dresser contre ses soins de santé traduit sans conteste la thèse selon laquelle les autorités tchadiennes ne sont pas véritablement favorables à la manifestation de la vérité, de la justice,
3. En clair, l’arrestation et la détention de Zène Bade, qui ne laisse entrevoir aucun dénouement judiciaire au regard de son état de santé, ainsi que celle des autres personnalités politiques, nous ramène aux nombreuses arrestations antérieurs pour faits de détournements de deniers publics, entourées de fortes manoeuvres folkloriques et hyper médiatisées, dont on sait que celles-là servirent tout simplement à distraire les tchadiens, et qu’il n y aurait rien à attendre de ces arrestations, destinés comme on le proclame à conjurer ka corruption économique et la mauvaise gouvernance,
4. Enfin, quoi de plus évident que l’obstruction volontaire et injustifiée, faite à l’évacuation sanitaire prescrite est une preuve supplémentaire, s’il en est besoin, des violations graves et renouvelées des droits humains en général, de la présomption d’innocence et au procès équitable.
5. En définitive, le refus de se plier à l’exigence humanitaire participe tout simplement de l’obstruction à la manifestation de la vérité, de la justice, et donc de la pérennisation de l’empire de l’impunité.
En conséquence, la LTDH en appelle à l’évacuation sanitaire de Zène Bada, aux fins que guéri, il réponde des actes qui lui sont reprochés.
Fait à N’djamena, le 22 Mai 2012
Le Président

Massalbaye Tenebaye 

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