Enseignant-chercheur à l’Université de N’Djaména et président du conseil de pilotage de HEC-Tchad, il explique les problèmes qui minent le système éducatif tchadien, suggèrent des solutions pour une éducation respectant les normes et appellent les politiques à plus de responsabilité.
 

Quelle analyse faites-vous du système éducatif tchadien? Un système en pleine mutation depuis quelques années.

La première chose qui saute aux yeux est que le système éducatif tchadien se porte très mal. La preuve est qu’il y a un forum qui vient de s’ouvrir pour diagnostiquer le système éducatif en général. La crise du système éducatif tchadien peut s’analyser à travers plusieurs indicateurs. L’indicateur le plus visible est celui de la baisse de niveau. Lorsqu’on essaye de faire une petite projection sur la base de cette baisse de niveau, d’ici une dizaine d’année, le pays risque de consacrer d’énormes ressources, non pas pour importer des machines mais pour importer des hommes pour travailler à la place des Tchadiens. Et ce serait le plus grand dommage qu’on ferait à l’économie nationale.

Aujourd’hui, lorsque vous observez attentivement l’école primaire, secondaire ou supérieure, vous avez une idée exacte de ce que sera le pays demain. La mort de l’administration dont on se plaint aujourd’hui, la crise de l’autorité qui est une réalité, les difficultés de fonctionnement au niveau des institutions, tel que le ministère des Finances et du Budget, de la Fonction publique, de l’armée nationale, etc. sont en fait le reflet de la crise du système éducatif tchadien. Je ne parle pas du comportement des gens, de l’attitude civique de certains responsables…

 
Le système éducatif tchadien, en toute sincérité, je ne vois pas la peine de faire semblant pour mélanger le chou et la chèvre et dire qu’il va plus ou moins bien. Il est tout simplement en crise. Je le dis, parce que d’autant plus, je suis un enseignant, je n’ai pas besoin d’utiliser une langue de bois pour caractériser une réalité qui mérite qu’on la décrive telle qu’elle se présente à nos yeux. Ceci étant dit, une crise est une chose mais toutes les crises du monde ont eu des solutions. Donc il est temps qu’on mette en place un système de contre-crise pour régler définitivement cette histoire. Un système de contre-crise construit sur la prise en compte du problème et la proposition des solutions idoines à ces problèmes. A commencer par la réflexion, les moyens à mettre en place pour la réflexion, les politique pour la mise en place de cette réflexion, les moyens pour la mise en œuvre de la politique au service de l’administration. C’est tout un processus et Dieu merci, il y a encore des compétences au Tchad pour faire ce travail là! D’ailleurs je salue l’organisation de ce forum présidé par un personnage emblématique de l’éducation nationale (Ndlr, Abderamane Koko).

Il ne suffit pas seulement faire de présider le forum par des personnes très compétentes, mais encore, il faudrait que les autorités politiques acceptent d’appliquer les résolutions du forum. Que cela ne soit pas comme les états généraux de l’enseignement dont les résolutions n’ont malheureusement pas été prises en compte. Je dis que du point de vue infrastructure, notre pays est l’un des pays où il y a de plus d’école et autres infrastructures scolaires. Mais cela n’est que le contenant. Maintenant, il faut le contenu dans le contenant. Ce contenu ce sont les élèves, les enseignants, les maîtres communautaires, des maîtres certifiés, etc. Le problème se pose sur cet aspect jusqu’à aujourd’hui. Ce qui fait qu’un élève bachelier avec son baccalauréat aujourd’hui a à peine le niveau d’un élève de 4ème des années 70. Par exemple, si quelqu’un dit qu’il a un Brevet d’étude du premier cycle (Bepc) aujourd’hui, du point de vue de la structuration logique de sa pensée, de son comportement, de son écriture, de sa réflexion et de son analyse, franchement ce diplôme équivaut à peine le niveau du Cours élémentaire deuxième année (CE2) des années 70 et 80. C’est la réalité. On peut déjà dire d’avance qu’il y aura importation des cadres étrangers Camerounais, Ghanéens, Togolais, chinois, etc. dans endroits faisant partie de la souveraineté d’un Etat comme les ministères de l’Intérieur, des Finances, etc.

J’ai tendance à dire qu’il faut recommencer au niveau Cours primaire première année (CP1). Nous aurons une bonne quinzaine d’année à dépenser mais que nous allons économiser pour les générations futures. Et que cela commence à partir de 2013. Il faut une génération construite sur la base d’échec du constat d’aujourd’hui. Sinon nous allons faire ce que la Banque mondiale a inventé et appelle le renforcement des capacités.


Vous avez donnez là quelques solutions de la sortie de crise. Mais quelles sont les causes de la baisse de niveau?

Les vraies causes sont d’abord la mauvaise politique de l’éducation nationale. L’invention des choses comme l’éducation de base, l’alphabétisation des adultes endorment. Il y a d’autres causes comme le rapport affectif à l’éducation: la promotion de la médiocrité. Lors que les gens pensent qu’on peut être sous-préfet, gendarmes, ministres sans connaître l’école ni y aller et qu’on n’a pas fourni l’effort pour l’être, tout cela se répercute sur l’école. L’école c’est là où on apprend aux gens à travailler et à mériter la place la place qu’il doit occuper par le travail. On déstructuré l’école du point de vue, sentimentale, structurel et conjoncturel en les laissant passer aux classes supérieures et pourtant il y a grève de six mois ou de trois mois. Et lorsque l’enfant ne comprend pas pourquoi il est admis en classe supérieure, il ne comprend rien.

 
Qu’on ne donne pas l’occasion de faire le BEPC en classe de 5ème et le baccalauréat en classe de 1ère et que les parents n’intervienne t pas du tout. Bref, les parents, la Banque mondiale et les partenaires en développement du Tchad dans le domaine scolaire ont contribué en nous imposant leur point de vue en dehors de ce que nous pensons faire. En 1960, 70, les gens n’étaient pas à l’école mais ceux qui étaient, étaient capables de faire le travail confié qui leur a été confié. D’ailleurs les mêmes agences qui nous aident qui récupèrent les bons cadres laissant l’administration dans les mains des gens qui ne sont pas averti pour servir. N’ayant pas peur de le dire, certaines écoles sont dans les mains des maîtres communautaires qui sont tombés dans l’éducation faute de mieux, il faut les recycler. Ce qui n’est pas fait. Si le chef de l’Etat tien à son discours à l’ouverture du forum ce serait une bonne chose parce qu’il aura de l’incidence sur l’éducation.

Hier, on dirait que ceux qui sont formés dans les villages que ceux qui sont formés en ville. Mais aujourd’hui, je découvre que ni dans les villages, ni en ville, on a des résultats escomptés. Comment peut-on admettre que sur plus de 60 milles élèves, 10% ont obtenu le baccalauréat? Alors que la tendance dans le monde est à 90%. Le diplôme sanctionne l’effort annuel, semestriel, décennal et quinquennal mais au Tchad, on ne comprend rien dans tout cela. Nous devrons redémarrer un processus de sauvetage pour l’avenir de notre pays. Là où l’école est morte il n’existe pas la communauté nationale.


On accuse les écoles communautaires, privées, instituts de favoriser la baisse de niveau. Qu’en est-il de votre institution HEC-Tchad?

Il y a des écoles communautaires qui font bien le travail. Prenez par exemple le lycée Sacré-Cœur, lycée collège évangélique, Ibnou Sina, Hamdane. C’est parce que dans ces écoles, les gens sont bien conscients et motivés de ce qu’ils font. Les enseignants dans ces écoles sont sélectionnés sur la base de relatif au critère de la sélectivité des enseignants. Pour une école, l’indicateur de performance est le résultat à la suite d’un examen comme le baccalauréat. La preuve est là dans ces écoles pour le baccalauréat 2012. Mais des écoles publiques bien construites sont presque en dernières position. Naturellement, il y a des écoles privées qui favorisent la destruction de notre système éducatif. Le cas des écoles créées par esprit mercantiliste.

 
Tout dépend des intentions que les gens ont en créant des écoles. Il faut aussi que l’école publique soit le pionnier de l’excellence comme l’a été par dans les années passées le lycée Félix Eboué. A l’époque, les meilleurs mathématiciens sortaient du lycée de Faya, des grands juristes et grammairiens sortaient du lycée de Bongor, Adoum Dallah, Ahmet Mangué, etc. aujourd’hui, les mathématiques sont comme du chinois pour les enfants. Dans les radios publiques et privée le français est nul. Des autorités se permettent de parler n’importe comment, comment voulez que les enfants s’améliorent? D’ici 15 ans si nous ne faisons pas d’effort, les Indiens, les Chinois, les arabes apprendront français pour venir travailler pour nous. D’ailleurs ils sont nombreux déjà au Tchad. Nous sommes en train de déconstruire l’homme. Alors qu’il faut plutôt le construire. Les infrastructures, quand les hommes sont construits, ils peuvent le construire. Mais quand l’homme n’est pas construit, il a tendance à détruire.

Ce qui est du HEC-Tchad, il est resté le même qu’à sa création. Je profite de l’occasion pour jeter des fleurs au directeur de cet institut. C’est un homme très conscient. Mais n’oubliez pas que chaque année, nous recevons les produits du baccalauréat donc cela à une incidence. Nous avons un ministre passionné par son travail. L’ancien n’a pas démérité mais la politique au Tchad est ce qu’elle est. Nous nous sommes resté dans l’excellence. C’est pour dire aux Tchadiens qu’ils sont nombreux mais il y des plus excellents. C’est pourquoi nous organisons la journée de l’excellence. Je suis heureux de vous annoncé que l’Université catholique de l’Afrique centrale (UCAC) ne prend pas des gens au hasard. Mais nous avons des étudiants depuis trois ans à l’UCAC. Ils ont réussi le test. Nous avons envoyé des étudiants en Tunisie et qui sont rentrés meilleurs de l’Université. Mais sachez que l’institution privée ne peut pas faire la même chose que l’Etat. Mais nous luttons pour qu’il y ait un BTS national pour que les étudiants qui viennent d’ailleurs ne soient pas privilégiés par rapport à nos étudiants qui sont réellement plus compétent que ceux là qui rentre d’Europe, d’Amérique avec les mêmes diplômes.


Vue ces problèmes que rencontre l’éducation, pensez que nous pouvons atteindre les objectifs de développement du millénaire et de celui de l’éducation pour tous à l’horizon 2015?

2015 est déjà dans deux jours. Pour atteindre nos objectifs à nous, nous devrons redémarrer un nouveau processus à partir de 2013 pour avoir une bonne école sinon nous avons raté cela. Il faut que nous arrêtions de raconter notre vie comme quoi, tout va bien ou mieux. Il faut reconnaître que l’Etat a fait un grand effort en matière d’équipement. Mais je continue et persiste à dire, une fois que les infrastructures construites, nous devrons construire maintenant des vrais hommes. Mais là où nous avons péché est que nous avons construit des bâtiments et en train de déconstruire l’homme. Le premier acte que les politiques doivent faire avant toute chose, c’est d’arrêter de nommer des hommes sans qualifications à des postes sensibles qui risquent de donner une image négative et diplôme et de la formation. On gère une rébellion, on rentre et on est gère ce qui ont un grand mérite.

 
De ce point, il faut qu’il y ait un observatoire capable de dire aux autorités de mettre un contenu dans le contenant. Vous les presses vous devez nous accompagner dans ce travail. Imaginez 120 élèves dans une classe alors que la moyenne est de 28 dans le monde. En attendant de regler le problème de formation de nos formateurs, nous pouvons avoir recours comme dans les années 60, 70 aux cadres étrangers. Cela coûtera mais améliorera notre système. Le coefficient intellectuel on l’acquiert à l’école. Nous devrons nous consacrer à l’éducation de manière plus réfléchie.


Propos recueillis par Sabre Na-ideyam

  

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