Rien ne va plus entre Paris et N’djamena. Depuis que François Hollande a multiplié les attaques contre le pouvoir de Joseph Kabila en RDC, certains pays, comme le Tchad, se sentent directement visés.

Nicolas Sarkozy, Ali Bongo et Idriss Deby le 23 octobre 2010, AFP photo / Fabrice Coffrin
Quelle mouche a donc piqué le président Idriss Déby Itnodu Tchad? De retour d’Afrique du Sud, il s’est arrêté le 16 octobre à Kinshasa, trois jours après avoir boudé lesommet de la Francophonie dans cette même ville.
Durant ce voyage, il s’est aussi rendu en Guinée équatoriale. Cherchait-il à faire diversion, et rendre banal le bras de fer actuel entre son pouvoir et les syndicats tchadiens ou a-t-il des comptes à régler avec le nouveau pouvoir français? 
Les dirigeants de la Guinée équatoriale et de la République démocratique du Congo ont en commun le fait d’avoir été maintes fois interpellés par les défenseurs des droits humains pour manquements graves dans leur gestion du pouvoir d’Etat.
Le 8 octobre 2012, à l’Elysée, une première rencontre entre les deux hommes a dû être reportée. Le président Idriss Déby Itno aurait mal pris les exigences du chef de l’Etat français.
Celui-ci, dans sa logique de faire respecter les droits de l’Homme sur le continent africain, avait demandé un geste de N’djamena dans le sensible dossier d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. 

Mur d’hostilité
La France veut que la justice tchadienne et le comité de suivi mis en place s’activent pour que l’enquête sur cet opposant politique disparu début 2008, ne soit pas définitivement enterrée. Déby garde le silence.
Hollande agacé, annule le rendez-vous au dernier moment, prétextant que son agenda était trop chargé. Braqué à son tour, le chef de l’Etat tchadien, sans l’annoncer officiellement, boycotte le sommet de la Francophonie. Enfonçant ensuite le clou, il entreprit de faire une courte escale à Kinshasa, de retour d’Afrique du Sud.
Fait rare: Joseph Kabila se déplace à l’aéroport, pour un tête-à-tête qui n’a certainement pas échappé à Paris. Y aurait-il d’autres contentieux entre le Tchad de Déby et la France de Hollande?
On sait que le Tchad est peu motivé à s’embarquer dans l’intervention armée visant à chasser les groupes islamistes du Nord-Mali occupé.
Or, le dossier est piloté aux Nations unies par les Français. Les animosités iront-elles croissantes? Ironie du sort, c’est la France qui, à un moment donné de l’histoire, avait sauvé l’actuel homme fort de N’djamena des griffes d’opposants armés. 

Front anti-Hollande
Aujourd’hui, la soudaine réapparition publique du chef de l’Etat tchadien à l’extérieur, tend à faire croire qu’il se prépare un front anti-français ou anti-Hollande. Auquel cas, le noyau dur pourrait se constituer de pays dont les dirigeants se seraient sentis blessés dans leur orgueil, suite aux récriminations de Hollande.
Dans un tel scénario, le président Déby se projetterait-il comme le patron de la fronde? Le Tchad, la Guinée équatoriale et la RDC ont ceci de particulier que tous trois possèdent d’énormes ressources naturelles.
Malheureusement, les dirigeants de ces pays qui croient se suffire, s’illustrent toujours négativement. Or, la France connaît bien nos réalités, parfois même mieux que nos dirigeants, généralement mal entourés.
Les faiblesses des dirigeants africains sont ainsi notoirement connues de Paris. Et c’est pourquoi, avant et pendant le sommet de la Francophonie, le nouveau patron de l’Elysée ne s’est pas privé de titiller les dirigeants africains.
Aucun doute qu’il les harcèlera sans cesse, vu la cupidité et l’égoïsme qui habitent certains d’entre eux, mais aussi le contexte de privation de libertés sur ce continent.
Dans un refrain qui reviendra probablement tout au long de son mandat à Paris, Hollande se fera le devoir de condamner tous ceux dont la gestion du pouvoir d’Etat sur le continent scandalise.
Il sait que sur ce point, il pourra toujours compter sur le soutien des «sans-voix» et de leurs défenseurs. C’est pourquoi depuis son arrivée, la panique gagne les rangs de certains gouvernants africains.
Le discours tenu par Hollande est relativement nouveau, et les actes qu’il pose troublent le sommeil de dirigeants visiblement mal dans leur peau. Eux qui avaient toujours trouvé oreille, gîte et couvert à Paris, se sentent désormais esseulés et vulnérables.

Ecouter la souffrance du peuple
Sans exagération aucune, on peut dire que, par les positions de principe, le chef de l’Etat français séduit l’opinion africaine et galvanise les opposants les plus crédibles. 
Pourquoi aura-t-il fallu attendre qu’un messie —encore un autre «toubab»— nous arrive de l’Hexagone pour rappeler ces dirgeants africains à leur devoir de responsabilité?
La réalité crève l’œil depuis si longtemps: retard sur tous les plans, chômages endémiques, maladies et malnutrition, faim et soif, manque d’instruction, guerres fratricides, détournements crapuleux, assassinats politiques sur fond de querelles de chiffonniers, injustices sociales, sur un continent pourtant riche et majoritairement peuplé de femmes et de jeunes qui ne demandent qu’à s’impliquer pour juguler les fléaux.
L’opinion africaine n’en voudra pas à Hollande de servir la leçon à des dirigeants sourds aux appels de détresse de leur peuple. C’est pourquoi ses phrases qui font si mal aux dictateurs et aux usurpateurs, elle les applaudira des mains ou à défaut, des yeux, là où les libertés sont confisquées.
Plutôt que de se tromper de combat, et faire preuve de susceptibilité, Déby aurait mieux fait de répondre à son interlocuteur français.
En tout état de cause, le comportement d’Idriss Déby donne matière à pousser les Français à soutenir Sénégalais et Belges pour vite faire juger Hissène Habré, et peser d’une certaine façon, sur son devenir à lui. Des mal-aimés, il y en a sans doute plus!
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