À Paris mardi dans le cadre des Journées de l’Arbitrage La Poste, Arsène Wenger a répondu de manière argumentée aux critiques concernant son projet de Coupe du monde tous les deux ans, tout en se disant ouvert au dialogue.

« Comment réagissez-vous aux critiques qui s’abattent sur votre projet de réforme de Coupe du monde tous les deux ans, évoquée dans L’Équipe il y a un mois ?
La réforme que je propose est dans le cadre du calendrier international, fixé jusqu’en 2024. La Coupe du monde tous les deux ans est une partie de la réforme que je propose et je consulte le monde entier. Ce que je propose, c’est de réduire le nombre de matches de qualifications, de le regrouper et de faire de l’espace pour une compétition internationale à la fin de la saison. Ça permettrait de faire une vraie séparation entre le football de clubs et le football de sélections. Par exemple, nous sommes dans une trêve internationale et les Sud-Américains ne vont pas pouvoir jouer avec le PSG ce week-end. Je trouve ça illogique. Ce n’est pas tenable à la longue qu’un club ne puisse pas utiliser des joueurs qu’il paye à ce point.

Comment avez-vous procédé pour préparer cette réforme ?

J’ai consulté tout le monde et je leur ai posé deux questions : 1) Est-ce que vous voulez garder le statu quo ? 100 % de réponses négatives. 2) Est-ce que vous avez des idées pour organiser le calendrier international ? Je suis ouvert à toutes les idées. Entre 80 et 90 % des gens aiment mon idée de regrouper les qualifications, de les raccourcir, et de créer un espace pour une compétition internationale. Une Coupe du monde tous les deux ans, il y a plus de réticence parce qu’il y a une partie émotionnelle là-dedans. On a tous une routine et le cycle d’une Coupe du monde tous les quatre ans paraît naturel. Mais quand on regarde l’histoire, ce n’est pas si naturel. Je suis ouvert à toutes les suggestions, à toutes les critiques. Elles sont « welcome » pour moi. Je n’en fais pas un combat personnel. La seule chose que je demande à ceux qui critiquent le projet, c’est de m’en donner un meilleur. Mais n’essayez pas de me décrédibiliser. Je préfère qu’on critique le projet et qu’on me dise pourquoi.

« Il n’y aurait pas plus de rencontres dans l’année »

Didier Deschamps a déclaré : « Le fait de pouvoir passer à une Coupe du monde tous les deux ans, ça me donne le sentiment de la banaliser ». Qu’en pensez-vous ?
Je comprends sa réflexion et elle est humaine. C’est normal de vouloir protéger son prestige. Mais en analysant la perception du temps dans notre société moderne où tout est de plus en plus rapide, la demande d’événements de grande importance est aussi de plus en plus rapide et je veux garder dans le monde du football de la clarté et de la simplicité, que les gens comprennent quelle compétition se joue. Il faut que le football reste un sport simple à comprendre. Il ne faut pas oublier, qu’aujourd’hui, on a accès à ce qu’il se fait de mieux au monde quand on allume sa télé. Donc proposons-leur ce qu’il se fait de mieux au monde. S’il y a un lien entre le temps et le prestige de la compétition, à ce moment-là, il faut l’organiser tous les huit ans. Le prestige d’une compétition est lié à sa qualité. Si vous êtes champions pendant un an, vous ne dites pas non, même si ça ne dure qu’un an.

On pourrait donc jouer une Coupe du monde et un Euro tous les ans, en alternance ?

Bien sûr, mais en réduisant le nombre de matches. Il n’y aurait pas plus de rencontres dans l’année. La Coupe du monde, c’est sept matches si vous allez en finale. Aujourd’hui, les sélections en jouent dix de qualification. Si vous ajoutez les sept de Coupe du monde, on arrive à un total de 17 rencontres. Ce que je propose, ce sont six matches de qualifications, plus éventuellement un barrage, et sept de compétition, uniquement pour ceux qui vont jusqu’en demi-finale. Ça fait donc un total de 14. Vous n’augmentez pas le nombre de matches…

« Un joueur qui évolue en Amérique du Sud un mercredi soir, on est jeudi matin en Europe. Comment voulez-vous qu’il joue le samedi soir, dans son Championnat ? »

Cette réforme présente-t-elle d’autres avantages ?

Vous savez qu’un joueur comme Lionel Messi, évoluant en Amérique du Sud, va parcourir 330.000 kilomètres en avion rien que pour aller jouer les matches sur un cycle de quatre ans comme actuellement. Avec mon système, il en parcourra 130.000. Et des études ont démontré que ce qui fatigue les joueurs, ce sont les voyages répétés, les chocs climatiques et les différences horaires de plus de trois heures. La répétition de ces voyages, ça fait des dégâts sur les organismes des joueurs plus importants que les matches. Par exemple, un joueur qui évolue en Amérique du Sud un mercredi soir, on est jeudi matin en Europe. Comment voulez-vous qu’il joue le samedi soir, dans son Championnat, dans des conditions optimales ? C’est impossible.

On pourrait avoir une grande compétition tous les ans ?
Oui, avec un repos garanti de 25 jours derrière. Je vais vous donner un exemple intéressant, tout récent. Il y a eu l’Euro cette année. Il y a eu la Ligue des nations derrière, qui est désormais une compétition reconnue avec des matches intenses et de grande qualité. Et il y aura la Coupe du monde l’année prochaine. Personne ne s’en offusque. Les sélections qui n’ont pas été performantes à l’Euro espèrent se rattraper dès l’année prochaine à la Coupe du monde. Il y a des avantages et des inconvénients. Ce projet est sur la table et il est important d’en discuter. Si des gens ont des meilleures idées, je suis très ouvert.

Des clubs opposés au projet ont menacé de ne pas libérer les joueurs pour ces matches internationaux…
Vous savez, j’ai travaillé toute ma vie dans un club. Le football de club, c’est 80 % du temps de jeu. Le football de sélection, 20 %. Dans le calendrier que je propose, cet équilibre est respecté. Il est d’ailleurs avantageux pour les clubs car ils garderont leurs joueurs toute la saison, pour jouer leurs compétitions. »

Publié le 12 octobre 2021 à 17h49mis à jour le 12 octobre 2021 à 17h53

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